La Cruche aux embûches
Un’ princess’ de l’empir’ de l’Est
Posa un jour un pied leste
Sur un’ marqu’ laissée par l’éclair
Sur l’empreint’ d’un dieu du tonnerre (1)
La malédiction d’Illapa
Ou l’eau de Zeús la frappa
L’une ou l’autre la féconda
Et naquir’nt Fúxī et Nǚwā (2)
Un jour où les cieux grondèrent
Leur pèr’ prit sa fourche de fer (3)
Et attira l’éclair létal
Dans une cage de métal
Ni haute ni profond’, ni longue
Piégeant Illapa dit Léigōng
Et sa cruch’ chuta sans cassure
Ni même nulle éclaboussure (4)
Sa fronde oubliée dans les cieux
Il tut son courroux orageux
Auprès de Nǚwā et Fúxī
Il implora qu’on l’affranchît
Mendia pour un maigre buffet
Plaida comme un chiot assoiffé
Les jumeaux cédèrent aux rondos
Et lui servirent un’ goutte d’eau
À peine l’eau toucha ses lèvres
Qu’il fut pris d’une grande fièvre
Tous ses pouvoirs lui retournèrent
La foudr’, l’éclair et le tonnerre
Il s’échappa en tempêtant
Puis laissa une seule dent
Il saisit un marteau de fer (5)
Brisa la jarr’ d’un coup amer
La pluie commença de tomber
Et la Terre fut submergée
Le père lors de son retour
Sortit un canot de secours
Embarqua ses précieux enfants
Ainsi que la divine dent
En calebasse elle se changea
Et ses enfants il y logea
L’eau monta de tell’ment de lieues
Qu’il atteignit bientôt les Cieux
Dont il supplia l’Empereur
De faire cesser ces horreurs
Puisque le déluge atteignait
Bientôt le firmament inquiet
L’Empereur accepta et trancha
Qu’un dieu des flots les asséchât
D’un coup suspendu dans les airs
Le canot s’écrasa sur terre
Dans la gourde en sécurité
Seuls les deux enfants subsistaient
(1) Nous nous sommes ici basés sur la Lu Shi, ancienne forme de poésie chinoise sans limite maximale de longueur et basée sur les distiques (groupes de deux vers) rimés. Chaque distique est phonétiquement et symboliquement lié. Comme toute poésie chinoise, son rythme repose sur les tons et syllabes accentuées que le français ne permet malheureusement pas de retranscrire, mais aussi sur des césures (pause au sein d’un vers) identiques au sein d’un même distique, qui existent en français.
(2) Vous les connaissez peut-être, car il s’agit de personnages et/ou dieux mythiques. Après leur mariage, les jumeaux auraient façonné l’être humain et leur aurait enseigné toutes sortes de choses. Nǚwā tend à être mise en avant dans les récits plus anciens, datant d’une ère matriarcale, et Fúxī dans ceux de l’ère patriarcale. Nous avons omis leurs péripéties démiurges, car dans notre version, les humains existent déjà.
(3) Leur père adoptif, bien sûr.
(4) Dans le mythe originel, le père de Nǚwā et Fúxī compte même mariner Léigōng dans une jarre (mais pas celle de Léigōng, qui n’en possède pas dans la version chinoise, nous avons ici pris des libertés).
(5) On notera ici l’intéressant parallèle entre Léigōng et Thor/Þórr.
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