chapitre 8 - Jay
- Il faut qu'on parle Jay, annonce-t-elle d'un ton sec.
Elle a le regard d'une tueuse, mais qu'est-ce qu'elle est canon ! Ses cheveux détachés bouclent autour de son visage et lui donne l'air d'une sauvageonne, et son air déterminé de guerrière me fait bander. Je l'imagine déjà m'attacher au lit me faisant multiples tortures.
- Tu viens ou tu restes planté là, Miller ?
Éva qui m'appelle par mon nom de famille. Elle est vraiment fâchée, elle n'a aucune idée de l'effet qu'elle a sur moi et heureusement.
- Tu m'invites à prendre un verre, mouton ? C'est aussi un rencard, ça... si tu demandes gentiment, il se pourrait que j'accepte.
- La petite brune n'a pas suffi à calmer tes ardeurs ? Mais tu es pire qu'un animal, ma parole ! crache-t-elle en faisant un geste vers la latina qui discute maintenant avec un bel homme brun.
- Il ne s'est rien passé avec elle. Tu sais bien que je suis en convalescence, répliqué-je vexé.
- Tu t'es foulé la cheville, pas ta... , se coupe-t-elle consciente de ce qu'elle s'apprête à annoncer. J'ai du mal à croire que je parle de ça avec toi, soupire-t-elle. Tu as toujours eu le don de me faire sortir de mes gonds.
- Ne t'en fait pas mouton, ma queue se porte comme un charme. Mais je n'ai pas couché avec cette fille. J'ai des bilans sanguins et tests aux MST tous les mois, je ne peux pas me permettre de faire n'importe quoi. Je connais les filles avec qui je couche.
Je ne sais pas si je remonte dans son estime en révélant cela. Je n'ai jamais été un enfant de coeur, elle le sait, mais je ne couche pas avec n'importe qui. Pourquoi c'est si important pour moi qu'elle sache ça ? Qu'elle ne me prenne pas pour le premier des queutards prêt à enfourner n'importe quelle fille ?
Elle soutient mon regard un moment, elle m'arrive à peine à l'épaule, mais elle a le menton levé vers moi et ses yeux brillent étrangement.
- Je te crois, même si je me fiche pas mal ou tu fourres ta... se censure-t-elle de nouveau en faisant un geste vague vers mon bassin.
Je pouffe de rire devant son malaise. J'adore Eva et son incapacité à dire "queue" ou "bite".
- Allons mouton, ce ne sont que des mots. J'adorerai voir ta jolie bouche prononcer le mot queue ou bite. Allez tu m'invites où ? Dis-je en passant un bras autour de ses épaules pour l'attirer à moi.
- Je ne t'invite pas. On va au bar d'en face, dit-elle en se dégageant d'un mouvement sec.
Qu'est-ce qu'elle a à me dire qui la met dans un tel état ? Elle pousse la porte vitrée du bar, une musique lounge résonne, encourageant à la détente, ce qui est loin d'être notre cas. La lumière tamisée, les couleurs foncées donnent un air moderne à l'endroit . Éva se pose sur la première banquette et je m'installe en face d'elle.
- Sympa cet endroit, lui dis-je.
- C'est la première fois que je viens ici.
Ok, on va passer les préliminaires. Eva veut apparemment me faire du rentre-dedans .
Un serveur s'approche de nous. Je commande une eau gazeuse et Éva une limonade.
- Qu'as-tu à me dire de si important ?
Éva regarde longuement une affiche publicitaire des années 70 mise en décoration. Je me contente d'admirer son cou gracile, ses lèvres pleines et roses. Met-elle du rouge à lèvres ? Non, ce n'est pas son style. Ses cheveux bouclés cascadent autour de son visage. Elle est canon. Les hommes la dévisagent, mais elle ne semble pas s'en rendre compte. Elle est inconsciente de son charme. Mon Éva se pince les lèvres de ses petites dents blanches, je me réinstaller sur mon siège. Elle va finir par me rendre dingue. Après un long souffle, elle se tourne vers moi.
- Jay. Ça ne marchera pas.
Je lève un sourcil et doute un instant d'avoir entendu sa voix. Éva est impassible, les mains jointes sur la table, l'air solennel. Le serveur arrive avec nos collations. Nous buvons une première gorgée en silence. On est seul dans ce bar. Les tables sont assez étroites, j'ai l'impression de prendre toute la place avec mes avant-bras. Éva tape le fond de son verre avec sa paille et finalement se décide à parler.
- Cette colocation ne marchera pas, Jay. J'ai mes études. Je dois présenter ma thèse à la fin d'année et je n'ai ni le temps ni les moyens de trouver un autre appartement. Toi, tu n'es là que pour le loisir. Moi, c'est ma vie que je joue. Fais ta convalescence ailleurs, je suis sûre que l'équipe te paiera n'importe quel centre. Choisis un endroit au soleil, là où tu seras le mieux, mais je te supplie de quitter l'appartement.
Elle lève vers moi ses yeux ombrés de cernes. Elle a beaucoup encaissé ces dernières semaines, mais elle est fière et se retient de se plaindre. Si elle savait que j'étais arrivé aux mêmes conclusions qu'elle, mais pas avec les mêmes arguments. La décision que j'ai prise ce matin lui fera néanmoins plaisir.
- Éva, j'ai pris moi aussi une décision, dis-je dans un souffle. Elle me regarde de ses grands yeux marron et est suspendue à mes lèvres. La voir si attentive me donne envie de lui sortir une connerie, mais je me doute de l'importance de ma réponse à cette discussion. Je vais partir ce soir. J'ai préparé mon sac. Je descends chez moi le temps que ma cheville se remette.
- Merci Jay, dit-elle simplement, mais je sens toute la tension qui se relâche de ses épaules.
Elle écarte une boucle de ses yeux marron et me lance un sourire qui me va droit au cœur.
- De rien mon petit mouton frisé chéri, dis-je en répondant à son sourire.
- Jay, marmonne-t-elle en levant les yeux au ciel. Arrête de m'appeler comme ça.
- OK, capitulé-je en levant les mains en signe de paix. Pour notre dernière soirée, il va falloir qu'on fête ça et tu viens avec moi ! dis-je en posant un billet sur la table pour régler l'adition.
- Je ne suis pas habillé pour sortir. Tu veux que j'aille où avec toi ?
- Un copain donne une fête chez lui ce soir.
- Si tu as des amis ici, pourquoi tu ne vas pas chez eux ? demande-t-elle en me suivant.
Je me tourne vers elle avec un sourire. Ma belle Éva veut que je reste dans le coin ?
- Mes amis ne dorment jamais seuls, et je n'ai pas envie de tenir la chandelle, ou pire, que la copine d'un pote jette son dévolu sur moi.
- Dit donc, tu arrives à marcher avec tes chevilles qui enflent ? Tu crois vraiment qu'aucune fille ne peut te résister ?
- En tout cas, il y en a très peu qui savent résister, réponds-je avec un clin d'oeil.
Éva lève les yeux au ciel et mon regard plonge sans aucune pudeur dans le décolleté de son débardeur.
Je ne sais si c'est une très bonne idée de l'emmener chez Marcus, mais c'est ma dernière soirée dans cette ville, donc avec Éva. Et je veux profiter de ces derniers moments avec elle.
***
Éva.
Comment lui dire non ? Il vient de m'offrir sur un plateau ce que je voulais. J'avais préparé un argumentaire en béton, mais finalement Jay avait déjà compris que nous deux, sous le même toit, nous mènerait droit à la catastrophe.
Arrivé chez le fameux Marcus, celui-ci n'a pu s'empêcher de me détailler des pieds à la tête et de lancer un regard surpris à Jay. Je ne dois pas être le genre de fille que Jay doit emmener aux soirées. Les Tifany, Amber, Britany... sont toujours blondes, à une forte poitrine, dans un style vestimentaire qui comporte peu de tissu.
Pour ma défense je ne m'attendais pas à finir dans une soirée avec Jay, et comme celui-ci a refusé catégoriquement que je rentre me changer me voici en legging noir et sweat à l'effigie du club de basket de mon frère.
Marcus se reprend et m'adresse un sourire amical.
- Salut ! Jay ne m'avait pas prévenue qu'il serait accompagné, mais il a bien fait, dit-il en posant son regard brun sur moi. Je suis Marcus, si tu as besoin de quoi que ce soit jolie damoiselle je suis à votre service. Ajoute-t-il en prenant ma main pour y déposer un baiser.
- Arrête ton baratin mon pote, s'interpose Jay en passant devant moi pour saluer son ami. C'est Éva, ma petite sœur, alors tu sors tout de suite les images salaces que t'as dans ta tête.
- Ta sœur? lance Marcus étonné, tu es fils unique !
- Et alors ? répond-Jay en me prenant le bras pour m'emmener dans la cuisine. Ça m'empêche pas d'avoir une soeur !
- Bein si, c'est le principe même de fils unique... marmonne son pote.
Jay a l'air de mauvaise humeur. S'il ne voulait pas que je vienne, il ne fallait pas m'inviter. Mais devant son visage fermé, je m'abstiens de le lui faire remarquer. Il ouvre le frigo comme s'il était chez lui et me donne un Perrier.
- Elle veut sûrement boire autre chose, Jay, intervient un garçon brun au sourire charmeur.
- Occupe-toi de ton cul, Jo. Elle veut un Perrier et ne boit pas d'alcool, lui dit-il en l'assassinant du regard.
Je prends le Perrier pas très convaincu, quand une tornade blonde rentre dans la pièce et s'accroche au cou de Jay. Son corps mince se colle à lui comme une seconde peau, ses longs cheveux blonds et raides balaient son dos et recouvrent le torse de Jay. Elle tire sur sa nuque pour approcher le visage de Jay et ils s'embrassent... longuement... très longuement, puis se frotte contre lui langoureusement. Je parie qu'elle s'appelle Britany...
Je tourne les talons pour aller n'importe où sauf ici.
J'ai la nausée.
- Une bière beauté ? me propose Jo.
- Avec plaisir, lui dis-je avec un sourire en enjôleur. J'essaie d'ignorer cette douleur sourde au fond de ma poitrine. Depuis la vision de cette blonde dans les bras de Jay. La jalousie me dévore. Je repousse cette idée de toutes mes forces. Jay est comme ma famille, je suis juste triste de le voir partir.
- Je m'appelle Jo, se présente-t-il. Et toi ?
- Éva.
- Enchantée Eva, me susurre-t-il avec un sourire. Tu viens ? On va te cherche quelque chose à boire.
Il n'attend pas ma réponse et me surprend en me passant un bras familier autour de mes épaules. Après tout si Jay prend du bon temps. Pourquoi pas moi ?
Quelques instants plus tard, je suis installée dans un petit canapé avec mon nouvel ami, Jo. Je passe d'ailleurs l'une de mes meilleures soirées. Ce mec à un don pour les imitations, et il semble se faire plaisir à me faire rire. Il se lève et me tend une énième bière.
- Tu veux me saouler, Jo ? demandé-je en pouffant.
- Beauté, si tu me poses cette question c'est que t'es pas encore assez saoul. Mais je crois que malgré tout, ton prince charmant veille sur toi, dit-il en faisant un geste discret en direction de Jay qui nous regarde les sourcils froncés.
La petite blonde filiforme est toujours collée à lui, mon agacement monte d'un cran. S'il m'a emmené là pour m'ignorer et s'afficher avec cette fille. Il aurait mieux fallu qu'il me laisse rentrer à la maison.
Jo voit mon air contrarié et me fait un clin d'œil complice. Au moins un qui s'intéresse à moi. Une musique latino au tempo vivifiant, m'invite au déhanchement. Jo me comprend de suite et me tend une main tentatrice. Je n'ai pas l'habitude de danser avec quelqu'un que je connais depuis quoi... à peine trois quarts d'heure ! Mais le sourire de Jo et l'envie de montrer à Jay que moi aussi je peux m'amuser me poussent à me lever. Sans une hésitation, Jo m'attire contre lui et se colle contre moi. Il guide mes mouvements. On bouge comme un seul corps, ses doigts trainent sur mes fesses, le long de mes cuisses. Son souffle caresse la peau de mon décolleté (car j'ai enlevé mon sweat depuis un moment). Je n'ai jamais dansé ainsi avec un homme. Je jette un œil à Jay. Il s'est statufié à quelques pas de nous, les poings serrés le long du corps, le visage impassible. Il nous fixe. À la fine ligne de ses lèvres, je sais qu'il est énervé. Très enervé. Et bizarrement, j'adore ça.
Sa main glisse le long de ma jambe droite pour remonter vers mes fesses qu'il encercle pour me coller à lui. On pourrait penser que cela fait partie de la danse... cela fait peut-être partie de la danse, mais c'est trop pour moi. Je prends la décision d'y mettre fin. Je repousse doucement Jo, qui fait recule de plusieurs pas en arrière. Wouah, je lui ai fait peur ou quoi ? Mais je comprends mieux sa réaction quand la musique s'arrête, et qu'une masse de muscles se jette sur moi et m'emprisonne les poignets pour m'entraîner a l'écart.
- Tu me fais mal Jay !
Il ne m'écoute pas et me traîne de force à travers l'appartement jusqu'à une petite pièce qui semble être la chambre de Marcus. Au loin, j'entends le propriétaire des lieux qui rassure mon compagnon de danse.
- C'est sa sœur...
- Mais je croyais que Jay était fils unique ? s'étonne la voix de Jo.
- Et alors ? Tu connais son arbre généalogique ?
Je n'ai pas le temps d'entendre la suite, car Jay claque la porte derrière nous.
- Mais qu'est ce que t'as à la fin ? Lui dis-je énervé.
- tu as bu trop de bière, Éva. Boire te fait faire n'importe quoi !
Il se détourne de moi et passe une main nerveuse dans sa chevelure blonde.
- C'est Jo! Ce mec est le pire séducteur que je connaisse. Ton frère est un enfant de cœur à côté de lui.
- Je le trouvais sympa, moi.
Quoiqu'un peu entreprenant, rajouté-je à moi-même.
- C'est le principe même du séducteur d'être sympa, me répond Jay avec un regard lourd de sens.
Pour une fois que je me sentais bien, Jay a tout gâché. C'est peut-être un séducteur, mais au moins il sait que j'existe lui, il ne m'ignore pas.
- Il me plait bien ce Jo et peu importe qu'il aime séduire les filles. J'attire ce genre de mec, dis-je avec un rire amer, au moins là, je sais à quoi m'attendre.
- Tu n'es pas comme ça Éva, dit-il en se rapprochant de moi.
- Et je suis comment selon toi ? Laisse-moi passer. Il y a une fête qui m'attend.
- Tu veux aller où ? me répond-il durement. Rejoindre l'autre guignol ?
- L'autre guignol fait attention à moi contrairement à toi ! Dis-je plus énervée que je n'aurai voulu.
- Ah oui ! me lance Jay en prenant par le bras pour l'attirer à lui. Tu veux qu'on fasse attention à toi ? Tu veux que je te touche comme l'autre connard l'a fait ?
Mêlant geste à la parole, il m'écrase contre le mur. Me coupant la respiration.
- Qu'est-ce que tu fais, Jay ? dis-je la voix un peu paniquée.
Jay ne fera jamais de mal. Mais là, il est différent. Il est plus dangereux, plus sombre, une partie de lui que je n'avais jamais vu. Il plaque ses mains de part et d'autre de mon visage et baisse sa bouche vers la mienne. Son souffle me caresse les lèvres.
- Même l'odeur de la bière est merveilleuse sur toi, dit Jay en fermant les yeux.
Ses lèvres caressent les miennes lentement, comme s'il voulait apprécier ce moment. Dans un geste délicat, il repousse une boucle de cheveux de mes yeux. Ses pupilles brillent étrangement, il me regarde moi et uniquement moi. Ses yeux parcourent mon visage, s'attardent sur ma bouche. Son corps brûlant compresse le mien, il s'est penché pour mettre son visage à hauteur du mien. Il est tellement grand, tellement fort. Je ne pourrai rien contre lui, mais je n'ai pas peur. Je me sens en sécurité même si tous les muscles de son corps se tendent à l'extreme à l'instant même où il l'embrasse. Sa bouche chaude couvre la mienne. Sa langue glisse sur mes lèvres et je pousse un gémissement de volupté. Il sourit contre ma bouche. Mes mains se glissent sous son t-shirt et caresse ce corps sculpté, dessinent chaque muscle de son torse. Sa langue caresse la mienne doucement puis plus sauvagement. Je n'ai jamais eu un baiser aussi renversant, mes jambes s'affaissent sous moi et Jay me retient d'un bras, me serrant contre lui. Sa bouche quitte mes lèvres pour se diriger vers mon cou, y laissant une traînée de feux. Je gémis et enfonce mes doigts dans ses cheveux blonds pour le ramener à moi. Jay se redresse hors d'haleine, mettant sa bouche hors d'atteinte. Mon corps crie de frustration quand il s'éloigne, mais pour l'instant j'essaie de calmer les battements de mon cœur et retenir mes mains le long de mon corps. Avoir touché Jay me donne qu'une seule envie : recommencer.
- c'était une mauvaise idée, mouton, déclare Jay.
Je suis à court de mots, n'ayant aucune envie de commenter le moment qu'on vient de passer ensemble.
- Je pars dans quelques heures.
Je hoche la tête, les mots coincés dans ma gorge, si j'ouvre la bouche je vais me mettre à pleurer et hors de question que ça arrive devant Jay juste après qu'il m'ait donné son premier baiser. Et Oh quel baiser !
- C'est arrivé, mais c'est du passé, ajoute-t-il comme à lui même.
Je ravale ma rancœur. Ce n'est sûrement pas ce qu'il a dit à la "Tiffany" blonde platine qui se collait à lui de tout à l'heure.
On sort de la salle de bain. Heureusement, la fête a repris et personne ne fait attention à nous. Jay me prend par la main. Ses doigts longs se referment sur les miens, mon cœur s'emballe. Jay m'entraîne rapidement vers la sortie. On marche en silence vers l'appartement. Jay n'a pas quitté ma main. J'essaie de le regarder discrètement, mais je me tords le cou. Il est tellement grand et large d'épaules. Je dévisage la ligne de sa mâchoire, ses lèvres pleine et si douce quand elles se sont posées sur les miennes, ses cheveux blond mi-long décoiffés. Jay tourne brusquement sa tête vers moi et ses yeux verts vifs et perçants rencontrent les miens. Je baisse la tête. Encore quelques heures avec Jay, après il s'en ira.
Annotations