Lilly,

Quelques semaines plus tôt,

Le soleil brule mon visage d’une agréable façon qui me pousse à ouvrir les yeux. Peter est tourné vers moi, les yeux grands ouverts. Je ne peux réprimer un sourire. Ce garçon me fait craquer. Son visage est tenu par l’une des ses mains, pendant que l’autre est gentiment posé entre nous. Son torse légèrement poilu brille sous les rayons du soleil. Nous ne fermons plus les volets depuis que Peter à réaliser que le noir complet me faisait paniquer.

Ces routines matinales m’apaisent. Elles ont quelque chose de réconfortant.

• Tu ne m’as jamais expliqué pourquoi tu parles si peu de tes parents.
• Parce qu’ils sont tellement célèbres que tu voudrais rester avec moi uniquement pour leur argent et leur influence.

Pendant qu’il me sourit, j’attrape sa main pour me reconnecter à lui, qu’on oublie les questions qui volent dans sa tête de manière de plus en plus récurrente. Je sais bien que je ne pourrais pas les tenir plus longtemps à distance, mais je me dois de le garder loin de tout ça.

• Tu es tellement chaude, c’est tellement perturbant, et le pire c’est quand tu rêves. J’ai limite peur que tu sois en train de couver quelque chose. Et pourtant à ton réveil, tu as toujours ce visage d’ange, ta température redescend sans être pour autant « normale ». Tu es un phénomène météorologique à toi toute seule.

C’est à mon tour de sourire.

• Sérieusement Lil, tu sais tout de moi, et pourtant tu restes cette fille planquée derrière les murs qu’elle a érigé pour se protéger du monde. Tu penses que je te voudrais du mal ?
• Tu penses que je peux répondre à cette question ?
• Mais tu ne me laisses pas te prouver que tu as tord.
• Pete, je t’en supplie…
• Parle moi, j’ai besoin de comprendre ce qu’il se trame dans tes silences, j’ai besoin de comprendre ces traces sur ton corps, j’ai besoin de comprendre pourquoi tes yeux ont perdus ces étincelles que je rallume parfois ? J’ai besoin de savoir…
• Pourquoi ? Pourquoi as-tu autant besoin de savoir ? Cela changerait quoi à ce bonheur que j’ai avec toi maintenant ?

Je m’allonge sur le dos afin de ne plus faire fasse à ses yeux, pour ne pas craquer et finir par lui dire tout ce que ma tête empêche de dire depuis mon coeur.

Sa chambre sent toujours la vigne. Je ne parle pas de celle que nous connaissons maintenant, celle infectée par les pesticides qui donne aux champs une odeur nauséabonde, mais plutôt celle qui me rappelle la rosée du matin, le soleil chauffant les feuilles du raisin qui deviendront du vin.

Mes yeux se perdent alors à nouveau sur son miroir où je distingue de mieux en mieux le visage de sa soeur et de nièce. Elles sont tellement belles et j’espère avoir un jour la chance de les rencontrer elles aussi. Il est fort probable qu’elle nous imagine ensemble, en tant que couple, mais est-ce que cela me dérangerait finalement ?

• Tu as raison, Lil, cela ne changera rien à ce bonheur. Ca ne le ternira pas, je serais toujours à tes côtés et je serais toujours émerveillé par la femme que tu es. Je veux juste être certain de ne jamais te faire subir le même mal qui t’habite et surtout j’aimerais soulager tes épaules, en partageant ton fardeau.
• Je ne peux pas te faire ça à toi Pete…

Les gestes d’affection que me portent Peter me remplissent de bonheur, j’entends son coeur battre fort lorsqu’il est à mes côtes et je sais que cela doit devenir de la torture de tomber amoureux sans pouvoir se rattraper, d’espérer de ne pas être le seul à tomber. Mais je ne suis pas venue ici dans ce but, de me lier à un homme, de lui donner mon âme, mon coeur, mon corps et ma vie pour qu’il me déçoive. Je suis mon héroïne, je suis venue ici me sauver. Pas pour me briser à nouveau.

Mais je me mens surement à moi-même car l’imaginer avec une autre, c’est ça qui me tuerait.

• Je ne peux pas te faire ça, car je verrais dans tes yeux ce que j’ai vu chez des dizaines de personnes. Réaliser combien le monde est noir, mesquin et difficile. Je te ferais voir quelque chose dont tu n’as même pas conscience. Tu as une vie merveilleuse Pete, je ne sais même pas pourquoi tu t’es épris de moi. Je suis cassée.
• Je sais ça, tu l’as dit le jour de ton arrivé que Marseille était ton échappatoire. Qu’as-tu fui ?

Son visage apparait au dessus du mien, son regard cadenassé au mien afin de m’empêcher de fuir. Sa force et sa détermination m’épate. Pendant que les mots commencent à dégouliner entre mes lèvres pour lui donner un aperçu de ce qu’à été ma vie jusqu’à présent, jusqu’à cette fabuleuse rencontre, mon esprit s’éloigne vers le jardin. Il ne faut pas que les démons remontent.

Quand je pense en avoir dit assez, j’éloigne la couverture de mon corps, dévoilant mon petit haut en dentelle blanc et ma culotte noire couvrant à peine la moitié de mes fesses.

Peter s’est rallongé sur le dos et fixe le plafond. Mais avant que j’ai pu quitter le lit, il me rattrape, me sert fort contre lui et ne dit rien.

Ce silence je le bénis. Parfois les gens utilisent des mots dénués de sens pour essayer de prouver qu’ils comprennent. Le silence vaut 1000 mots. Son étreinte construit une nouvelle sorte de murs autour de ces souvenirs. Ils ne pourront plus m’atteindre car l’amour que Pete me porte les tiendra à distance.

Désormais je réalise que je ne suis plus seule. Je suis deux.