Le Vase des Vases
La cruch’ née de la Voie Lactée, barattée dans la Mer de Lait (1).
Ô Nocte Urne, de la nuit découlée.
Elle contient le foie de Wsjr, depuis sa mort des mains de Swtẖ (2).
Ô Nocte Urne, de la nuit découlée.
Viṣṇu L’Imprégnateur, chagrin, porta les trois vases imprégnés
Ô Nocte Urne, de la nuit découlée.
À ꜣst (3), repris des mains de Yudhiṣṭhira, ou du fils du fils.
Ô Nocte Urne, de la nuit découlée.
Si vite meurent les mortels, que personne n’en a idée.
Ô Nocte Urne, de la nuit découlée.
Et il lui offrit la khumba (4) pour que reviv' le Roi des Rois.
Ô Nocte Urne, de la nuit découlée.
Depuis ce tragique événement, les rites d’embaumement
Ô Nocte Urne, de la nuit découlée.
En quatre Vases insèrent royaux boyaux et frères viscères.
Ô Nocte Urne, de la nuit découlée.
Surgit Wsjr Gisant, le temps d’un instant, parmi les vivants.
Ô Nocte Urne, de la nuit découlée.
Vengeresse ꜣst planta sa semence et enfanta le Faucon.
Ô Nocte Urne, de la nuit découlée.
Alors Ḥr.w affronta L’Usurpateur en guerre d’usure.
Ô Nocte Urne, de la nuit découlée.
Swtẖ, défait, ses viscères enserrées, Ḥr.w devint Roi des Rois.
Ô Nocte Urne, de la nuit découlée.
Et Wsjr retourna à la Duat et devint Roi des Morts (5).
Ô Nocte Urne, de la nuit découlée.
Sur le Mont Olumpos, deux cruches sacrées nous retrouverons.
Ô Di-Urnes, un jour renversées.
(1) La poésie égyptienne antique, dont nous n'avons pas gardé trace du rythme puisque l'absence de voyelles ne permet pas de deviner le rôle de l'accent tonique, repose énormément sur la répétition d'images, de mots, de phrases et d'idées. Les rimes et allitérations lui restent en revanche étrangères. Elle fait un emploi accentué de la paronomase (type de jeu de mots), que les Égyptiens applaudissent. Les poèmes forment fréquemment une alternance de solo et de refrains, et il arrive que chaque vers ou strophe soit clôturé d’un point. La forme qui s'en rapproche le plus est la poésie hébraïque, qui use parfois d’acrostiches et de vers de seize syllabes, dont nous avons choisi de nous inspirer. Voir David Noël Freedman, The Structure of Psalm 119.
(2) Wsjr est la translittération du nom d’Osiris. À vrai dire, autant chacun sait que les Égyptiens ne le prononçaient pas « Osiris », autant la transcription « Wsjr » est elle-même débattue. Swtẖ correspond à Seth.
(3) Viṣṇu sommeil dans le Kṣīra Sāgara : l’Océan Lacté précédemment évoqué. ꜣst est la translittération de la déesse que vous connaissez sous le nom d’Isis.
(4) Rappelons que la khumba est le vaisseau d’immortalité, le pot originel qui contient le Nectar de Vie.
(5) D’après le mythe d’Osiris et La Compétition d’Horus et de Seth (The Contendings of Horus and Seth) sur le papyrus Chester Beatty I. La Duat est le royaume des âmes déchues.
Sources :
David Noel Freedman, The Structure of Psalm 119.
Le mythe d’Osiris.
Margaret A. Murray, Egyptian Religious Poetry.
Plutarque, Sur Isis et Osiris.
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