chapitre 4 . Eva

8 minutes de lecture

Aucun bruit dans le couloir de l'entrée. Je glisse mes clés dans la serrure et libère le verrou pour rentrer le plus discrètement possible. Peine perdue. Luc est là assis sur le canapé, une bouteille de whisky à la main, alors qu'il n'a pas l'habitude de boire. Je n'ai pas l'impression qu'il m'a vu, car il n'esquisse aucun geste.

Assis devant la baie vitrée, il regarde la vue splendide qu'on a sur la ville tout en sirotant sa bouteille. Qu'est-ce qu'on est censée dire dans ces moments-là ? "Coucou, c'est moi ! Éva, la fille que t'as trompée pendant des mois" ou " Coucou gros connard, je me casse de chez toi et va te faire mettre avec ta stagiaire". Bizarrement c'est lui qui rompt le silence.

- ça ne t'arrive jamais de faire des conneries ? me dit-il tout en continuant de fixer la vitre.

- je n'ai pas envie d'en parler, Luc. Tu es saoul et je suis juste venu récupérer quelques affaires.

- tu t'en vas ? me demande-t-il inquiet.

- oui je pars. Ça t'étonne ? Dis-je amère.

- c'est toi que j'aime Éva, dit-il en se levant et en portant le goulot à ses lèvres, Michèle, ce n'était rien. Un coup comme ça. Elle m'a séduit, tu sais. C'est avec toi que je veux être.

Pourquoi il me dit ça ? Comme si ça va changer quelque chose au fait qu'il avait sa bite dans la bouche de cette fille.

- je ne veux pas entendre tes excuses. Je ne pourrai pas te pardonner, Luc.

Je coupe court à la conversation et m'enfuis dans la chambre. Je prends ma valise de voyage rangée sous le lit. Je la remplis à la vite : slip, t-shirt, soutien-gorge, pantalon, jupe, pull, robe. Luc ne tarde pas à me rejoindre.

- alors tu te casses ! tout est fini ! Tout ça pour une malheureuse petite pipe ! C'est toi que j'aime Éva ! Je regrette ! Tu veux quoi ? Que je me traîne à tes pieds, c'est ça ? Que je te supplie ?

Son ton monte assez vite. Je ne préfère pas répondre et continue à remplir ma valise en silence.

- répond ! Bordel ! Réponds Éva ! hurle-t-il.

- Laisse-moi passer, demandé-je pour aller à la salle de bain récupérer mes affaires de toilette.

- tu ne peux pas partir comme ça. J'ai besoin de toi, dit-il sur un ton plus doux tout en se poussant pour me laisser passer.

Son regard suit mes gestes. Sa présence me pèse, j'ai envie de pleurer et le frapper en même temps. Comment a-t-il pu me faire ça ?

- Éva, reste. Je t'aime... Tu ne peux pas partir et foutre tout en l'air. Toi et moi c'est évident.

Je sais très bien ce qui est évident ! Et ce qui a mis notre couple à terre. Je mets rapidement ma brosse à dents, ma crème de jour, et mon maquillage dans une trousse de toilette et retourne à la chambre pour la ranger et fermer la valise.

- tu écoutes ce que je te dis, putain !! Hurle Luc.

Sa voix vibre contre les murs, il tremble tant il essaie de contenir sa colère. Ses poings serrés montrent les jointures blanches de ses doigts, sa mâchoire est tellement crispée que les veines de son cou sortent. Il me fait peur.

- on en reparle plus tard, ok ? Dis-je d'une voix douce. J'ai juste besoin d'un peu de temps.

- un peu de temps... répète-t-il comme pour se rassurer.

Je fais glisser ma valise à terre et la fais rouler jusqu'au salon où je prends les clés de l'appartement de mon frère suspendu à l'entrée.

- tu t'en vas ? se retourne Luc, étonné de me voir enfiler mon manteau et passer la bandoulière de mon sac.

- Oui, je m'en vais.

- tu reviendras, hein ? me demande-t-il plein d'espoir.

- on verra... je réponds amer.

Sans plus attendre, j'ouvre la porte et traîne ma valise vers l'extérieur.

***

Je rentre dans la garçonnière de 20 m² mon frère. Un studio en plein centre. Le logement est payé en partie par ses primes de ses matchs de basket et de l'autre par la donation de notre grand-mère. Premier investissement locatif de mon frère de 22 ans. Je suis tellement fière de lui, à son âge très peu peuvent se vanter de gérer si bien leur argent. Je laisse ma valise dans la seule et unique pièce de l'appart et vais prendre une douche. L'eau chaude me fait un bien fou. Je ferme les yeux et essaie d'oublier la journée merdique que je viens de passer.

En culotte, je m'aperçois n'avoir pas pris de pyjama. Sans honte, je pique un t-shirt à mon frère à l'effigie de son équipe de basket et m'installe confortablement dans son canapé. La télécommande à la main, je zappe entre les chaînes, mais ne trouve aucun programme à mon goût.

Dépité, le moral au plus bas. Je finis par m'endormir enroulée dans un plaid.

***

- hé poulette ! Ça t'arrive de fermer ta porte à clé ! N'importe qui aurait pu rentrer !

Et bien, j'aurais peut-être préféré qu'un serial Killer rentre et mette fin à ma vie merdique.

Une tornade brune fait irruption dans mon salon et tire les rideaux. Je gémis de douleur quand les rayons du soleil m'aveuglent.

- feeeeeerme ça, Marion !!

- la lumière du jour n'a jamais fait de mal à personne, Éva! Il est plus de midi !

- rien à fiche qu'il soit midi. Ferme ces rideaux !!!

J'enfouis ma tête dans les coussins du canapé. Marion se baisse vers moi et plisse le nez de dégoût.

- depuis quand tu ne t'es pas lavée ?

Je lève la tête sceptique.

- hier soir pourquoi ? Je sens mauvais ?

Marion hoche la tête et désigne le plaid qui m'enroule et que j'ai trouvé au pied du canapé.

- c'est ce truc, dit-elle en désignant ma couverture improvisée. T'es sûre que ton queutard de frère ne l'utilise pas pour essuyer sa bite quand il mate ses films de cul ?

- hein quoi ??!

Je saute hors du canapé comme si j'avais été brûlée et jette le plaid au loin.

- comment j'ai pu ne rien sentir ! Mais j'étais tellement crevée hier soir...

- je blague, pouffe Marion pliée en deux, mais maintenant que t'es debout, on va pouvoir passer à autre chose. Va t'habiller. On sort !

- putain t'es con ! Je te jure ! dis-je en me dirigeant derrière le mur de bibliothèque où est caché l'espace-lit.

- n'empêche qu'un plaid sur un canapé dans une garçonnière n'est pas mis là pour s'emmitoufler, poulette ! Je suis sûre que mon hypothèse est la bonne !

- je te laisserai demander à Q !

Je mets un soutif et enfile un jeans et un t-shirt. Je suis prête !

Marion toujours aussi canon dans son legging noir et petit top rouge assorti à son rouge à lèvres. Elle est toujours sexy, peu importe ce qu'elle met.

- on y va ! me dit-elle enjouée.

Marion m'embarque pour une journée shopping endiablée. Quoi de mieux que sa meilleure amie pour faire du shopping ! Marion était carrément en manque suite à son séjour en Angleterre de nos petites boutiques de fringues où tu déniches des perles rares à petit prix. Ma meilleure amie m'a convaincue - ou forcée, selon les points de vue - à acheter une robe rouge au tissu fluide dénudée au dos. Je l'ai prise, mais je suis sûre de ne jamais la porter en public. Elle est beaucoup trop provocante selon moi. Mais bon, certaines fois, on fait des achats sans vraiment savoir pourquoi.

Rentrées à l'appartement, les pieds en compote on se pose sur le canapé. L'après-midi a eu le mérite de ne pas me faire penser à Luc, même si je sais qu'un jour je vais devoir récupérer le reste de mes affaires chez lui. Rien que d'y penser, j'ai l'estomac noué. J'ai bien envie de me remettre en boule dans le canapé avec un bon plaid... mais avec ce que Marion m'a dit, hors de question que celui de mon frangin me touche !

- T'es chiante ! je crie à Marion qui revient de la cuisine avec un pot de glace à la vanille et au chocolat. Maintenant, j'ose plus toucher ce fichu plaid...

Elle me lance un sourire amusé.

- Regarde dans le grand sac à l'entrée. J'en ai acheté un.

Je vous avais dit que ma meilleure amie était parfaite ? Je me lève et vais chercher le fameux sac en question. J'en sors un magnifique plaid rose avec des cœurs blancs, hyper girly. J'adore !

- Q va adorer la nouvelle déco, dit-elle en riant et elle se laisse tomber à mes côtés. Chocolat ou vanille ?

- Vanille, dis-je sans hésiter, car je sais que Marion adore le chocolat. Je ne pensais pas que Q avait ce genre de chose dans son congélateur. Ce n'est pas du tout son style.

- Si ton frère a de la crème glacée, ce n'est pas pour la manger avec une cuillère, mais plutôt tartiné sur une fille.

- T'es dégoûtante ! Mon petit frère ne fait pas ce genre de truc avec de la nourriture.

- Ton frère et son pote Jay sont les pires queutards de la terre ! Fais l'ignorante si tu veux, mais c'est comme ça depuis leurs 15 ans.

Je la regarde, étonnée.

- T'en connais un rayon sur eux.

- Je ne les connais pas, dit-elle en fonçant les sourcils, je connais juste les mecs. Et tous les mecs ont les mêmes trucs chez eux.

Ok, ok, en même temps je n'imagine pas du tout ma meilleure amie et mon frère. Q est un coureur de jupons tout en étant très clair avec les filles avec qui il sort, il ne peut pas être en couple. Les études, le basket, lui prend tout son temps, et sûrement que l'exemple de sa grande sœur l'a complètement refroidi.

- Ah ! J'ai trouvé ce qu'il nous faut, lance Marion qui zappe sur la VOD. Magic Mike !! Je pourrai regarder ce film en boucle. Rien de mieux qu'une belle histoire d'amour avec des mecs hypers canons dénudés.

- Ce qu'il me faut... c'est un mec qui ne se tape pas tout ce qui bouge !

Marion me lance un regard lourd.

- On le cherche toutes, ma belle, sauf que tous les mecs pensent avec leur queue, et malheureusement j'aime trop leur queue pour renoncer à eux.

- Il n'y a pas d'issue, dis-je dans un soupir.

- Aucune ! dit-elle avec le même soupir.

Elle lance le film et on voit Channing Tatum débarquer plus beau que jamais. Je ne sais pas pourquoi. Je pense à Jay. C'est surement à cause des abdos, me dis-je, en plongeant ma cuillère dans le pot de glace...

Annotations

Vous aimez lire Lysa Watt ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0