Chapitre 12
Il y a 25 ans,
Myriam
Matt est arrivé dans ma vie, comme une météorite. J’étais perdue, il m’a montré la voie en ravageant tout sur son passage. Dès l’instant où mes yeux se sont posés sur lui, alors que je n’avais que dix-huit ans, je savais. Cette sensation si subtile mais comme si, enfin, tout était à sa place. À sa juste place. Je savais que c’était lui. J’ai essayé de l’expliquer à mes amis, mais ils étaient tous très loin de croire au grand amour. J’ai vainement tenté de l’expliquer à mes parents après, mais ils étaient trop loin dans le passé pour m’écouter.
- Mais baise-le et passe à autre chose ma belle ! On dirait une gamine de 10 ans devant une nouvelle Barbie. Une fois que tu l’auras tu n’en voudras plus !
Ils avaient beau dire, il y a des signes qui ne trompent pas. Ils avaient tord. Je voyais bien le regard qu'il posait sur moi, son regard devenir doux, sans aucune trace de ce que la vie lui avait infligé. En me regardant, il devenait cet homme grand et fort, à des milliers de kilomètres de cet enfant meurtri caché dans un coin, attendant que l’alcool quitte le sang de sa mère. Lorsqu’il posait sa main sur mon visage, qu’il caressait ma joue et qu’il me faisait un clin d’oeil, le monde s’arrêtait à l’instant où sa paupière se fermait. Il était à l’opposé de ce que j’étais et c’est pour cela qu’il m’impressionnait. Par sa force silencieuse, sa capacité à analyser le monde de façon cartésienne, ses moments où ils se perdaient dans ses réflexions. Il avait du mal à voir le monde comme je le voyais et nous parlions pendant des heures, à débattre s’il était normal de faire la guerre, si la réincarnation existait et si nous n’étions pas que des âmes ayant déjà vécu plusieurs fois, plusieurs vies.
Peu importe les obligations, les problèmes, nous nous accordions au moins un bisou par jour. Nous nous accordions ce moment à nous. Une bulle d’oxygène dans notre chaos. Ce moment pouvait durer 5 minutes, comme il pouvait durer 3h. Mais, Dieu seul sait à quel point ce court moment redonnait sens à ma vie.
Le nombre de battement dont mon coeur a été épargné depuis notre rencontre, me permettrait presque de vivre 20 ans de plus. L’amour est tellement puissant. Il me lie à Matt d’un fil invisible que seul lui et moi étions capable de voir. L’amour rend fou, rend aveugle, rend invincible. Je crois que je n’ai jamais eu aussi peu peur du destin, de l’avenir et de demain. Parce que tout ça, c’est lui. Je sais que quoi qu’il advienne, à la fin de la journée, je le retrouverais.
Jeudi, c’est le dernier jour de novembre, je me tourne vers lui. Nous conduisons pour partir en week-end au Luxembourg. C’est toujours comme ça depuis notre rencontre, nous nous lançons uniquement des regards et nous nous adressons parfois plus la parole. Nos yeux parlent à notre place et je crois qu’on profite de ce temps bien mérité pour offrir nos mots aux autres. Je croise enfin son regard. Ses yeux sont tellement clairs…
Je souris comme une idiote à chaque fois. Alors il me fait un clin d’oeil. Je crois que je ne me lasserais jamais de cette routine qui signifie « je t’aime ».
Je me suis surprise plus d’une fois à chercher son visage dans la foule, à espérer quand il me manquait beaucoup trop de le croiser par « inadvertance ». Mais la vie, nous à toujours réuni au bon moment. Je revivrais sans hésiter toutes mes journées, je reprendrais tous mes mauvais choix, pour être certaine de me retrouver pile à cette place aujourd’hui. Nos souvenirs dans cette voiture, au bord de la plage, des courses au câlin, des disputes, des photos prises à la volée, cachées dans une boîte carrée sous mon lit, se gravent dans l’historique de mes souvenirs, pour laisser place à ceux que chaque jours, Matt rend incroyable.
Il est là, à mes côtés. Pour la vie.
Nous avions prévu après le Bac de partir, loin d’ici, loin de cette vie pourrie. Où que nous allions, nous trouverons un travail, une belle maison et nous aurions trois enfants. Je deviendrais danseuse étoile et rejoindrais une compagnie pour réaliser des ballets dans les plus grandes villes du monde. Peut-être que nous adopterions un ou deux de nos enfants. Notre amour n’a pas besoin d’être transmis à travers des gênes, à travers un sourire qui sera identique au sien, à travers un regard directif qui sera identique au mien. Nous sommes jeunes, amoureux et invincibles.
Mon dieu, que je l’aime.
Il me sourit du bout des lèvres et je meurs d’envie de l’embrasser. Je me surprends à espérer d’avoir enfin rencontrer celui qui me sauvera de mon enfer, celui qui me fera vivre une vie que je désire tant, celui qui sera… mon partenaire.
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