Le Pithos des Colosses

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Le Titan Prévoyant (1), qui avait façonné les humains d’eau et terre (2),

Leur offrit un beau jour le feu d’or dérobé à Zeús L’Orageux.

En ce temps, les humains sans vieilless’ ne mourraient ni naissaient

Sans subir maladie ou labeur. Le Céleste, en tonnant les gronda :

Si l’Homme prétendait feu dompter, il devrait sa chère procurer.

Et depuis, le fier feu affaibli, des humains condamnés, requiert soins.

Désormais, les corvées et souffrances, les vengeances ombrageuses les accablent.

Deux Géants de neuf ans : Ephiáltês et Ỗtos grandissaient sans arrêt.

Ils blâmaient Olumpos pour la mort de leur cher protégé : Ádōnis.

Leur vengeanc' détrôn’rait Le Tonnerre. En chemin, ils parlaient et tranchèrent :

Ils cherchaient justement des épouses. Sans nul doute, Les Célest’s conviendraient.

Bel Ỗtos L’Insatiabl’ convoitait la Sauvage Ártemis ; quant à l’autre,

Cauch'mardesque Ephiáltês, il aimait la déess’ du Mariage aux bras blancs (3).

Les Chtoniens empilèr’nt des montagn’s jusqu’au Mont, où une guerre

Foudroyante éclata. Quand alors la quiétud’ reparut : quel dépit !

Deux choses leur manquaient : La première, l’un des pots des fléaux et bienfaits

De Zeús, argileux et de bronze, où Hermês emportait les défunts (4),

Que sans dout' le lecteur avisé reconnaît. La seconde ? Ah oui, certes.

Disparu égal'ment : rude Árēs. Le Guerrier, enlevé ! Comment donc ?

Dans le cœur d’Olumpos, il croisa Blanche Hêra sur la rout' des Géants.

Le Brutal la guida à l’abri et plus tard se trouva seul à seuls.

Et plutôt qu’attaquer les enfants, le dieu brav' se cacha dans un pot (5).

Les deux fils du Trident remarquèr'nt l’urn’ tremblante étonnés et heureux :

Quelle chanc’ de quitter l’Olumpos, déesse surprise sous le bras !

Déception, car dedans, ils ne vir'nt point d’épouse, si ce n’est Le Vautour.

Les deux frères, avec hâte, l’enchaînèrent en la jarre, où il fut treize mois (6).

Le Violent l’endura même si, à vrai dire, il n’avait pas le choix.

En l’Olympe, pas une âme ne chercha Le Maudit, haï d’hommes et de dieux (7).

Là-dedans, il aurait pu périr. Cependant, la bell’-mèr’ des Illustres

Retourna le beau pot au Hérault. Alertés, Ártemis, Apollōn

Partirent retrouver les Jumeaux qu’on disait immortels,

Sauf d’un coup fraternel. L’Éphèbe les frappa de sa lance.

La Farouche, La Chass’ress’ se changea en biche pour bondir entre eux deux (8).

Quand leurs arcs pointèrent l’un vers l’autre, elle s’enfuit. Et chutèr’nt les deux monts (9).

Dans la jarre, cependant, un violent Dieu de Guerre prisonnier fulminait.

Mais ses cris et hurlad's incessants, au dehors ne perçaient qu’en murmures (10).

Et le dieu Sanguinair' repeuplait peu à peu sa prison de mil maux (11).

(1) Il s’agit de Promêtheús, dont le nom signifie « pré-pensée ».

(2) D’aucuns auront reconnu l’hexamètre dactylique, mètre favoris des Grecs, en particulier pour le genre épique. Il se forme à partir d’un vers de six pieds. Chaque pied comprend trois syllabes (une longue, deux courtes) ou deux longues syllabes. Le grec, de même que le sanskrit, différencie donc les syllabes longues et courtes, absentes du français, mais affiche un dégoût notoire pour les rimes, qu’il juge tape-à-l’œil. Afin de respecter la métrique grecque, nous avons donc séparé des blocs de trois syllabes par une césure (trois seulement pour faciliter le repérage du rythme aux oreilles francophones). Pour conserver la rythmique dactylique sans nous accorder trop de liberté, nous ne nous autorisons qu’une forme :
la-la-la | la-la-la | la-la-la | la-la-la | la-la-la | la-la-la, soit dix-huit syllabes séparées en six pieds de trois syllabes.
(L’autre possibilité aurait été :
la-la | la-la | la-la | la-la | la-la | la-la, soit douze syllabes séparées en six pieds de deux syllabes.)
À la réflexion, il aurait été plus judicieux de jouer sur les voyelles doubles (comme dans « plla », « pays ») et groupes vocaliques à partir d’une semi-voyelle (oi, « yaourt ») pour imiter les voyelles longues grecque. Mais… trop tard, le mal est fait.

(3) On appelle Ỗtos (« Insatiable » ou « Oiseau de Nuit ») et Ephiáltês (« Cauchemar ») les Aloadai du nom de leur père adoptif, Aloeus, fils de Poseidỗn et mari d’Iphimédeia, laquelle aimait tant la mer qu’elle laissa le Porteur du Trident la féconder. Les mythes mentionnent tour à tour l’une ou l’autre raison pour l’assaut de l’Olympe : vaincre Zeús, ou enlever Hêra et Ártemis.

(4) Ici, les urnes de différents mythes sont fusionnées. Une seule jarre disparaît dans le mythe concernant les Aloadai, mais Zeús possède en effet deux urnes : une pour les malédictions, une pour les bénédictions. Une autre urne sert à Hermês à enfermer les âmes des défunts.

(5) Le mythe originel n’explique pas comment Árēs s’est fait enlever. Les Athéniens, vouant peu de respect au favori de leurs rivaux Thraces et Spartes, le tournaient en ridicule dès que possible.

(6) L’enlèvement d’Árēs sert sûrement à justifier un festival d’une durée de treize mois, ou une année lunaire.

(7) Encore une fois, les Athéniens dépeignent un Zeús déçu voire répugné par son fils.

(8) Dans le mythe originel, elle appelle Hermês qui se rend tantôt seul, tantôt accompagné d’Ártemis et/ou d’Apollōn, libérer Árēs.

(9) Rappelons qu’ils n’avaient que neuf ans. Maintenant dix, s’il faut en croire la durée d’emprisonnement Árēs.

(10) Le mythe d’origine libère ici Árēs après treize mois (il semble que les Olympiens l’aient oublié ou se soucient trop peu de lui. Les Athéniens n’en seraient pas surpris). Ici, nous changeons la chronologie : les Olympiens se portent directement au secours d’Árēs, les treize mois de captivité encore devant lui.

(11) Nous fusionnons ici la jarre qui a piégé Árēs et celle offerte à Pandṓra.

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