New Game: BLU (2/2)

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<SYSTEM> Fracture à 76%, lacération 88%, brûlure 56% /critical.

Etat critique, pas mort. Ma respiration se fait plus hachée. Comment as t il survécu à l’explosion? Je reste bloquée sur le message. Puis un glitch sonore fait cracher les enceintes de ma machine. La poussière qui s’accumule sur mes baffles inutilisées pendant bien trop longtemps est projetée dans un nuage grisâtre alors que des bruits de statiques et des craquements résonnent.

Ça ne peut pas arriver, ça ne devrait pas arriver. Les communications sonores ont été depuis longtemps interdites par la Société. Mais, une voix parvient enfin à se distinguer parmi les bruits indéfinis que ma machine continue de jeter.

Il y a la voix d’un homme. Je n’ai pas à me creuser la tête longtemps pour deviner à qui elle appartient. Elle est jeune, blessée aussi. Lui crache et tousse entre ses quelques syllabes, et c’est en gémissant qu’il parvient à lancer quelques mots.

– Aidez-moi. Quelqu’un…

Mon souffle s'accélère, je me recule encore plus loin de ma table, comme si je pouvais échapper au son qui enfle de plus en plus dans mon espace.

C’est la première fois que j’entends la voix d’une autre personne, une vraie, pas celle des programmes, celle là à infiniment plus de rondeur, plus de chaleur. Surtout elle porte tellement plus, douleur, peur. C’est terrifiant et fascinant à la fois. Je m’approche, malgré moi, les roues de ma chaise grince sur le sol métallique.

Il a commencé à pleurer, à implorer de l’aide, encore et encore. Je ne peux rien faire, je reste là, les mains loins de mon clavier et de ma souris, j’écoute malgré moi les pleurs qui s'intensifient. Il réalise que personne ne viendra à son aide, dans ma fenêtre, je vois un texte sobrement montré en blanche, son cœur qui bat de plus en plus vite, toutes ses données vitales qui montent en flèche. Le dernier sursaut d’un animal blessé.

Puis il hurle. C’est un cri sauvage et violent, tellement humain que les enceinte de ma machine n'arrivent pas à le retranscrire, elles grésillent et peine, elles modulent le son en un grincement mécanique bien pire encore. Toute sa vie coule à travers ce hurlement et je suis terrifiée. Je me jette par terre, les mains sur les oreilles, mais ça ne sert à rien, le son passe directement à l'intérieur sans passer par la case cervelle, les notes morbides s’infiltre et s’en prennent aux os et les secouent à coup de décibel.

C’est horrible, ça semble durer des heures. Alors, de ma bouche, je me mets à crier en même temps que je chiale comme j’ai jamais chialer. Puis brusquement tout s’arrête.

Je n’entends que les sursauts de ma respiration qui hoquette et halète misérablement. Combien de temps je suis resté prostré comme ça? Une éternité probablement, mais quand enfin je relève la tête, le compteur indique à peine une minute d’écouler. J’ai la gorge douloureuse et le torse serré, mes mains s'agrippent au rebord du bureau et aident mes jambes en coton à se relever. Je respire, inspiration, blocage des poumons jusqu'à plus pouvoir, expiration. J’en peu plus au bout de la troisième fois, rapport au nez qui s’est arrêté de couler, mais ça me fait du bien, un peu, en tout cas ça me permets d’enfin de relever la tête. Sur l’écran, à la place du carré disparu, il y une alerte clignotant d’un rouge agressif affiche: “<SYSTEM> Tir ami: BLV34982D098”

Je me laisse retomber sur mon fauteuil et me remets en position foetale. Il a fait ce que j’aurais dû faire. Je laisse échapper un couinement ridicule et pathétique alors que j’enfonce ma tête contre mes genoux et je me fais marteler par le bruit de mon cœur qui bat encore trop vite.

Au-dessus de l’alerte, le compteur a atteint zéro, le test est terminé. Juste à temps, mon score final est à 75% tout juste, il clignote en chiffre vert et joyeux. Il manquerait plus qu’une banderole et des confettis, mais il n’y a rien de tout ça. L’écran est devenu noir, la machine silencieuse depuis que le courant à été coupé. La Société soucieuse de notre bien être se charge de limiter les temps devant les machines, pour nous garder frais et dispos.

Du coup, je me retrouve seule en face de mon reflet dans la flaque noir.

Je détourne aussitôt mon regard. J’ai pas envie de voir ma sale gueule pleine de morve et de chiale, celle qui a laissé crevé un homme sans hésiter, mais à pas réussi à finir le travail correctement.

Mais maintenant c’est fini. Je dois maintenant mettre tout ça de côté. D’un geste lent je retire les lunettes qui me barre le visage et les repose sur le bord de mon bureau. Quand le plastique heurte doucement la surface, le son me semble être trop bruyant dans ce silence soudain. Puis je détends mes jambes et range mon moi qui n’existe que dans ces écrans, pour prendre le moi qui vit le reste de ma vie. Parce que derrière, il y a ma chambre, mon bloc de fonction, mon univers tout entier.

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