Chapitre 2

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Le club Academia avait une très bonne réputation que ce soit grâce à ses cuisiniers qui préparaient toujours d’excellents repas, servis à la carte et capables de satisfaire pratiquement toutes les espèces avec des mets traditionnels ou grâce à ses soumis, dressés à la perfection, diraient la majorité des Dominants présents. Enfin, bien entendu, il était toujours plus simple de satisfaire Maître Arkes avec un bon repas qu’avec un bon soumis, mais les spectacles proposés savaient se faire divertissant. Plus que tout cela, il aimait revenir de temps à autre échanger avec quelques confrères triés sur le volet et les dresseurs présents ici étaient exactement ceux avec qui cela valait la peine de le faire. C’étaient ses amis.

Assit à table, il n’avait pas choisi un met Djinn, même d’excellents cuisiniers peinaient à en reproduire la moindre saveur. À la place, il goutait l’un de ces plats fantaisistes, une création du chef qui mettait ses papilles à rude épreuve pour son plus grand plaisir.

- Trois heures ! Je te jure, c’est un record pour moi.
- Pff… Il ne s’est pas trop refroidi ? demanda Maître Lead.
- J’ai dû surveiller ça de près… Une vraie corvée. Et toi, Arkes, quel est ton record ?

Il prit le temps d’y réfléchir un instant. Oh il avait souvent plongé très profondément des soumis dans leurs propres espaces, parfois, il s’était même arrangé pour les y faire littéralement couler, mais une fois en particulier lui revient à l’esprit.

- Seize heures.
- Hein ? Seize ? Mais comment tu fais ça ? Et surtout pour quoi ?
- Il faut maintenir assez de pressions pour le faire sombrer, le problème c’est la remontée… Et pourquoi ? Un foutu soumis à moitié sauvage, rendu fou par la douleur. Le plus dur, ça a été de le mettre dans le bon état d’esprit.
- Tu l’as fait soigner alors qu’il avait plongé. Comprit soudain Maître Artis.
- Ouais… On n’a pas trouvé d’autres solutions, il n’était pas en état d’être anesthésié.
- Combien de temps pour la remontée ?
- Les deux dernières heures… puis j’ai dû rester avec lui encore deux jours pour m’assurer qu’il était à peu près stable, il replongeait sans même s’en rendre compte. Ce n’était vraiment pas une bonne séance.

Ils continuèrent à discuter tranquillement, rebondissant sur l’histoire pour parler des autres effets curatifs qui pouvaient être appliqués lors d’une telle plongée. Ils eurent un véritable débat sur la balance bénéfice risque que cela pouvait représenter. Sur scène, un duo s’approcha pour l’une des représentations. Le soumis était petit et fluet comme la majorité d’entre eux, mais il avait également un côté plus effacé qui déplut assez rapidement à Arkes. Le jeune semblait déjà à moitié plongé en lui-même avant même d’avoir commencé. C’était techniquement une erreur, mais il ne pouvait pas l’imputer simplement au soumis. Le Dominant heureusement sembla s’en rendre compte car il le força à reprendre pleinement pied avant de commencer quoique ce soit, mais le soumis replongeait rapidement, sans se retenir. Un coup de cravache particulièrement vicieux lui fit reprendre un sursaut de conscience et replonger presque aussi sec.

L’humiliation, comprit-il. C’était l’humiliation d’être sur scène qui suffisait à faire couler le jeune. Le Dominant aurait beaucoup de mal à l’ancrer sur terre, mais surtout, il aurait du mal à le faire revenir en sécurité après coup, même en coulisse, car les marbrures qui se dessinaient déjà sur son corps lui révèleraient qu’il avait été déplaisant. Ce serait une mauvaise soirée pour eux deux, conclut-il tout en détournant le regard pour reprendre la discussion avec son collègue le plus proche.

Après une séance plus que laborieuse, le duo quitta la scène laissant place à Ludge, un Dominant très connu dans le milieu notamment pour sa sélection de soumis masochiste. Il passa près d’une heure entière à empêcher son soumis de sombrer, refusant de lui faire assez mal, faisant démonstration de comment discipliner un tel soumis puis, il passa l’heure suivant, alors que son soumis était totalement épuisé à présent, à montrer comment provoquer les pires élancements douloureux. L’érection du soumis à elle seule montrait tout son amour pour cette partie de la séance.

Le silence s’était fait dans la salle et tous les dominants présents observèrent le soumis tomber enfin dans la transe qu’on lui avait tant refusée. Il était sublime ainsi abandonné et beaucoup aurait aimé l’avoir dans leur lit pour le reste de la nuit. Pourtant ce n’était pas le cas d’Arkes qui avait noté l’empressement à obtenir ce qu’il désirait, les tentatives de manipulations pour obtenir des punitions et milles autres petits détails déplaisants à ses yeux. Ce que beaucoup voyaient simplement comme du jeu était pour lui une véritable offense qui n’avait rien de désirable. Un tel soumis l’agacerait rapidement et il le chasserait tout aussi vite, certain de ne pas pouvoir lui apporter ce dont il avait réellement besoin et tout aussi sûr qu’il ne le lui apporterait pas en échange.

- Laisse-moi deviner, pas assez plaisant pour toi, hein Arkes ?
- En effet.
- Je parie que tu n’as toujours trouvé personne… Est-ce que les soumis que tu travailles te soulagent au moins un peu ?
- Ils ne sont pas là pour ça.
- Ouais, mais est-ce qu’ils le font ?
- Non. Je prends un soumis de prêt régulièrement au club d’Ally et un autre sur la 5ième Avenue quand c’est vraiment urgent, mais ils ne conviennent pas vraiment non plus.
- On devrait relancer ton annonce.
- Ça fait deux ans…
- Ouais, justement, ça fait trop longtemps.

Les autres dominants acquiescèrent et promirent de vérifier dans chaque club autour d’eux. Un simple soumis de prêt plus convenable pourrait l’aider après tout. Toutes les pistes devaient être explorées. On parlait souvent de ce qu’il se passait lorsqu’un soumis était laissé trop longtemps sans aller dans son espace mental, le mal-être s’installait en même temps que les angoisses et les choses devenaient de moins en moins gérables. Le Dominant quant à lui devenait de plus en plus irritable, intransigeant, voir agressif. Ce n’était pas vraiment mieux. C’était simplement beaucoup plus rare qu’un Dominant ait du mal à partir dans son propre espace de toute-puissance.

Les amis d’Arkes surent faire passer le mot, car trois semaines plus tard, plusieurs propositions de soumis lui revenaient. La majorité ne correspondrait pas et il en avait parfaitement conscience mais à chaque dossier reçu, un petit espoir supplémentaire naissait en lui. Peut-être qu’un jour, il pourrait être l’un de ces bons Dominants équilibrés qui vivaient avec leurs soumis.

La demande de base telle qu’elle avait été formulée et transmise n’était pas particulièrement précise. On recherchait un soumis masculin, de n’importe quelle espèce magique de la communauté, désirant un contrat à temps complet, sans la moindre pause. C’était déjà une demande qui recevait peu de candidats. À cela, on ajoutait qu’il devrait se satisfaire d’une vie axée sur la Discipline et donc l’obéissance. La demande précisait que le Dominant était d’une très forte exigence et qu’il pouvait l’appliquer à travers un certain nombre de pratiques dites extrêmes. En lisant lui-même l’annonce, il comprenait pourquoi elle n’attirait pas et ça, c’était avant qu’il ne pose ses yeux sur les dossiers des soumis et qu’il les rejette dans l’heure.

Le dossier du jour était assez lourd et épais. Un soumis de prêt, d’expérience, cherchant un Dominant unique maintenant qu’il approchait les soixante-quinze ans. Pour un vampire, c’était encore vu comme un âge relativement jeune, mais il était effectivement venu l’heure de songer à une vie plus rangée. En parcourant rapidement les annotations et les évaluations de plusieurs dominants qu’il avait fait joindre à son dossier, Arkes nota qu’il avait tendance à désobéir pour obtenir des punitions dans une forme de jeu qu’il détesterait. Il referma le dossier et le posa sur la pile des refus.

Sur l’autre pile, celle des peut-être, il ne restait qu’un seul dossier et entre ces deux piles-là, une autre était formée, composée des soumis avec qui il pourrait y avoir un intérêt quelconque à faire une scène ou deux à l’occasion.

Il passait assez peu de temps dans son petit appartement au soixante-huitième étage d’une tour dédiée au dressage. La majorité du temps, il visitait des clubs à l’extérieur alors l’endroit étriqué pouvait presque sembler grand tant il était vide. Arkes observa un instant son intérieur, dépité par sa vie personnelle et décida de se replonger dans son métier puisqu’il n’y avait plus d’autres propositions à explorer. Ainsi, il sélectionna trois dossiers de trois soumis ayant besoin d’une séance de dressage de toute urgence, des soumis cassés pour la plupart, il les sélectionna pour qu’il soit proche du dossier qu’il avait mis de côté afin de passer le voir dans la même journée.

Quatre dossiers, deux le matin, deux l’après-midi. Après un contact bref avec les deux Dominants concernés, il alla dormir. Dans deux jours à peine, il aurait à assurer ce travail. Une séance de dressage avec une personne aussi réputée que lui coûtait cher aux Dominants. Beaucoup préféraient effectuer le travail eux-mêmes, mais la qualité n’était simplement pas la même. Avec le paiement de ces trois séances, il aurait de quoi vivre un bon mois sans aucune forme de difficulté et vu qu’il vivait pour son travail plus qu’autre chose, l’argent ne lui manquait pas.

***

C’était un tout petit club, un endroit tenu par deux Dominatrices et qui accueillait à peine une quinzaine de Dominants dans les soirées les plus folles. Maître Arkes n’était pas simplement connu pour être cher, il était également connu pour son amour des petits clubs et pour les rabais qu’il acceptait de faire pour s’ouvrir à ce type de structures. Assez souvent, les soumis qu’il y voyait avaient été abusés durant de longues années. Un bon nombre d’entre eux présentaient des défis intéressants.

Les trois dossiers de ce club étaient dignes d’intérêt en soi. Il passerait une journée pertinente et vivifiante. La salle avait été installée suivant ses recommandations et il fut accueilli par Anatia, l’une des deux Dominantes qui prit un peu de son temps pour vérifier qu’il avait ce qu’il voulait et qu’il n’avait pas besoin de plus d’informations.

- Saone est un bon soumis, il a surtout manqué de chance. Assura-t-elle.

Ce n’était pas ce qu’indiquait son dossier pourtant, il était surtout pénible, colérique et rebelle. Il avait cassé le nez de son dernier Dominant et il avait accepté cette séance de dressage dans le seul et unique but que le club couvre toujours ses dépenses puisqu’il était en contrat avec eux.

- Est-ce une manière de me demander de ne pas être trop brusque avec lui ?
- Non. C’est une manière de vous aider à voir qui il est en réalité.

Il acquiesça tranquillement. À minuit pile, le jeune homme entra. Il était plus fluet et délicat qu’il ne s’y attendait, mais les jeunes loups-garous avaient souvent une force qu’il n’était pas en adéquation avec leurs physiques. Il s’arrêta derrière la porte, comme beaucoup d’autres, et lui jeta un long regard plein d’appréhensions sans dire un mot pour autant. À chaque séance, Maître Arkes choisissait un programme différent, réfléchit uniquement pour le soumis en question.

- Déshabille-toi entièrement.
- Pourquoi ?
- Je t’ordonne de te déshabiller entièrement.
- Mais pourquoi ? Vous êtes payés pour me dresser hein, pas pour prendre du plaisir !

Ce n’était pas surprenant qu’autant de dominants aient plongé dans la violence avec lui. Peu d’entre eux supportaient qu’on leur réponde ainsi, mais Arkes n’était pas comme beaucoup d’autres Dominants. Il n’expliquerait pas, il montrerait. Il ne s’énerverait pas, il sévirait seulement en cas de besoin. Sans rien dire, il convoqua sa magie, une partie de son corps se modifia visiblement comme si de la vapeur s’échappait de lui alors qu’il prenait le contrôle du soumis. Il le fit se dénuder entièrement, plier ses affaires proprement près de la porte avant de le relâcher un peu plus loin. À peine fait, le soumis poussa un gémissement de pure détresse tout en se recroquevillant sur lui-même. Terrorisé, en effet.

- Habille-toi.

Cette fois-ci, il ne se fit pas attendre, se jetant sur ses vêtements pour les enfiler le plus vite possible. Ses mains tremblaient comme des feuilles, mais il réussit à le faire en un temps record.

- Bravo, je suis très content de toi.

La voix froide de Maître Arkes aurait pu démentir ses propos, mais il y avait quelque chose dans son ton qui apaisa totalement le soumis. Il se détendit sous la félicitation. Personne ne le félicitait jamais… Les Dominants le frappaient, l’engueulaient, le punissaient… Mais le féliciter ainsi ? Non.

- Déshabille-toi entièrement.

Il poussa un nouveau gémissement en fixant le Dominant sans savoir quoi faire. Il n’avait pas du tout envie qu’il reprenne le contrôle de son corps. Très lentement, il rouvrit sa chemise, bouton par bouton. Lorsqu’il s’arrêta, le sort prit le relais pour le faire agir, plier les vêtements et s’éloigner une nouvelle fois. Il fut libéré et l’ordre tomba de nouveau « habille-toi ». Les félicitations le perturbèrent une nouvelle fois.

- Déshabille-toi entièrement.

Le soumis baissa le visage, sûr que le Dominant allait reprendre le contrôle de son corps dans l’instant, mais le Maître Arkes attendit un long moment, le laissant réfléchir. Puis le soumis se déshabilla.

- Plie tes affaires et pose-les près de la porte.

Il obéit sans attendre et accepta de se déplacer quand il le lui ordonna.

- Très bien, bravo. Je suis très fier de toi. Tu peux te rhabiller.

Il rougit sous les félicitations et se rhabilla un peu plus lentement, plus en confiance. Les ordres devinrent de plus en plus faciles à suivre, de plus en plus anecdotiques. Se déshabiller, plier ses vêtements, se déplacer d’un coin à l’autre dans la pièce, lui tendre la main et la serrer, retourner s’habiller, s’agenouiller vêtu, recommencer, s’agenouiller nu, se relever, se rassoir, recommencer … Les ordres ne cessaient que pour prendre le temps de le féliciter. Ces mots étaient comme des caresses tendres qui pansaient ses angoisses.

- Très bien, vraiment très bien, tu es parfait. Tu peux te rhabiller.

Maître Arkes se leva et fit entrer la maîtresse Anatia qui attendait non loin tout en travaillant sur les affaires internes du club.

- Saone, agenouille-toi devant ta Maîtresse.

Le soumis obéit, un peu ailleurs, mais pas entièrement plongé dans son espace personnel. Anatia sembla le noter immédiatement, mais elle ne fit pas le moindre commentaire, posant simplement sa main sur la tête du soumis, le caressant tendrement.

- Je vous le laisse. Saone, tu vas obéir à ta Maîtresse n’est-ce pas ?
- Oui, Maître.
- Très bien, tu es parfait.

Le soumis rougit légèrement et se laissa aller contre la jambe de sa Maîtresse qui semblait très satisfaite de son état.

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