Chapitre 7

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Je n’avais pas demandé de taxi pour la Cour des Illusions et de toute façon, Olson ne m’en aurait pas prêté. Je devais me débrouiller seul mais heureusement je connaissais bien les quartiers de cette ville par la force de l’habitude.

Le problème restait que Zho était un familier des moindres ruelles et passages incongrus de ce monde en perdition. Lui mettre la main dessus ne serait pas facile. Et Olson m’avait fait comprendre que je n’avais pas intérêt à revenir les mains vides.

Les larmes de Rain City dégoulinaient sur ma trogne, me glaçant les os alors que j’empruntais l’Avenue des Damnés. Les fantômes erraient au hasard, me forçant plusieurs fois à me décaler pour ne pas les heurter.

– Nous reverrons le soleil… oui le soleil, disaient-ils.

Tout à coup, je fus bousculé par l’un de ces tarés, qui me brandit une fiole vide sous le pif. Je fus terrifié par ces yeux avides qui me dévisageaient.

– Le soleil, rends-moi le soleil !

Sa main tenta de m’étrangler et je me dégageai d’un coup de poing. Il rampa vers un tesson de bouteille et me foudroya d’une haine bestiale.

– Tu vas me payer ça, salaud !

Mon objectif était de retrouver Zho au milieu de ces déchets qui n’avaient plus rien d’humain. Je devais d’abord rester en vie.

Pas le choix.

J’abattis l’infortuné d’un tir en plein cœur et tous les autres s’écartèrent de moi, me laissant le passage libre. Leur vie avait encore une certaine valeur à leurs propres yeux, mais jusqu’à quand ? Pas pour longtemps.

Je n’avais jamais vu personne réussir à se libérer de l’addiction à la Vipère Jaune. Une fois qu’on y a goûté, c’était foutu. Une vraie saleté.

Tous les autres dealers avaient été envoyés ad patres. Si je liquidais Zho, serais-je certain que cela arrangerait leur sort ? Ils seraient tous remplacés par d’autres qui se montreraient beaucoup plus assidus sur les distributions à respecter.

Allez, je devais débusquer ce foutu cafard.

Mon instinct me conduisit dans la ruelle où j’avais discuté avec lui la dernière fois. En tant que flic, j’avais remarqué que la racaille revenait toujours sur les lieux de ses larcins. C’était un fait et je ne m’étais jamais posé la question de savoir pourquoi.

Sous l’auvent déchiré et éclairé par un feu de poubelle, une transaction était en cours. Entre Zho et un pauvre diable décharné dont il profitait de la misère. À la lueur du brasier, je distinguai les liasses de solstices et deux fioles de Vipère Jaune changer de main rapidement.

Le camé s’éloigna et profita sans tarder de son butin misérable. Il tituba vers moi, reniflant comme un goret sous le coup de l’excitation. Je me rejetai dans l’ombre, sans rien manquer de son manège. Je les vis ouvrir les deux fioles et en plonger le contenu dans sa gorge.

Quelques secondes après, il ne tarda pas à être secoué de convulsions incontrôlées qui le firent gémir de plaisir.

Il leva les bras au ciel comme pour remercier Dieu qui l’avait pourtant abandonné. Puis il s’écroula d’une pièce, les yeux révulsés et la bave aux lèvres. Il venait de faire une overdose comme je le pressentais.

Zho s’extirpa de sous son auvent pour se pencher au-dessus de lui. Il murmura :

– Ah, quel crétin ! Je l’avais pourtant prévenu de pas prendre les deux en même temps.

Puis il se mit à le palper, pour le dépouiller. J’intervins pour interrompre son forfait.

– Je crois qu’il vient de dépenser tous ses solstices, mon pote.

Il bondit en arrière, pris sur le fait. Il pâlit lorsqu’il me remit.

– Encore toi, Selstan ?

– Au cas où tu te poserais la question, oui j’ai survécu. Et pas grâce à toi.

Il recula d’un pas.

– Je croyais qu’ils avaient buté tous les Éclairés.

– Je suis un Protecteur, maintenant.

Ses traits se tordirent lorsqu’il ricana.

– J’aurais jamais cru ça de toi, un jour.

– Je m’adapte aux réalités. Harold te cherche, au fait. Tu n’es pas venu chercher ta cargaison de Vipère Jaune.

– C’est Harold qui m’a suggéré de ne pas me pointer.

Ça, je l’aurais parié.

– Je lui ai rendu quelques services, alors tu vois… je perds rien à t’avouer ça, vu qu’on est dans le même camp.

– C’est pas tout à fait vrai, le coupai-je.

Mon flingue apparut dans mon poing et la panique luisait dans ses yeux sournois.

– Eh, tout doux ! Tu m’en veux encore pour la dernière fois, c’est ça ?

– Rien à voir. Olson m’a chargé de te faire savoir qu’il n’avait plus besoin de toi et des autres.

Il cracha toute son amertume.

– Nous sommes devenus de la ferraille usagée, bonne à jeter.

– Ça n’a rien de personnel, Zho.

– Ouais, bien sûr.

Je brandis mon jouet vers lui pour en finir. C’est alors que nous fûmes interrompus par un toxicomane qui lâcha dans mon dos.

– Quelqu’un a du soleil, les gars ?

Son irruption me distrait un instant de trop. Zho en profita pour dégainer son pistolet et me lancer avec hargne.

– Va crever, putain de poulet !

Il m’aligna avec son canon et je me jetai sur le coté. Deux balles sifflèrent à mes oreilles et trouèrent le pauvre type qui n’avait rien à voir avec cette merde. Je me redressai pour répliquer mais ce foutu cafard avait déjà disparu derrière l’angle d’un mur.

Le toxico ne remuait plus, il avait eu son compte.

Je me souvins que cet enfoiré d’Olson m’a passé un talkie walkie lors de notre passage des Brumes de l’Extase jusqu’au Hachoir. Je l’exhibai de sous mon imper et réglai la fréquence sur celle des patrouilles.

En espérant être écouté… voilà qui me rappelait mes débuts dans cette chère police.

– Ici David Selstan, j’ai un code 8 – 7. Je répète, code 8 – 7. Je signale des tirs sur agent de police dans la Cour des Illusions, le long de l’Avenue des Damnés. Un homme armé, une victime à terre. Statut : décédé. Je demande des renforts pour boucler le quartier.

Je laissai passer les parasites avant de reprendre.

– Quelqu’un me reçoit ? J’ai demandé des renforts !

– Négatif, Selstan, répondit un Protecteur.

– J’ai un code 8 – 7 sur les bras, sale con ! Alors ramenez votre cul !

– Arrête de gueuler comme un putois, on a compris ! T’auras pas de renforts ! Ordre du lieutenant Olson !

Dans ma carrière de flic, c’était pas la première fois que l’on me faisait ce sale coup. Soit-disant parce que les coéquipiers n’étaient pas censés s’occuper de patrouiller dans le secteur en question. Foutus ripoux.

– Rien à carrer de ce que dit Olson !

– Le lieutenant nous a précisé que tu devais te démerder seul, pour que tu puisse prouver ton utilité et ta loyauté.

– Un test ?

– Appelle ça comme tu veux.

Un court silence puis le Protecteur se rappela à mon bon souvenir.

– T’as pigé, tocard ?

– Ouais, c’est limpide ! Allez tous vous faire mettre, bande de fumiers ! Selstan, terminé.

Ouais, comme au bon vieux temps. Aucun renfort, comme lorsque ma coéquipière Ada avait été tuée sous mes yeux. Aucun renfort lorsque j’avais traqué son meurtrier dans les méandres des pires quartiers de la ville. Aucun renfort lorsque je lui avais réglé son compte.

Je pensais que mon nouveau statut de Protecteur me conférerait quelques privilèges mais je me gourais. Pour beaucoup de ces gars-là, je devais puer encore trop l’Éclairé à des kilomètres à la ronde.

Je devais faire le boulot moi-même. Qu’ils aillent tous au diable, cette ville, ces camés, les Protecteurs. Mon père, le parrain de ce foutu marécage. Mila devait être préservée à tout prix. Et pour cela, Zho devait mourir.

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