Chapitre 3 - Éva
Éva, Université d'Alabama.
Les yeux rivés sur les lunettes de mon microscope, je note méticuleusement sur mon bloc des notes concernant les alternatives entre les molécules. Ce que je vois est fascinant. Vraiment kiffant. La science ne m’a jamais déçue, elle est toujours pleine de mystères et de révélations. Je suis en troisième année de biologie et il ne fait aucun doute que j'ai trouvé ma voie.
Je refais quelques réglages, et prends des courtes vidéos que je vais pouvoir inclure à mes comptes rendus. Je suis foutrement excitée ! Ce que je vais rendre va cartonner ! Je lève la tête et fais craquer les articulations de mon cou. Cela fait trois heures que je bosse sur cette molécule, j'ai le dos en compote et un torticolis d'enfer, mais qu’est-ce que c’est bon quand on touche enfin au but !
Tout va pour le mieux pour moi. J’ai tourné la page avec Bastien. Je me suis construite une nouvelle vie et j’ai rencontré Luc.
Luuuuuuc…
Je soupire et frisonne à la fois. Chaque jour qui passe me rend un peu plus amoureuse de lui.
Ce soir, je lui ai préparé une fête d'anniversaire surprise. Je m'y suis prise au dernier moment, j’avais tellement de boulot que j’ai persuadé Luc de faire un truc rien que nous deux, en toute intimité, mais voilà Scrupule et Remord sont venus me voir et en deux, trois coups de fil, j’ai invité nos amis les plus proche à son boulot pour fêter son anniversaire ensemble.
J'ai hâte de voir la tête de mon copain. Je l'ai rencontré dès ma première année en biologie et sciences des molécules. Ça a été le coup de foudre. Il était déjà en troisième année et proposait des cours de soutien aux premières années. Il y avait un module où je m'étais ramassée et c'est comme ça qu'on s'est rencontré.
À l'époque je n'étais pas vraiment prête à m'investir, le sentiment de trahison était trop présent, à cause de Bastien.
J'ai vraiment eu du mal à m'en remettre et à faire confiance aux hommes.
Loin de ma famille, de mon frère, je me suis sentie vulnérable. Marion et moi devions faire nos études dans la même université, mais elle a eu une superbe opportunité. L’université d’Oxford a eu un désistement et la semaine suivante, elle était partie pour l’Angleterre.
Et moi, je suis restée seule…
Luc a été là, il ne m'a pas lâché. D'une patience infinie, il est passé de collègues à amis, puis de amis à petit ami.
J'ai rendu mon studio le mois dernier pour vivre définitivement chez lui. De toute façon, je ne voyais quasi plus mon appart, alors quand qu’il m’a proposé ses clés, je n’ai pas hésité.
Luc a changé de filière juste après l'année de notre rencontre, il est passé de l'étude des molécules et de la biologie à la biologie des animaux. Il adore les animaux. Il travaille en tant qu'assistant-vétérinaire et continue à côté ses études. Il s'investit tellement ! Il ne compte pas ses heures. Je soupire rêveuse. Luc a tout pour plaire : brillant, attentionné, romantique. J'ai vraiment énormément de chance d'avoir conquis son cœur, et c'est pour ça que je lui fais une fête surprise, avec tous nos amis en commun. On dit que ça porte la poisse de fêter un anniversaire en avance, mais rien ne pourrait m'arriver tant que Luc est près de moi.
Je range mon calepin et toutes mes notes dans mon sac besace, puis vérifie mon téléphone. Un message de Luc s'affiche " je passe à la clinique après les cours. V rentrer tard. Je t'aime". Je fonds littéralement quand je lis son message. Luc m’envoie toujours des textos pour me prévenir de son emploi du temps. Il est tellement attentionné !
Je lance la conversation WhatsApp créée il y a peine une semaine pour l'organisation. On va être une petite quinzaine. Certains se sont proposés de m'aider à installer les tables et les décorations, la fête va être géniale. J'enfile mon manteau, passe mon sac besace par-dessus mon épaule et me dirige vers la clinique de mon petit copain le cœur léger.
***
Deux heures plus tard, une banderole géante "JOYEUX ANNIVERSAIRE" est placée à l'entrée de son bureau. Des ballons dans sa couleur préféré, le bleu, sont placés un peu partout. J'ai choisi plusieurs nuances de bleu pour que la déco soit le plus sympa. La sono est branchée. Les bouteilles au frais, les petits chapeaux en carton pointu, les sifflets disposés sur les tables. Je sais que ça peut paraître futile ou enfantin, mais pour moi, il n'y a pas d'anniversaire réussi sans ces fameux accessoires. La table du buffet est installée à l'arrière, dans l'immense salle d'attente. On a poussé les meubles pour faire de la place pour la piste de danse. Je m'essuie les mains sur mon jean, satisfaite.
- Tu as fait tu super boulot Éva, me dit Léo un ami de la promotion de Luc. Ton copain a vraiment de la chance de t'avoir.
- Je sais ! Lui dis-je avec un clin d'œil amusé.
Il ne manque que ma famille à cette superbe soirée, mais ils auront l’occasion de rencontrer Luc. Sûrement à Noël. Q m'a rejoint en Alabama pour ses études universitaires. Il a son propre appartement au centre-ville mais il est souvent en déplacement à cause des saisons des matchs de basketball. Et même quand il joue à domicile, j'ai rarement l'occasion de le voir. Mon frère et son pote Jay se consacrent à leur étude et aux baskets, ils ont très peu de temps à accorder aux autres.
Je me sens crasseuse d’avoir transpirer à tout préparer, mais heureusement il me reste un peu plus d'une heure pour me préparer.
***
Quand je reviens à la clinique, tout le monde est là. Tous nos amis. Pour l'occasion, j'ai mis ma robe rouge coquelicot au décolleté plongeant, des escarpins de la même couleur et maquillage discret qui met mes yeux en valeur. Je suis tellement excitée et pressée de voir comment il va réagir ! Il a terminé ses cours et devrait arriver d'un moment à l'autre. On éteint la lumière et tout le monde se cache de part et d'autre de la pièce.
Cachée accroupie derrière une table, j'ai le cœur qui bat terriblement. On est dans le noir tamisé, il n'y a que la lumière des réverbères qui éclaire faiblement la clinique. Le grincement d'une clé dans une serrure m'apprend que Luc est devant l'entrée. Un gloussement féminin remplit le silence de la pièce. C’est qui celle-là ?
- Arrête Michèle, on doit bosser... fais la voix de Luc.
Michèle... La stagiaire de fin d'année ? Je me sens rassurée. Elle n'est là que depuis deux semaines, et n'est pas au courant pour la fête. Elle ne risque pas de vendre la mèche.
- J'aime tellement ta queue Luc, laisse-moi faire.
J'ai ma vue qui se brouille et mon cerveau se met à bugger littéralement. Un bruit de ceinture qu'on déboucle, puis un zip, sûrement de sa braguette, suivi d'un froufrou de vêtements qu'on descend.
- On pourrait nous voir !
- Ca m'excite, bébé...
Je tremble de colère. Il veut qu'on le voit ? Il veut être exhibé ? Connard ! Je me lève et allume la lumière. Mes talons claquent sourdement au sol. Des gémissements se font plus fort derrière la porte. Avec Michèle, putain ! Il la connait depuis quoi ? Quinze jours ?
Je bouillonne de l'intérieur, j'ai envie de hurler. J'ouvre en grand la porte devant un Luc haletant et grognant avec son entrejambe habillé d'une chevelure blonde. Ce n'est sûrement pas la première fois qu'il se tape une autre, la réalité s'abat sur moi telle une claque magistrale.
Ebloui par la lumière, ce crétin plisse les yeux avant de me reconnaitre et bégaie.
- Ev… Eva ! mais qu'est-ce que tu fais là ?
Pour toute réponse mon poing s'abat sur son nez dans un craquement sinistre. Le sang se met à pisser, giclant sur ma robe rouge. Je lui mets une autre droite, la pétasse qui le suçait couine et se planque dans un coin.
Joyeux anniversaire...
J'ai besoin d'air, de sortir d'ici. Je pousse sans ménagement le salaud qui me servait de copain et cours à travers le couloir. Bordel, je pleure ? Je pleure pour cette enflure. Je ravale ma rage. J'ai tout laissé dans la clinique, mon manteau, mon sac... Toutes mes affaires. Quelle gourde ! Je m'appuie contre un mur. Hors de question d'y retourner.
Je crois bien que si je le croise une nouvelle fois je pourrai le castrer et lui faire bouffer ses parties génitales. Comment a-t-il pu me faire ça ? Pourquoi je tombe toujours sur le mauvais ! Je mords durement ma lèvre inférieure qui tremble. Je ne veux pas pleurer.
- Éva ?
Je me retourne brusquement à cette voix d'homme. Ce n'est pas Luc, mais Léo.
- Je suis désolé de ce que t'as fait Luc. C'est vraiment dégueulasse, te faire ça alors que tu prépar..
- Je n'ai pas envie d'en parler, le coupé je.
- Je peux comprendre. Tiens, je t'ai rapporté ton sac et ton manteau. Je me suis dit que tu ne voudrais plus mettre les pieds là-bas.
- Merci, murmuré-je.
Léo passe une main nerveuse dans ses cheveux, et lève les yeux au ciel hésitant.
- Éva, je voulais te dire que... Euh.. si tu avais besoin de.. euh... Enfin si tu as envie...
Un silence gênant s'installe, mais je m'en fiche. Je veux juste que l'apocalypse arrive.
- Si tu as besoin de parler, je suis là.
Je le regarde avec étonnement. Il veut quoi ? Qu'on se mange un kilo de glace au chocolat devant Bridget Jones ? Non là, j'ai juste envie de voir ma meilleure amie, Marion. Il n'y a qu'elle qui peut me comprendre dans ces moments-là. Ce que propose Léo est néanmoins gentil. Il n'a rien fait pour que je défoule ma mauvaise humeur sur lui.
- Merci Léo, mais ça ira.
- Ok, tu as toujours mon numéro via le groupe au cas où tu as besoin de parler.
Il un peu lourd dingue, là. Je hoche la tête et tourne rapidement les talons. J'ai aucune envie de parler à un mec. Je prends mon téléphone et recherche dans mes contacts le visage de ma meilleure amie. Une photo où on est ensemble à Saint Malo joue contre joue, souriante.
Les meilleures vacances de la vie.
Deux tonalités, et elle répond.
- Hello ma belle ! me lance la voix enjouée de Marion.
- J'en ai marre ! Les mecs sont tous des salauds ! Des obsédés de la bite !.. je... je...
Ma voix se casse dans un horrible sanglot et je m'écroule à l'angle d'une rue, accroupie par terre, le téléphone collé à ma joue.
- héééé, ma belle... je suis là, moi. Ok, je suis une obsédée des bites, un peu salope parfois, mais je serai toujours là pour toi, Eva. Raconte-moi ce qui te met dans un état pareil.
- Ce salaud m’a trompé et me trompes sûrement depuis longtemps ! Comment je fais pour tomber que sur des minables ? C'est écrit sur mon front ? Jeune fille stupide cherche garçon qui aime baiser ailleurs ! Pourquoi Marion ?
- Rien à foutre des mecs, tu vaux mieux que ça. Tu es l'une des filles les plus intelligentes que je connaisse. Ne laisse pas un connard fornicateur briser la confiance que tu as en toi. Qu’est-ce qu’il t’a fait ?
Je lui raconte brièvement mon idée d'anniversaires surprise et la petite fellation de la stagiaire dans le couloir de la clinique.
- Merde ! Mais quel connard ! Je prends le premier avion pour te voir.
- Hors de question ! Tu as ton job, tes cours, t'inquiète pas, je vais m'en sortir.
- Quoi ! Bien sûr que je viens ! Tu crois que je vais te laisser comme ça ? Je te connais trop bien 'Éva la déprime' va débarquer. Tu vas te mouler dans ton canapé jusqu'à te transformer en coussin.
- N'importe quoi !
- TSS.. tsss.. tu vas dormir où ? Tu ne peux pas retourner chez lui.
- Mince ! J'y pensais même plus ! Je suis vraiment trop nulle.
Je ravale le sanglot qui m'étrangle la gorge et repire profondément.
- Q ! j'irai m'installer chez mon frère quelque temps. Il est en pleine saison de basket, son appart' est libre.
- Même s’il rentre plus tôt, il ira squatter le lit d'une de ses copines. Sur les réseaux tu le vois avec une meuf différente chaque soir, à moitié à poil, limite actrice porno et..
- Arrête tu veux ! J'ai vraiment pas envie d'avoir ce genre d'images en tête.
- Désolée Eva, je pensais plus à ce que l'autre connard t'a fait. Je prends le premier avion ma poulette. J'ai une semaine de vacances et je compte bien la passer avec toi !
Marion est un ange descendu du ciel pour prendre soin de moi. Je ne plaisante pas ! Je suis sûre qu'un beau matin, elle se révélera à moi en montrant ses petites ailes qui doivent lui pousser dans le dos avec l'éternelle phrase. " Je suis ton ange qui veille et te protège".
- Te sent pas obligé de venir, Marion.
- Chuis déjà partie ! À dans quelques heures !
Et elle raccroche.
Je me suis mise à marcher tout le long de la conversation et décide de m'asseoir sur un banc qui longe le trottoir principal. Il faut que j'appelle mon frère.
- Yes Ev'!
Je prend une bonne inspiration.
- Salut Q. J'ai besoin de ton appartement pendant quelques semaines. J’ai largué Luc.
Le silence au bout du fil en dit long sur ce qu'il pense.
- L'autre enfoiré ? Qu'est-ce qu'il t'a fait Ev' ?
Avoir une vie privée, ça lui parle ?
- J'ai pas envie d'en discuter.
- Si tu veux mon appart va falloir que tu accouches sœurette. Qu'est-ce que ce connard t'as fait ?
Le ton de Q monte d'un cran. En tant que petit frère super protecteur, il joue super bien son rôle c'est pourquoi je n'ai pas envie de lui dire que mon ex petit copain n'était qu'un foutu queutard qui se tapait tout ce qui bouge. Mais il est beaucoup plus obstiné que moi. Il ne lâchera jamais l'affaire.
- Il m'a trompé avec sa stagiaire et surement avec d’autres poufiasses. Ça te suffit ?
- Je vais lui refaire sa tête de con, quand j'aurai fini avec lui, même sa mère ne le reconnaîtra plus.
- Hors de question Q ! Il ne vaut vraiment pas la peine que tu mettes ta carrière en jeu à cause de lui. Ton club de basket est très à cheval sur la discipline et l'image de ses joueurs. Passer à tabac un mec te vaudra l'exclusion. T'en fait pas, je lui ai mis une bonne droite de toute façon...
J’entends le rire de Q à l’autre bout du fil et me met à sourire.
- Sans blague, tu as fait ça ? Tu lui a mis une droite ?
- J’ai un peu mal à la main, mais il a pissé le sang, dis-je dans un demi-sourire. Pourquoi ça tombe toujours sur moi, Q ? Je suis pas foutu de me trouver un mec fidèle.
- Tu trouveras quelqu'un qui te mérite. T'es belle et intelligente... bon hyper chiante aussi, mais c'est ton côté meuf. Tu n'y peux rien.
- Arrête Q ! Ça ne t'ennuie pas si je dors chez toi pendant quelque temps ?
- Je suis en pleine saison. Je ne reviendrai pas avant septembre, et tu restes aussi longtemps que tu le souhaites.
- Merci Q, t’es un super frangin même avec tes côtés hyper chiants, mais ça c'est ton côté mec, je lui lance en souriant à travers le combiné.
- Tu as toujours les doubles de clés ?
- Oui t’en fait pas.
- Si tu as le moindre souci, appelle-moi sœurette.
- ça marche, bonne nuit Q.
- Bonne nuit Ev’.
Prochaine étape : aller chez Luc, faire ma valise et m'installer chez mon frère.
Hello mes roses des champs :-)
On a fait un bond dans le temps, voici une nouvelle fois, notre Eva dans une peine de coeur... pas de chance, hein ? Voyons ce que la suite va lui reserver :-)
XXXxxx
Lysa Watt
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