Chapitre 3 - Remontée - Partie 5

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 Il ne se passa pas un long moment entre l’appel et l’arrivée tonitruante de Louis Troval. Necko était encore dans tous ses états. Sunita présentait tous les signes d’un stress intense passant de phases statiques à une démarche erratique.

 « Dites-moi tout, vous deux.

 — Son pimplant s’est réactivé et ce truc-là a transmis le contenu, résuma Necko en pointant du doigt l’amas de composants du boîtier écrasé.

 — Il nous a marqués ?

 — Évidemment, Louis, répondit Necko en levant les bras au ciel.

 — Ils savent quoi de nous ?

 — Pas grand-chose et beaucoup trop à la fois, répondit Sunita qui venait de s’asseoir sur le siège en plongeant sa tête dans ses mains.

 — Ils vont venir. Me prendre Rama et m’envoyer je ne sais où, se lamenta Sunita, dont l’anxiété grimpait en flèche.

 Louis s’approcha de la jeune femme.

 — Ça n’arrivera pas.

 — Je croyais son pimplant mort, s’étonna le centurion en se retournant vers Necko.

 — Moi aussi, Louis. Moi aussi, répéta l’ingénieur de Vitanova. Défine…

 — Sunita, le coupa la jeune Poisseux.

 — … Sunita est venue me voir, poursuivit Necko.

 — Oui, je suis venue, Louis. Cela faisait quelques jours que j’avais des maux de tête. Et il y a eu ce rêve la nuit dernière…, commença Sunita.

 Aussitôt le petit ingénieur se releva de son siège.

 — Un rêve ? C’est peut-être notre chance, lança Necko.

 — Comment ça ? s’exclama le grand homme.

 — Ce n’est pas la première fois que je désactive un pimplant. Défine…

 — Sunita, le rattrapa une nouvelle fois la jeune femme sur un ton plus ferme.

 — Oui. Où en étais-je ?

 — Sur la désactivation des pimplants, Necko.

 — Oh oui. Merci. Louis. Tu sais bien qu’elle n’est pas la seule originaire des niveaux Poisseux à Vitanova.

 Sunita semblait boire les paroles de Necko.

 — Les nouveaux arrivants sont moins nombreux ces derniers temps. C’est sûr. Ils préfèrent sûrement d’autres bulles de vie plus accessibles, indiqua Louis.

 — Ça, je n’en sais rien. C’est vrai que Dé… Sunita est la dernière arrivée. Je crois que celui qui l’a précédée se nommait… Ah, c’est comment son nom, déjà ? Tu sais, le gars qui traîne toujours du côté de…

 — Abrège, Necko.

 — Ah, oui. Bon. Eh bien. Certains de ceux à qui j’ai désactivé le pimplant, sauf ce gars d’ailleurs, m’avaient dit avoir parfois fait une drôle expérience durant la procédure. Comme si le pimplant tentait de communiquer en plongeant la personne dans un rêve semi-éveillé.

 — Mon cas est différent. Je vis totalement ces rêves qui semblent durer un bon moment, fit remarquer Sunita.

 — Le temps est relatif. Quelques minutes plongées dans votre inconscient peuvent vous paraître des heures. Enfin, c’est ce que j’ai pu lire.

 — Venons-en au fait, demanda Louis d’un ton plus ferme. Les Poisseux ne vont pas tarder à débarquer.

 — Le pimplant de Sunita est une version sensiblement améliorée. Malgré son état, il a su retrouver une fonction basique. Puis, peu à peu, il se perfectionne pour se rétablir. C’est prodigieux !

 — Mais, ça n’arrange pas nos affaires, ajouta le centurion.

 — Alors, on ne pourra pas le désactiver ? s’inquiéta la jeune femme.

 — J’ai peut-être la solution. Il faut plonger Sunita dans un état semi-conscient. De là, nous pourrons nous assurer de sa destruction. Louis, nous avons besoin de Nella.

 — Je n’ai pas tout compris. Mais prépare tout, Necko. Je vais la chercher », conclut Louis Troval.

 La décurie de sécurité venait de s’installer dans la navette. Cela faisait plusieurs années qu’une force armée n’avait pas quitté les niveaux intermédiaires. Samo Gheki, le décurion, traversa la salle de la navette d’un pas rapide, le menton relevé en saluant d’un simple geste de la main les membres de son équipe. Son entrée flamboyante n’était en rien discrète. En effet, certains colons faisaient perdurer l’utilisation de modifications virtuelles de leur apparence vestimentaire. Ainsi Samo Gheki apparaissait aux yeux de ceux équipés de pimplants sous une tout autre allure qu’à ceux en étant dépourvus. Des excroissances lumineuses et des drapés multicolores s’étalaient sur lui. Pourtant, cette fois-ci il avait contraint l’exubérance en adéquation avec l’espace réduit de la navette. Arrivé au poste de pilotage, il s’installa sur un siège à la droite du pilote. Le siège l’accueillit en ajustant efficacement sa position afin d’allier confort et sécurité. Il fixa son regard devant lui, observant les multiples données que son pimplant lui fournissait.

 « Vous avez tous lu vos ordres de mission. Parfait, débuta le décurion. Cette mission est, vous le comprenez bien, d’importance capitale. La responsable de l’ensemencement, Bianca Solgarde, suivra de près l’évolution de la situation. Je vous demande à tous de ne pas me décevoir. Nous risquons de rencontrer a minima une hostilité marquée. S’il le faut, nous utiliserons la force.

 — Cela explique notre armement létal ? se risqua un des membres de l’équipe.

 — Nous ne prenons aucun risque. Nos armes sont là pour décourager les plus audacieux d’entre eux. Notre objectif premier est de capturer notre cible, point.

 — D’autres remarques ? demanda le décurion, un poil agacé.

 Un silence de quelques secondes lui répondit.

 Samo Gheki tourna la tête vers le pilote pour lui confirmer le départ.

 — Allons-y. »

 Lentement, la navette se désolidarisa du sas. Elle débuta une manœuvre pour s’éloigner des installations. Les quelques sources lumineuses laissaient deviner la silhouette d’une gigantesque structure ovoïde plongée dans les ténèbres des profondeurs océaniques : le Markind Fomalhaut.

 Nella et Abi s’occupaient de Rama comme s’il était un membre de leurs familles respectives. Le nourrisson alternait les phases d’éveil et de sommeil, ponctuées de séances immuables de jeux, d’absorption de lait maternel et de toilettes. Sunita avait indiqué ne s’absenter qu’une partie de la matinée. L’heure du repas approchait et l’anxiété monta d’un cran. Abi était sur le point d’aller se renseigner sur les raisons de l’absence de la jeune femme quand son père fondit sur elle.

 « Nella est là ?

 — Euh. Oui. Bien sûr. Qu’est-ce qui se passe ? », demanda Abi soudain inquiète.

 Louis Troval ne répondit pas, dépassant sa fille en direction de la pièce de vie du rond de soin. Il se doutait bien que sa fille le suivrait et découvrirait la raison de sa venue.

 « Nella. Nous avons besoin de tes services de toute urgence.

 — Quelqu’un est blessé ? Sunita ?

 — Non. Mais oui. Ça concerne Sunita. Il faut la plonger dans…

 Louis Troval marqua une pause. Cherchant les termes que Necko avait utilisés.

 — … Dans quoi, Louis ? demanda Nella circonspecte.

 — Grosso modo dans les vapes. Il faut qu’elle rêve, éveillée. Si j’ai bien compris la demande de Necko.

 — Necko ? Qu’est-ce que vous trafiquez encore, vous deux ? l’interrogea Nella en berçant doucement Rama.

 — Son pimplant s’est réveillé. Nous devons le désactiver.

 — Quoi ?! Mais, il était mort, réagit Abi écoutant la discussion postée à l’entrée de la salle.

 — Apparemment, il s’est réactivé. Pour être sûr de sa désactivation, Necko demande que Sunita soit placée dans un état “semi-conscient”. Oui, c’est bien ce terme qu’il avait utilisé.

 — Elle nous a marqués ? demanda Abi inquiète.

 — Oui. Necko avait malheureusement, sans le savoir, une balise Poisseux d’un nouveau type chez lui.

 — Abi. Occupe-toi de Rama pendant notre absence. Je peux appeler quelqu’un pour t’assister si tu veux ?

 — Si c’est pour avoir Santo dans les pattes, non. Ça ira, répondit la jeune femme sur le ton de la plaisanterie.

 — Très bien. Je prépare mon matériel et je rejoins Necko et Sunita. Je suppose que tu dois t’occuper de l’accueil des Poisseux.

 — Oui. Je me rends au forum pour informer le conseil et nous préparer à leur arrivée. »

Sur cette phrase, il tourna les talons. Après quelques pas, il s’arrêta.

 « Il va falloir cacher l’enfant.

 — Nous ne pouvons pas le faire sans l’accord de Sunita. Je m’en occupe, Louis. Ce n’est pas la première fois, indiqua Nella sur un ton mélancolique.

 — Je sais Nella, je sais », conclut Louis Troval avant de se diriger de nouveau vers la sortie du rond de soin.

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