Hostilités verbales (12)
Contre toute attente, cette surenchère dévia de sa trajectoire funeste. Rétrospectivement, les spécialistes parlent de crise de Cuba inversée, c’est-à-dire avec un départ tonitruant et une fin grotesque, digne d’une dispute entre piliers de comptoir. Cela venait-il du fait que Kon Je Nou bluffait, conscient de ne pas avoir les moyens de ses promesses de destruction ? (mais l’homme était si imbu de lui-même qu’on pouvait en douter). Ou que le hamburger en toc avait calmé les ardeurs de Donald Moumoute ?
Ces hypothèses restent à vérifier. Celle reposant sur la bêtise incommensurable des deux protagonistes reste la plus probable. En effet, sans ce facteur, leurs intimidations n’auraient pas changé subitement de nature. Tous les experts sont bien d’accord sur ce point.
À la fanfaronnade du plus gros bouton, Kon Je Nou se mit au niveau de Donald Moumoute et répliqua : « Bouton de joystick toi-même ! À côté du mien, ton bouton ressemble à une tirette, vieux gâteux sans cervelle ».
Le « vieux gâteux » mit Donald Moumoute dans tous ses états. De la vaste cour des grands de CM2, il bascula dans celle étriquée des petites sections.
« Viens donc me le dire en face, gros lard ».
Ce à quoi l’autre répondit : « Où tu veux quand tu veux ».
Ainsi, les signes avant-coureurs d’une troisième guerre mondiale laissèrent place aux prémices d’une simple bagarre. Tout le monde en fut surpris, y compris les proches des deux chefs d’État. Mais bien qu’invraisemblable, cette issue devint la seule possible.
Après s’être mutuellement provoqués devant la terre entière, Donald Moumoute et Kon Je Nou ne pouvaient plus reculer. Ils devaient se battre. Leurs peuples le réclamaient (pour une fois qu’on ne les sollicitait pas).
De plus, cela octroierait un sursis à l’humanité, chacun reportant l’usage de ses bombes nucléaires. Mais avant d’aborder ce combat exceptionnel, revenons au tout début de la prise de bec des deux hommes et retournons en France chez Manuel Trèbon.
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