Chapitre 19
Agenouillé dans un coin de la pièce, l’elfe était perdu dans ses pensées. Son Maître travaillait et vérifiait point par point ce qui serait le plus intéressant pour Anaël. Il avait arrêté quatre dossiers et tentait de les départager. Le garçon l’avait entendu en parler, sans vraiment y faire attention. Ce qui occupait toutes ses pensées, c’était la question de son maître. Il lui avait dit qu’il ne savait peut-être plus qui il était et cette idée lui semblait très étrange. En fouillant dans sa tête à la recherche de souvenir, il n’obtenait que des bribes éparses, sans queue ni tête.
Un jour, il était au parc, il était encore très jeune. Il y avait une aire de jeu où dominant comme soumis pouvait aller. La règle était simple : les futurs soumis devaient simplement laisser la priorité aux Dominants. Il n’avait pas eu le temps de se mettre en retrait, un plus grand l’avait poussé et il était tombé du haut d’une passerelle. Il s’était fait vraiment très mal au bras, mais il se souvenait surtout de la fessée qui était tombée, lourde et forte, sur son derrière déjà rougi par une précédente correction. Ce n’était pas son père ou sa mère. Ça, il en était certain. Il avait grandi ailleurs. Dans un bâtiment jaune, immense avec plein d’autres enfants. Était-il orphelin ? L’avait-on abandonné ? Il ne s’en souvenait absolument pas.
Un autre souvenir lui vint, à force de concentration. Il avait encore mal au bras, qui était tordu dans son dos. Le nœud de corde qui avait été fait pour l’attacher frottait contre sa peau qui était de plus en plus irritée. Il avait dit « cendre ». C’était un code. Il se souvenait parfaitement de l’espoir qu’il avait alors eu, l’espoir que le grand Dominant s’arrête un moment pour lui demander le problème. Il pourrait se plaindre du nœud qui serait refait, peut-être un peu plus haut sur son avant-bras et la séance pourrait reprendre normalement. Le Dominant s’était arrêté, il l’avait questionné et avait refait son nœud avec hâte et rudesse. Alors, ça n’avait rien changé à la douleur. Il avait dû répéter « cendre » deux fois de plus et à la troisième, au lieu de l’écouter, le Dominant avait glissé un bâillon dans sa joue et avait enfoncé son poing dans son estomac. Il se souvenait de sa propre terreur et de sa compréhension, limpide, que donner son code était dangereux. À la fin de la séance, sa peau présentait plusieurs hématomes, mais tout le souci était ailleurs. Son esprit avait commencé à se briser, à moins qu’il n’ait déjà commencé avant ?
- Garçon ?
Il sursauta, revenant à lui brutalement. Il n’avait pas remarqué que Maître Arkes s’était approché de lui. Le Dominant se pencha et lui souleva le menton jusqu’à croiser son regard.
- Est-ce que ça va ?
- Oui, Maître.
- Perdu dans tes pensées ?
- Oui, Maître.
Arkes acquiesça doucement et lui ordonna d’aller préparer le repas, plus pour l’occuper qu’autre chose. Depuis la dernière séance, son petit elfe n’était plus très stable. Ce n’était peut-être pas plus mal, mais il avait hâte qu’il aille mieux. Dans quelques jours à peine, Anaël testerait son premier Maître potentiel. Il aurait quatre séances avant de choisir celui qui lui convenait le mieux. C’était quatre Maîtres sorciers accomplis qui sauraient quoi faire de lui autant que des parts de l’entreprise. Malheureusement, préparer Anaël à ces tests lui prenait beaucoup de temps, ce qui n’était pas idéal pour s’occuper de son propre soumis.
Son garçon passait beaucoup de temps à réfléchir. Il semblait faire un travail de mémoire, cherchant à retrouver ses souvenirs et qui il était ou peut-être essayait-il de définir qui il désirait devenir ? Les soumis pouvaient avoir l’impression de n’avoir aucun choix et c’était malheureusement parfois vrai. Pourtant, Arkes ne voyait vraiment pas les choses ainsi. C’était moins lui que le soumis qui décidait de l’orientation d’une séance, puisqu’il s’adaptait à ses besoins réels, à ses difficultés, à ses problématiques, mais également à ses craintes, à ses goûts, à ses préférences… Il s’adapterait tout autant avec son garçon.
- À quoi réfléchis-tu en ce moment ? demanda le Dominant tout en s’approchant.
En attendant sa réponse, Arkes se mit à laver les légumes à ses côtés, le plus naturellement du monde. Ses placards étaient toujours pleins de produits frais, directement posés là grâce à un portail prévu à cet effet. C’était l’un des rares luxes qu’il s’offrait. Avant l’arrivée de son garçon, il prenait du temps pour cuisiner. L’activité ne lui manquait pas malgré tout.
- J’essaie de me souvenir… de ce que je pouvais aimer.
- Hum… Est-ce que tu aimerais de l’aide ?
Le garçon hésita un instant avant de demander :
- Comment Maître ?
- J’ai accès à ton dossier. Il est assez complet.
Le petit elfe eut l’air d’encaisser lentement la nouvelle puis tout doucement il avoua :
- Je n’aime pas mes souvenirs.
Arkes resta silencieux, frottant la peau du légume comme si c’était la chose la plus importante au monde. Puis l’elfe ajouta :
- Pensez-vous que j’apprécierai ce qu’il y a dans mon dossier ?
- Sans doute pas non. Mais si tu veux simplement me poser des questions… je pourrais regarder pour toi.
- Merci, Maître.
L’elfe resta silencieux après ça, continuant la préparation du repas auprès de son Maître, étrangement serein quant à la situation. Cela faisait très longtemps qu’il n’avait pas goûté à un tel luxe au quotidien. Ce qu’il préparait, il aurait le droit de le manger. Soit aux pieds de son Maître, de sa main, soit dans une assiette, un peu après son repas. Pour le moment, Arkes ne leur avait jamais permis de manger à table avec lui. C’était un cadeau de très grande valeur que peu de soumis avaient la chance de recevoir d’un Maître en BDSM. Hors de ce milieu très spécifique, les autres Dominants étaient plus coulants sur le sujet, mais le petit elfe ne se souvenait pas avoir une seule fois fréquenté ce genre de cadre. Son premier Maître… Il eut un long frisson et laissa échapper ce qu’il tenait dans ses mains, se figeant totalement face à un souvenir d’une netteté diabolique.
Le mâle était énorme, un lycanthrope, qui avait décidé d’utiliser son jeune corps pour un usage purement sexuel. Il baissa les yeux, cherchant à rattraper son erreur et à repousser les images qui ne voulaient plus quitter ses yeux dans un long flash-back interminable. Il se souvenait de sa peur et de son incompréhension dans une forme de soumission inconnue qu’il ne parvenait pas à faire. Il se souvenait des doigts trop forts sur sa peau qui lui faisait mal et de son code, qui restait coincé dans sa gorge.
- Garçon ?
- Oui, Maître ? chuchota-t-il.
- Veux-tu faire une séance ?
- Oui, Maître, s’il vous plaît.
Arkes acquiesça tranquillement et posa ce qu’il tenait avant de saisir les doigts de l’elfe, pour lui faire lâcher sa préparation. Il les rinça doucement, sans lui poser la moindre question puis les sécha avec attention.
- Anaël termine le repas puis vient toquer à la porte.
- Oui, Maître, émit immédiatement l’autre soumis, lui obéissant avec une dévotion qu’il savait apprécier.
Dans la salle Arkes étira sa nuque et ses épaules. Aujourd’hui, il allait en profiter pour tester sa théorie et voir s’il parvenait à faire plonger son garçon de la manière dont il le pensait. L’elfe était resté debout, au centre de la pièce, la tête basse, hésitant sur la marche à suivre. C’était la première fois depuis très longtemps qu’il demandait une séance, mais une partie de lui était sûre que Maître Arkes allait l’aider à retrouver la quiétude dans la soumission.
- Déshabille-toi entièrement, ordonna le Maître et aussitôt, il fut obéi.
Le corps du garçon s’améliorait. Il se remplumait tout en gardant la finesse caractéristique d’un soumis elfe qui ne faisait pas de sport. Il finirait par être vraiment « bien fait », jugea Arkes, satisfait. Le garçon resta immobile sous le regard de son Maître qui le dévisageait tout en lui tournant autour. Une partie de lui aimait ça. Il aimait savoir que les yeux de son Maître étaient posés sur lui.
- Tes codes seront vert, orange et rouge ?
- Oui, Maître.
- Très bien, je veux que tu les utilises à bon escient, comme tu as su le faire pour Anaël.
Arkes fit venir une chaise à lui et s’installa dessus tranquillement.
- À quatre pattes, la croupe vers moi, mon garçon.
L’elfe obéit, bien entendu et pendant un long moment, le maître pétrit ses fesses, massa la jonction délicate avec ses cuisses ainsi que ses hanches. Régulièrement, il écartait ses globes de chairs pour venir observer son anus contracté, mais pas une seule fois il ne le toucha. Plus par jeu qu’autre chose, il finit par soulever les fesses de son garçon pour poser son bassin sur ses genoux, le forçant à tenir la position à la force de ses bras, horriblement cambré et gémissant.
- Où en es-tu ?
- … Vert, Maître.
Il avait commencé à sombrer et son Maître continua ses attentions douces malgré la position moins évidente. Le garçon ne sursauta même pas lorsqu’un liquide frais vint se glisser contre son anus, rapidement suivi par des doigts qui se firent doux. Tout son esprit se concentra sur les sensations le long de cette petite zone qui fut couverte de caresses et lentement, les caresses furent plus appuyées, massant les muscles contractés.
De temps à autre, une voix lointaine lui parvenait, réclamant son code et inlassablement, il répétait « vert ». Parfois cela prenait du temps. Le temps qu’il comprenne ce qui était attendu de lui exactement, mais l’hésitation ne venait pas d’ailleurs, car le plaisir était remonté le long de son dos et avait atteint son cou, bouillant, ses joues, toute aussi chaudes, sa bouche entrouverte sur laquelle son souffle lourd venait cogner en rythme... À l’arrière de son corps, il se sentait de plus en plus ouvert et les doigts qui le massaient s’occupaient de la partie à l’intérieur de son corps. Combien de doigts ? Il n’en avait aucune idée et ne se posait pas la question, simplement perdu dans ses sensations.
Arkes travaillait lentement, seulement pour le plaisir. La pointe de tous ses doigts pouvait à présent pénétrer le garçon, mais il n’irait pas plus loin. Un jour, il lui ferait l’amour. Un jour, il ferait des performances sexuelles avec lui, pour le plaisir, mais aujourd’hui, son objectif était seulement de les conduire à leurs zones respectives. Pour cela, le garçon n’avait besoin d’aucun ordre, d’aucune forme de concentration, uniquement d’être soumis sans la moindre faille à son Maître. C’était une jolie forme de soumission, pas la plus pratique certes, celle d’Anaël qui au contraire aimait la multiplicité des ordres l’était bien davantage, mais très jolie malgré tout.
Il enfonça davantage deux de ses doigts à la recherche d’une petite partie cachée de son anatomie, juste là, dans son canal. Il la caressa, la malaxa et la travailla avec toute la tranquillité du monde. Le repas devait être prêt depuis un long moment déjà, mais il poursuivit sa tâche sans s’en inquiéter jusqu’à ce que du sexe de son soumis s’écoule sa semence. Lentement. Sans lui offrir une jouissance digne de ce nom. Arkes continua, vidant le corps de son garçon jusqu’à ne plus rien obtenir et ce fut seulement à ce moment-là, qu’il lui permit de prendre une position plus confortable à ses pieds, littéralement accrochés à son mollet.
- Anaël ?
Presque aussitôt, la porte s’entrouvrit.
- Apporte-nous donc trois assiettes ici.
- Oui, Maître.
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