1 La pluie et la fille
Un début de journée pluvieux observait la ville se réveiller. Il était sept heures et quart, et le soleil hésitait encore à se lever. Descendant du ciel, des trombes d’eau foudroyaient le sol. Le vent criant faisait se plier les arbres. L’air était frais, mais pas autant que ce que l’on attendait d’un début de mois de février.
Il y avait pourtant dehors un petit groupe d’adolescents qui défiaient la météo en attendant leur bus. Deux jeunes filles, desquelles les parapluies n’avaient pas survécu aux coups de vents décidèrent finalement de se rendre sous l’abri. Un jeune homme, assis sur le banc, mal réveillé, maugréait en pensant que la journée prenait déjà une sale allure. Il avait oublié ses écouteurs chez lui, ce qui le condamnait à l’ennui, il avait sommeil, il avait froid, et par-dessus tout il n’avait aucune envie de se rendre en cours.
Deux lueurs transpercèrent le rideau de pluie. La lumière s’intensifia en se rapprochant et tous comprirent que le bus arrivait enfin. Certains élèvent s’étaient déjà rapprochés du bord de la route, les autres, plus réalistes, attendaient encore à l’abri. Le bus s’arrêta, ouvrit les portes, et tout le monde s’engouffra à l’intérieur. Le jeune homme y entra en dernier ; fait qu’il regretta immédiatement car il constata avec stupeur qu’il n’y avait plus aucune place assise de disponible.
Aucune ? Si ! Il en restait une au milieu du véhicule, à côté d’une jeune fille qu’il n’avait jamais vue auparavant. Ce fut son épaisse chevelure rousse et soyeuse qu’il remarqua en premier. Emmitouflée dans sa veste grise et son écharpe noire, elle lui tournait la tête et regardait par la vitre. Il s’assit à côté d’elle.
Après quelques kilomètres, alors que le brouhaha du bus le rendait fou et qu’il se posait des questions sur son étrange voisine, il jeta un coup d’œil en sa direction. Il vit qu’elle portait des écouteurs. Il lui demanda alors :
– Qu’est-ce que tu écoutes ?
Pas de réaction. Il se dit qu’elle ne l’avait pas entendu et que vu qu’elle ne le regardait pas, elle n’avait pas pu savoir qu’il lui parlait. Lorsqu’elle osa tourner la tête et qu’il put enfin croiser son regard vert, il réitéra sa question :
– Tu écoutes quoi ?
Là, le visage de la jeune fille se figea. Elle écarquilla les yeux, paniquée, et tenta de secouer la tête. Ce fut sa seule réponse.
Frustré, son voisin ajouta :
– Oh ça va, je vais pas te manger. C’est pas la peine de me regarder comme ça. Je te laisse, c’est bon !
Et il pivota sur son siège comme pour lui tourner le dos. Perdue, la jeune fille, elle, se remit à observer le paysage trempé.
*
Le bus se gara devant le lycée. Presque tous les passagers descendirent et se dépêchèrent de trouver refuge à l’intérieur du bâtiment. D’autres se regroupèrent sous les abris pour allumer une cigarette.
La mystérieuse jeune fille descendit à son tour. Elle se hâta d’ouvrir un parapluie et pressa le pas en direction du portail. Elle passa devant son voisin qui lui lança un regard moqueur et qu’elle ne vit pas, trop préoccupée par ses pensées.
– Eh, Victor !
En entendant son nom, le jeune homme se retourna et aperçut ses amis qui fumaient sous un abri de bus. Il les rejoignit tranquillement.
– C’est qui cette rouquine, là ? On l’a jamais vue, demanda l’un d’eux.
– Je sais pas, j’ai essayé de lui parler dans le bus mais elle m’a pas répondu.
– Pas étonnant, t’as vu la tête que t’as ? rajouta un autre. Tu t’es même pas coiffé, tu fais peur mec.
– Va crever ! En attendant, je rentre, on se les gèle trop ici.
Laissant ses amis à leur cigarette, Victor se dirigea vers l’enceinte du lycée. La véritable raison pour laquelle il voulait entrer, c’était pour la retrouver. Il devait lui parler, en savoir plus sur elle.
Mais ses espoirs furent vite estompés par la sonnerie annonçant l’heure de se rendre en cours ; annonçant le moment d’oublier la fille aux cheveux roux et au regard étranger.
Annotations
Versions