Chapitre 18

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Arkes soupira devant la pile de dossiers bien trop importante à son goût qui s’étalait devant lui. Certains étaient des dossiers pour des dressages potentiels, mais il avait décidé, pour maintenir de bonnes relations avec l’envolée des anges, de leur offrir un certain nombre de séances et une démonstration publique comme gage de sa bonne foi. Le fait qu’il ait gagné au duel de défenseurs le plaçait dans une excellente position, mais il fallait savoir entretenir les choses, alors il donnerait de sa personne. Malheureusement, cela se traduisait également par des papiers supplémentaires.

Les autres dossiers étaient ceux des dominants potentiels pour Anaël, mais avant de commencer à les trier, il fallait qu’il teste l’angelot. Comment lui choisir un Maître sans savoir ce qui lui correspondrait réellement ? Depuis qu’Anaël avait compris qu’il assurait sa sécurité, il s’était totalement offert à lui. Alors qu’Arkes triait les fiches, il se tenait sagement agenouillé près de sa jambe.

- Anaël, penche-toi. À quatre pattes. Repli tes ailes, davantage, je veux qu’elles soient bien plates. Parfait.

Tranquillement, Arkes posa une partie de ses documents sur la table improvisée et reprit son travail comme si de rien n’était. Le maître n’avait rien mis de lourd sur lui, mais il fallait tenir la position et très vite ses muscles fatiguèrent. Là, réduit à l’état d’objet, Anaël contempla sa vie. Il s’était déjà révolté, tellement révolté pour échapper aux ambitieux qui ne pensaient qu’à l’écraser. Bouger les ailes, envoyer voler tout ce qu’il portait, ce serait facile, mais il décevrait Maître Arkes qui lui avait confié cette mission. Il ne pouvait pas le trahir, pas après tout ce qu’il avait fait en sa faveur. Anaël avait beaucoup trop de respect pour lui faire une telle chose, alors il resta immobile.

Du coin de l’œil, l’angelot vit que leur maître avait fait s’agenouiller et se recroqueviller sur lui-même le garçon avant de poser les pieds dessus comme s’il était un objet, lui aussi. Un repose-pied. Anaël souffla doucement et se concentra sur sa respiration. Il en avait assez fait pour repérer un test quand il en voyait un. C’était à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne était que ce n’était pas forcément dans le goût de leur Maître. La mauvaise était que ça pouvait durer vraiment, vraiment très longtemps. Alors il fit de son mieux pour rentrer dans cette soumission longue en se concentrant sur sa respiration et en essayant d’oublier, peu à peu, les douleurs dans son corps. Elles étaient de plus en plus nombreuses et avec elles, finit par venir une sombre angoisse. Il avait l’impression qu’il ne serait jamais relâché. Il détestait ça.

Au-dessus de lui, Maître Arkes continuait de travailler. Il ouvrit deux dossiers, celui d’Anaël et celui de son garçon. Il se leva et se dégourdit les jambes. Cela faisait bientôt une heure qu’il avait placé ses soumis, ce qui était à la fois très long et très court pour ce type de soumission. Il s’approcha d’Anaël et se pencha pour avoir une chance de croiser son regard. Le visage du petit ange était contracté dans une grimace qui trahissait son inconfort et sa douleur.

- Anaël. Est-ce que tu désires changer de position ?
- Oui, Maître. S’il vous plaît… répondit-il doucement.

Sans attendre, Arkes retira les quelques objets qu’il avait installés sur son dos, plus pour la forme qu’autre chose, et il lui caressa gentiment les ailes tout en l’aidant à se redresser.

- Deux choix maintenant. Tu peux prendre la place de mon garçon, sous mes pieds ou bien te coucher en travers de mes genoux.

Anaël hésita un court instant avant de demander les genoux. Il n’aimait vraiment, vraiment pas, servir de mobilier. Cela lui laissait un goût désagréable dans la bouche.

- Très bien, attends un instant. Acquiesça le Maître avant de vérifier l’état de son garçon.

Le petit elfe était recroquevillé sur lui-même, le front au sol et les bras repliés contre son torse. Pour saisir son regard, Arkes dû le faire se redresser légèrement.

- Garçon ?

Le temps de latence avant le « oui, maître » suffit à lui dire ce qu’il avait à savoir. Une nouvelle fois, son garçon avait plongé avec une facilité déconcertante et il commençait à avoir une théorie sur comment il fonctionnait. Il restait néanmoins à la valider. Le Djinn vérifia que le corps de son soumis ne s’était pas trop refroidi et il lui ordonna simplement de reprendre sa position.

Installé sur son fauteuil, un soumis sous les pieds et l’autre sur les genoux, il soupira d’aise. Arkes aimait être ainsi entouré. Il laissa ses doigts courir le long des fesses de l’angelot, pendant que de son autre main il notait soigneusement sur le dossier d’Anaël :

« forniphilie : apte en format court »

Et sur celui du garçon, il nota :

« forniphilie : apte, pratique conduisant à la zone »

Ainsi, à partir de maintenant, même s’il décidait de rendre le garçon, son ancien maître saurait comment le conduire régulièrement et efficacement dans sa zone. Il devait d’ailleurs se décider et rendre sa réponse concernant son garçon. Après tout, il avait collecté déjà assez de données. Il sortit une feuille vierge, traça un trait central et nota tous les défauts du soumis dans une première colonne.

Problème de codes (dangereux).
Visiblement usagé (honteux).
Erreur de maintien (corrigible).

Il nota ainsi chaque détail problématique même si les deux premiers points à eux seuls suffisaient à faire reculer n’importe qui. Tout en pinçant les lèvres, il donna une très légère claque sur les fesses d’Anaël qui sursauta et lâcha un petit cri de surprise. Puis il caressa sa peau qui n’avait même pas été rougie par la claque et reprit son exercice comme si de rien n’était. Après tout, il l’avait seulement fait pour le plaisir. Dans la seconde colonne, il nota :

Possibilité d’atteindre la zone pour le soumis (relativement facile).
Possibilité d’atteindre la zone pour moi (relativement facile).
Assez sage pour être emmené en dressage (mais honteux).

Et ainsi de suite, jusqu’à observer la balance qui se formait devant ses yeux. En réalité, cela venait surtout poser quelques questions sur lesquelles il devait trancher. Quoi qu’il fasse, le garçon aurait sans doute encore l’air usagé à la fin. Bien. Pouvait-il s’en accommoder ? Oui, si ce soumis pouvait le conduire à sa zone, alors tant pis pour le regard des autres et les jugements. Ce n’était pas un critère rédhibitoire. Beaucoup de points négatifs étaient également corrigibles.

Seulement, les codes du garçon étaient cassés et ça, il doutait de pouvoir le réparer. Il remua doucement le pied, caressa le dos de son soumis qui, sagement, continuait à le servir. Il lui vint soudainement une idée malgré tout. Son garçon avait été très empathique avec Anaël. Arkes referma les dossiers et fit se relever le petit angelot.

- Nomme-moi, trois pratiques BDSM que tu apprécies réellement Anaël.

Le soumis haleta, baissa les yeux et se prit à réfléchir intensément. Jusque-là, il n’avait rien aimé réellement. Incertain, il proposa :

- Vous obéir, Maître.
- Bien. Quoi d’autre ?
- Je ne sais pas, Maître…

Arkes acquiescées.

- Dans les prochains jours, nous allons tester des séries de pratiques jusqu’à ce que tu puisses nommer trois choses sans aucune difficulté. Cela nous aidera pour le choix de ton Dominant.
- Merci, Maître.

Et durant les jours suivants, il mit en place un grand nombre de tests. Anaël s’avérait étonnamment tactile, appréciant les caresses et encore plus, peut-être, le fait de prendre soin de quelqu’un d’autre. Il l’avait déjà vu lors de la toute première scène. Il l’avait entretenu en laissant les soumis dormir ensemble. À présent, il allait tester à quel point l’inverse était vrai.

- Garçon ?
- Oui, Maître.
- Est-ce que tu apprécies Anaël ?
- Oui, Maître.
- Bien. Aujourd’hui, nous allons faire une séance vraiment très particulière. Je te veux à genoux immobile, je t’appellerais tout à l’heure. Anaël, avec moi, dans la salle.

Anaël frémit, très visiblement angoissé. Il observa son ami sans savoir quoi faire pendant un cours instant, mais c’était Maître Arkes qui ordonnait et il avait l’habitude à présent de lui obéir. Lorsque le Dominant referma la porte derrière eux, il ne put pas s’empêcher de frémir, malgré tout.

- Bien. Je vais t’emmener très loin. Quels sont tes codes habituels ?
- Ciel quand j’ai plongé. Terre si tout va bien. Mer si j’ai un souci. Et puis ancre…
- En cas d’arrêt d’urgence.
- Oui Maître.
- Très bien. Lors de cette séance, tu n’auras pas le droit de parler. Je vais te bâillonner. Tu tiendras une laisse qui va te relier à mon garçon. Si tu estimes devoir donner un code, tu tireras dessus pour l’attirer vers toi. Tu as compris ?
- Oui, Maître. Tirer sur la laisse.
- Si tu dois dire en urgence mer ou ancre, tu pourras mordre dans le bâillon, il fera un bruit. C’est compris ?
- Oui, Maître.
- Très bien. Cette séance n’est pas une punition. Ce n’est pas non plus un dressage pour toi. Je vais dresser mon garçon uniquement. Tu seras mon outil pour l’aider. Je suppose que tu aimerais l’aider ?

Anaël hésita un instant avant de dire « oui ».

- C’est vraiment très bien.

Arkes lui fit tester le bâillon, lui montrant comment il couinait avec la pression, puis il le glissa dans sa bouche. Il le fit l’actionner une fois et le félicita, puis, tranquillement, il alla chercher son garçon. Comme demandé il était resté à genoux, mais il présentait une tension musculaire un peu plus importante qu’en temps normal et ses yeux étaient grands ouverts. Il était inquiet. C’était parfait, jugea le dresseur prêt à se mettre au travail.

- Garçon, es-tu prêt ?
- Oui, Maître.
- Debout. Aujourd’hui, nous allons faire un exercice très différent de ce que tu as l’habitude de faire. Tu vas devoir te dépasser. J’attends énormément de toi. Je n’hésiterais pas à te punir si j’estime que tu ne fais pas de ton mieux.

Le petit elfe déglutit devant la tirade sans comprendre pourquoi son Maître prenait le temps de le menacer ainsi. Il le suivit, suivant ses ordres, et rentra dans la pièce. Un simple coup d’œil lui apprit qu’Anaël était à présent bâillonné. Quoique le Maître ait prévu, la séance allait être rude, pensa-t-il alors, se surprenant lui-même.

Sans un mot, Arkes entraîna son soumis pour qu’il se tienne juste à côté de l’angelot, puis, il fixa un collier épais autour du cou gracile de l’être ailé. Le garçon reçu la laisse dans la main sans comprendre. Elle était en cuir, épais, assez pour blesser si le Maître décidait de les battre avec estima-t-il rapidement, sans savoir pourquoi.

- Mon garçon, ton ami ne peut pas parler. Tu seras sa voix. Je vais lui poser des questions et tu répondras pour lui. Tu utiliseras de ses codes de sécurités. Ciel s’il plonge. Terre si tout va bien. Mer s’il y a un problème ne demandant pas l’arrêt de la séance. Ancre s’il faut arrêter la séance. Si tu n’utilises pas ses codes, si tu le laisses dans une situation trop difficile, je te punirai. Si tu essaies de l’épargner, de le soustraire à mon autorité, je te punirais également. Tu as compris ?
- Oui, Maître.
- Quel est le code indiquant qu’il est dans sa zone ?
- Ciel.
- L’arrêt total de la séance ?
- Ancre.
- Si tout va bien ?
- Terre.
- Et s’il y a un souci ?
- Mer.

Il le lui fit réciter, trois fois d’affilée puis se tourna vers Anaël et lui caressa doucement la tête, comme pour le féliciter. Le jeune ange n’avait pas bougé, il attendait simplement en silence la suite des évènements, malgré le stress. C’était un bon comportement. Faire ce genre de séance était un défi en soi pour lui.

- Anaël, étire tes ailes vers l’arrière.

L’angelot hésita un court instant et obéit.

- Ramène-les vers toi.

Il le fit.

- Replis-les.

Il obéit.

- Recommence.

Il le fit encore une fois, lentement, d’une façon bien peu assurée, mais il le fit. Les ordres se succédant le firent très légèrement plonger, mais la douleur musculaire le garda un peu conscient. Les mouvements devinrent bientôt de plus en plus durs.

- Anaël, comment te sens-tu ?

Il hésita un court instant avant de tirer sur la laisse, passant la parole à son ami.

- Garçon, il te demande de répondre pour lui. Quel est son code ?
- Terre, Maître.
- Très bien, recommence la séquence Anaël, puis un genou au sol.

Arkes l’aida pour lui faire prendre la position souhaitée, à moitié accroupie, ses ailes tendues vers l’arrière pour l’aider à garder l’équilibre.

- Debout et l’autre genou au sol.

Petit à petit, les gouttelettes de sueurs apparurent sur le front de l’angelot, mais son esprit était de moins en moins présent. Suivre les ordres était facile, évident même.

- Quel est son code ?
- Terre, Maître.

Arkes acquiesça et donna encore une série d’ordre, corrigeant l’inclinaison de ses bras, de ses ailes ou de son menton. Ce qu’il se passa ensuite, Anaël ne le sut pas vraiment, parce qu’il flottait totalement. Les ordres tombaient et il obéissait, oui. Mais que faisait-il ? À un moment, il se retrouva en travers des genoux de son Maître et une pluie de claque s’abattit sur lui, rien qui ne le fit revenir à lui. Au contraire. Il vola un peu plus haut encore, souriant sous les coups comme s’il s’agissait de caresses. Son fessier rougi de plus en plus et tout ce qu’il voulait, c’était que ça continue. La chaleur qui s’en dégageait était si douce.

Arkes était immense comparé à lui. Ses muscles étaient tendus, roulant sous sa peau. Le garçon observait tout les deux. Ils étaient beaux, mais il était de plus en plus inquiet. Soudainement, Arkes s’arrêta et lui demanda directement :

- Quel est son code ?
- Ciel et mer, Maître.
- Pourquoi ?
- Il est parti très loin, Maître, mais son corps… son corps ne peut pas Maître, répondit misérablement le garçon.
- Ah oui. Et d’après qui ?

Le garçon hésita, c’était déjà tellement dur de répondre. Qu’était-il censé dire à ça ?

- Je ne sais pas, Maître.
- Pourquoi Mer ? Je veux une véritable réponse. Qu’est-ce qui te dérange dans ce que je lui fais ?
- … Il… S’il ne flottait pas, il dirait mer. Il va avoir des bleus, Maître. Des marques qui vont lui faire peur. Il… Il ne serait pas d’accord.
- Oui, il ne serait pas d’accord. Va chercher la crème dans l’armoire.

Le garçon obéit sans attendre, lâchant la laisse qu’il tenait toujours et lorsque le bruit d’une claque retentit, il se figea totalement et observa doucement la main s’abattre sur le fessier déjà trop rouge, légèrement enflé et même bleui par endroit.

- As-tu quelque chose à me dire, mon garçon ?
- Ancre, Maître.
- D’accord. Va chercher la crème maintenant.

Arkes ne frappa plus l’angelot qui émit un petit pleur et se dandina en cherchant à nouveau sa main. Il avait plongé bien trop profondément pour comprendre que son Maître allait vraiment l’abimer s’il continuait. Lorsque l’elfe lui tendit le pot d’onguent, il le prit sans dire un mot et soigna doucement le soumis en soupirant. Une partie de lui aurait aimé ne pas avoir à aller aussi loin, une autre était franchement soulagée. L’angelot flottait bien trop pour qu’il puisse blesser son esprit et il avait réussi sa séance. Il restait maintenant juste à voir s’il parvenait à « transformer l’essai ».

- Est-ce que tu aurais employé le même niveau de code pour un autre soumis ?
- Je ne sais pas, Maître.
- Qu’est-ce que tu aurais dû prendre en compte pour le définir ?
- Leur état émotionnel et physique, répondit-il au bout d’un petit moment.
- Quoi d’autre ?
- … Leurs goûts, je suppose, Maître et puis… leurs limites personnelles.
- En effet. Et dis-moi quels sont tes goûts et tes limites ?

Le garçon baissa un peu plus la tête, totalement perdu par la question.

- Ce n’est pas grave si tu ne le sais pas, mon garçon. Seulement, c’est une question que nous allons devoir explorer et il faudra y répondre. Tu comprends ?
- Oui, Maître.
- Tu ne sais peut-être plus qui tu es… mais tu peux devenir celui que tu voudrais être.

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