chapitre 7 - Eva

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Une délicieuse odeur m'attire à la cuisine. La pièce n'est pas grande, mais Jay a pu installer ce qu'il faut sur le plan de travail, prévu pour une personne.

- ça te va si on mange ici ? dit-il avec un sourire qui fait apparaître deux fossettes adorables.

- Mais où vas-tu t'asseoir ? demandé-je en désignant l'unique tabouret de bar.

- Je mangerai debout, dit-il en se baissant de façon exagérer pour être à ma hauteur.

Est-ce ma faute s'il est si grand? Avec mon mètre soixante, j'ai l'impression d'être une naine avec lui. Mais j'ai aussi cette impression unique quand je suis avec lui. Je suis bien. Et malheureusement, j'ai d'autres émotions qui m'assaillent en sa présence. Des sentiments que je préfère ignorer et être si proche de lui dans cet endroit exigu ne m'aide pas du tout.

- Crois-moi, j'ai passé une journée horrible, réponds-je en m'installant sur le tabouret de bar.

- Tu as un homme canon qui cuisine pour toi. On m'a déjà dit que j'étais encore plus irrésistible quand je cuisine avec juste un tablier pour tout vêtement, ajoute-t-il en me faisant un clin d'oeil.

Pourquoi le fait qu'il ait déjà cuisiné pour une autre me fait ressentir ce pincement qu'on pourrait appeler jalousie, et ça m'énerve d'autant plus quand il me dit l'avoir fait dans le plus simple appareil.

- Tu regrettes de m'avoir demandé de m'habiller, hein ?

Pour rien au monde, je n'aurai avoué une telle chose

- Un truc qui s'appelle l'hygiène, tu connais ? et je m'en serais voulu si tu avais grillé tes attributs par inadvertance. Le monde ne s'en serait pas remis.

- Tu t'inquiètes pour ma queue. T'es trop mignonne, mais avec un tablier le matos est en sécurité !

Une image fugace de Jay nu sous un tablier, me tournant le dos, m'offrant une paire de fesses musclés, de larges épaules,...

- On peut parler d'autre chose !

Le sourire narquois qu'il me lance est comme s'il avait vu les images défiler dans ma tête. Impossible ! Retenez-moi ou je lui emplâtre sa casserole de pâtes sur son charmant visage.

Jay nous sert deux assiettes de spaghetti avec une sauce tomates mijotée aux oignons et aux herbes de Provence. Deux verres de vin ont été rajoutés à notre table improvisée. Nos verres pleins, on trinque à ce bon repas. Une fois mes lèvres trempées dans le liquide alcoolisé, une petite voix au fond de moi me dit que je ne devrais pas adorer cette situation. Être là, avec lui, si tentateur avec du vin à portée de main.

On commence à manger et Jay me raconte le dernier match de son équipe, l'espoir qu'ils ont d'être selectionné pour la prochaine coupe. L'étincelle dans ses yeux, notre façon de discuter me rappelle la complicité que nous avions eue autre fois.

Jay me fait rire en me racontant les déboires de leur entraîneur avec Joshua, un membre de leur équipe. J'avais presque oublié son sens de l'humour alors que j'essuies une larme au bord de l'oeil, essayant de reprendre mon souffle.

- Cela fait longtemps que je ne t'avais pas entendu rire ainsi.

La faute à qui ? Je suis partie à l'Université et les peus de fois où je revenais à la maison, les garçons m'ignoraient complétement. Ils avaient leur emploi du temps, et moi, je ne restais jamais longtemps, pressée d'aller rejoindre Luc...

- La vie n'a pas été simple ces derniers temps, réponds-je sans m'attarder.

- Q reste très discret sur ce qui te concerne. Je ne savais pas pour Loic... euh Leo... enfin peu importe son nom, c'est un salopard. Avec Q, on ne supporte pas que quelqu'un te fasse du mal.

Savoir que mes déboires amoureux touchent mon frère me réconforte. Je me lève pour débarrasser la table et la main de Jay se pose sur mon poignet.

- Je suis là si tu éprouves l'envie d'en parler.

Ses doigts sur ma peau me brûlent autant que ses yeux verts remplis de sollicitude posés sur moi. Ma gorge se serre et mes larmes me mouillent dangereusement les yeux.

- Éva, ne pleure pas. Viens.

D'un geste, il m'enveloppe de ses bras et naturellement ma tête s'enfouit au creux de son épaule. La chaleur de son corps, son souffle contre mon front, sa main apaisante dans le creux de mon dos. Tout ça fait fondre les défenses que je m'étais érigées. Je pleure longuement ainsi contre lui, sa main me caresse tendrement mes cheveux. J'aimerais rester toute la vie ainsi. Pouvoir respirer son parfum si typique. Cette odeur que j'aimais retrouver sur son oreiller, à l'époque, quand il dormait chez nous sur un simple matelas posé au sol, dans la chambre de Q.

- Tu veux que j'aille lui casser la gueule ? me murmure-t-il à l'oreille.

Cette preuve de chevalerie agit comme un pansement sur mon cœur blessé et je parviens à rire.

- Tu doutes de mes capacités ? dit-il piqué au vif.

- Merci Jay. Mais ça serait trop désavantageux pour lui. Luc est un intello et non un sportif, tu le mettrais à terre avec une simple pichenette. Il est loin d'être aussi musclé que toi.

Je rougis instantanément à l'allusion que j'ai faite à son corps. Les yeux verts de Jay posés sur moi me brûlent au fer rouge. Je me détache de lui et termine de débarrasser la table en prenant garde de ne plus croiser son regard. Il étudie chacun de mes gestes.

- Tu fais ça très bien mouton, me lance-t-il avec un demi-sourire. Je propose que tu t'occupes de la vaisselle le temps de notre colocation.

- Je pensais que c'était la cheville que tu t'étais foulée et non les poignets !

- J'ai fait la cuisine, tu t'occupes de la vaisselle. Je suis pour l'équité des tâches entre homme et femme !

Mais bien sûr ! On aura tout entendu. Je lui lance un sourire sarcastique.

- Et en parfait gentleman, ajoute-t-il, je te laisse une nouvelle fois le lit. Même si j'estime qu'il y a largement de la place pour deux.

Je lui montre mon doigt d'honneur pour toute réponse et me dirige derrière le paravent pour mettre mon pyjama et m'installer confortablement dans le seul lit de la pièce.

- Je ne comprends pas pourquoi tu es aussi agressive avec moi, mouton.

Sans dire un mot de plus, j'éteins la lumière principale grâce à l'interrupteur installé près du lit, faisant exprès de mettre Jay dans le noir complet. C'est vrai que je peux être facilement odieuse avec lui, c'est ma façon de me proteger mon idiot de petit coeur qui bat toujours un peu trop fort en sa compagnie. Il marmonne des choses intellégibles, j'entends la fermeture éclair de son jeans et le foissement du tissu qui glisse sur ses jambes. Je ferme les yeux et imagine trop bien son corps habillé de son simple boxer. Bientôt les rouages du canapé grincent sous son poids. Je souris dans le noir et m'endors rapidement. La soirée m'a apaisée. Pleurer m'a fait du bien et avoir une épaule sur lequel s'épancher a libéré un peu de ce poids que j'avais sur le cœur.

***

Jay.

J'ai toujours eu l'habitude de me lever tôt. Mais là, après avoir passé une nuit sans fermer l'oeil. Je suis comme un zombie avec une gueule de bois. D'une, ce canapé est beaucoup trop petit, et de deux je n'ai pas arrêté de penser à cette soirée avec Éva.

Voilà pourquoi je dois me tenir loin d'elle. Avec son corps canon, ses sourires, sa façon de rire. Tout me plaît chez elle. Seul hic dans l'histoire... Éva est faite pour des relations sérieuses. Elle veut un copain qui lui soit fidèle, et qui lui cuisine des petits plats tous les soirs. Pour la cuisine, je pourrais me débrouiller, pour le reste, je ne peux rien promettre. Je ne suis pas le genre de mec qu'on peut enchaîner dans un couple, et faire souffrir la grande sœur de mon meilleur pote serait une très mauvaise idée. Q pourrait déjà bien me couper les attributs pour avoir eu une seule pensée obscène envers sa sœur.

J'étire mon corps ankylosé et jette un coup d'oeil à Éva encore endormie. Une jambe dépasse de la couette. Elle se retourne en marmonnant et fait glisser un peu la couverture révélant son t-shirt plaqué contre sa poitrine qui se soulève doucement à sa respiration. J'ai vu des filles dans bon nombre de positions et dans des tenues les plus imaginatives. Mais Éva fait rendre mon érection du matin encore plus douloureuse que d'habitude. Pourquoi je désire tant cette fille ? Je la connais depuis toujours. C'est la seule à qui je peux parler et passer du temps sans que ça dégénère en baisodrome. Je ne peux pas gâcher tout ça.

Je commence à préparer le petit déjeuner. Je fais du café, des œufs brouillés, le pain de mie, le beurre, quelques yaourts, des fruits...

- Tu attends du monde ?

Éva est appuyée à l'encadrement de la porte et me lance un sourire espiègle. Ses cheveux sont décoiffés, les multiples petites boucles tournoient au-dessus de sa tête, au rythme de son rire. Je lui ai toujours dit mais elle ne m'a jamais cru. J'adore ses cheveux et sa couleur de peau métisse. Son côté exotique et intello m'ont toujours fait bander. Je jette un coup d'oeil inquiet à mon entrejambe, je ne pourrai plus prétexter la gaule matinale. Elle saura que c'est elle qui provoque ça chez moi. Mon cœur s'accélère sans que je sache pourquoi. Elle mordille ses lèvres pour se retenir de rire davantage.

- Je suis un athlète. Je dois veiller à mon alimentation, réponds-je en marmonnant.

Elle s'installe au petit bar, je me concentre sur les œufs brouillés pour ne pas loucher sur le décolleté de son débardeur blanc affublé d'une grosse fraise. Sur une autre fille, j'aurai trouvé ça ridicule, mais sur Éva j'ai juste envie de goûter à ces fraises.

- Tu ne vas pas les faire brûler, tes œufs ? me demande-t-elle en se penchant vers ma poêle.

Ses cheveux me caressent le bras. Je résiste à l'envie de glisser mes doigts dans ses petites boucles. Qu'est-ce qu'il m'arrive ? Depuis quand j'ai envie de tripoter les cheveux d'une fille ?

- Tu as envie de quoi ? demandé-je un peu trop brusquement.

Éva lève la tête vers moi, l'air espiègle. Son regard glisse rapidement sur moi, un éclair passe dans ses yeux et un court instant que je crois y voir du désir. Je dois me tromper. Éva a toujours repoussé mes grossières avances. Je ne suis que le meilleur ami de son frère.

Elle ne répond pas à ma question. Un silence s'installe, mais rien de gênant. Je ne peux m'empêcher d'admirer la courbe délicate de son cou, ses lèvres pleines, la rondeur de ses joues, je peux sentir le parfum de son savon. Une odeur sucrée qui m'a toujours fait tourner la tête.

Là, ça devient gênant.

D'un bon, Éva se lève et se dirige vers le séjour.

- Où vas-tu ? Lui demandé-je.

- Me laver, dit-elle sans se retourner, continuant sa marche faisant balancer ses hanches de façon trop sexy.

- Tu ne déjeunes pas ? dis-je en passant la tête à l'embrasure de la porte le regard hypnotisé par le rythme de ses hanches. Elle avait raison. Elle pourrai bien me tuer si on continue à cohabiter ensemble. Je mourrais de trop vouloir la..

- Jamais le matin ! me crie-t-elle de la salle de bain, coupant ma reverie.

J'avais le souvenir d'une Éva qui dévorait le matin. Elle et Q se battaient souvent pour la dernière tranche de pain brioché et j'enviais ces moments complices entre frère et sœur. Ça se voyait que ces deux-là s'adoraient, qu'il ferait tout l'un pour l'autre. Alors que moi, j'avais qui ? Fils unique. Des parents toujours absents. Une immense villa vide. Mais j'avais eux : Q et Éva qui m'avait accueilli dans leur foyer.

Une Espagnole amoureuse d'un Martiniquais : Martha et Gislain, les parents de mes amis m'avaient compris et sans plus de questions me laissaient souvent dormir chez eux sur le matelas que Q gardait sous son lit. Ce lit était devenu le mien au fil des années. Alors, séduire leur fille, prunelles de leurs yeux, c'était hors de question. Je grandissais et la dernière fois que j'ai prise Éva dans mes bras pour la jeter à la piscine comme nous avions l'habitude de faire. J'ai senti son corps se presser contre le mien, ses seins se tendre sous son maillot de bain, et ma réaction purement mâle a été immédiate. J'ai pris la fuite. J'ai érigé des barrières et cela a fait de moi le séducteur d'aujourd'hui. En ayant une fille dans mon lit. Éva ne me regardait plus, à part avec ce dédain caractéristique de la fille qui ne veut pas se mélanger à un gars incapable de s'engager, qui ne faisait que baiser les coups d'un soir.

Une douleur sourde broie la poitrine, mais c'est mieux comme ça. Rester ici c'est tenter le diable, mais être avec Éva, rien que nous deux pour quelques jours, c'est un pur fantasme. De toute façon, bientôt il faudra que je reparte pour la saison de basket.

Une odeur de brulé m'agresse les narines. Je jure à mi-voix, j'ai perdu mon petit-déjeuner.

***

La tête à l'envers, je contracte une nouvelle fois mes abdos pour soulever mon torse et amener ma tête à toucher mes genoux. Une goutte de sueur glisse sur mon visage pour s'écraser sur mon ventre. J'ai emprunté la carte du club de gym de Q. Je suis immobilisé : ok. Mais je ne dois pas perdre ma forme physique. Je fais attention en descendant de la barre avec ma cheville bandée. Plus vite elle sera remise, plus vite je pourrais retrouver l'équipe. Je me dirige vers le vestiaire et prends une douche chaude l'esprit occupé par une petite tornade métisse. Une serviette autour de la taille, je m'avance vers mon casier quand une main manucurée m'arrête.

- Hello beau blond, roucoule la beauté brune face à moi.

- Salut toi, dis-je en essayant de regard ailleurs que sa poitrine qui menace de sortir de son soutien-gorge sport. On ne se connait pas encore, ajouté-je avec un sourire.

- Tu es le nouveau colocataire de Q, minaude-t-elle en faisant glisser ses doigts sur mon torse encore mouillé. Tu utilises sa carte d'abonnement.

- J'habite chez lui pour un moment. C'est un vieil ami, réponds-je en voyant la torride brune se coller à moi.

Sa main glisse sous ma serviette et sa langue récupérer une goutte d'eau qui coule le long de mon torse. La réaction de mon entrejambe est immédiate et ma nouvelle amie semble ravie.

- Tu es aussi bien gaulé que lui. Avec Q, on s'entend bien. On se prend pas la tête, on prend juste du bon temps. Je pense qu'on pourrait s'entendre aussi toi et moi.

- Aaah.. réponds-je perdant la notion des mots, pendant qu'elle me malaxe mes jumelles.

- laisse-toi faire chéri, dit-elle en descendant plus bas.

La tignasse brune se met à genoux devant moi et je sais ce qu'elle veut m'offrir. Le genre de chose auquel on ne dit jamais non, on remercie juste le ciel. Alors ma réaction me laisse sur le cul. Je redresse la jeune fille la prenant par les épaules.

- Ecoute, c'est vraiment très tentant, mais j'ai un rencard important ce soir. Je suis vraiment désolé, de fois y aller.

Excuse minable et elle le sait. Je le vois au pincement de ses lèvres, aux frémissements de ses narines. Elle est à deux doigts de me gifler. Je ne suis qu'un con. Ma queue est entièrement d'accord avec ça. Mais je ne peux pas. Je me sens minable de faire ça, alors qu'avec Éva... Il n'y a rien avec Éva. Mais je ne peux pas.

Je prends mes affaires, m'habille à la va-vite et sors des vestiaires. Quelques minutes après la brune. Éva est là. Elle m'attend, appuyée au comptoir du club de sport, les yeux fixés sur la porte des vestiaires. Elle pince les lèvres en me voyant et paraît furieuse. Je m'avance vers elle. Je n'aime pas voir ses jolis sourcils bruns se froncer ainsi.

- Tu as perdu tes fossettes, mouton ? Tu as l'air contrarié, lui dis-je en dégainant un sourire auquel aucune fille ne peut résister.

Le coup d'oeil qu'elle jette à ma nouvelle amie brune me fait croire qu'elle est contrariée de l'avoir vu sortir des vestiaires hommes peu de temps avant moi. Mon Éva, serait-elle jalouse ? L'idée me plaît vraiment bien.

- Il faut qu'on parle Jay, annonce-t-elle d'un ton sec.

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