Chapitre 2 : Max
Veille du grand réveil
Un homme d’une trentaine d’années, de taille moyenne, mince, est étendu sur un lit. Ses yeux sont fermés, mais il ne dort pas. Il réfléchit.
Il a hâte d'être au lendemain. Il va enfin pouvoir leur parler. Après les avoir si longuement observés, il appréhende ce moment. Comment réagiront-ils lorsqu'ils émergeront ?
Coupés de la réalité pendant de longs mois, voire de longues années pour certains. Retenus contre leur gré. Pourtant ils vont devoir s’adapter à ce lieu, à ces personnes et surtout à eux-mêmes. Ils n'auront pas d'autres choix !
Max se demande quelle sera la réaction d’Olga, la première patiente réveillée dans cette section du laboratoire. Il a construit avec elle une relation privilégiée qu'il souhaiterait préserver.
Au début, cela n’a pas été facile. D’une part Olga, comme tous les autres, n’avait pas choisi d’être ici. D’autre part, son pouvoir lui faisait peur.
À force de patience, Max a réussi à l’apprivoiser, à lui apprendre à utiliser son don si particulier.
Par chance, elle ne connaissait pas toute la vérité et s'était contenté d'accepter l'histoire somme toute plausible qui lui avait été servie : ils l’avaient retrouvée enfant en Sibérie, frigorifiée, alors qu'elle errait dans la ville de Tomsk, avant d'être menée ici. Malheureusement, Max ne savait pas trop comment, Olga avait été plongée dans un coma durant de nombreuses années. Et par un beau matin d’été, le miracle était arrivé et elle avait émergé. Ils avaient continué à prendre soin d’elle, à l’éduquer.
Le jeune homme se rappelle de ce matin si particulier, il y a neuf mois.
Le docteur Amigo vient me voir, il semble plus excité qu’à l’accoutumée.
« C’est le grand jour Max. Olga va se réveiller.
— Je suis content qu’elle sorte du coma.
— Nous avons enfin réussi.
— Réussi quoi ?
— Il est temps que tu saches Max. Tu vas être son tuteur.
— Mais je la connais à peine !
— Tu es le meilleur pour cette mission. Mais avant, je dois t’avouer quelque chose.
— Tu commences à m’inquiéter.
— Rassure-toi. Rien de grave, répéte Amigo avec un sourire forcé tout en posant sa main sur l'épaule de Max.
— Inutile de prendre des gants avec moi, Sylvio.
— C’est que… c’est assez particulier...
— Accouche ! Il ne doit pas y avoir mort d’homme, le coupé-je.
— A vrai dire…
— Lâche le morceau !
— Ce n’était pas un coma naturel.
— Hein ?! m'exclamé-je.
— Nous avons provoqué son coma.
J'écarquille les yeux et reste silencieux.
— C’était nécessaire. Nous avons travaillé sur une zone de son cerveau pour effacer une partie de sa mémoire. Pour qu’elle croit à notre histoire.
— Tu veux dire que tu ne l’as pas retrouvée en Sibérie, à moitiée morte de froid ?
— Bien sûr que non. Nos camarades russes nous l’ont amenée.
— C'est quoi cette embrouille ?
— Hélène t’en as parlé à ton arrivée ici. Nous sommes sur un projet sensible.
— Qui implique de provoquer un coma artificiel et de modifier les souvenirs d'une gamine ? m’insurgé-je.
— Ce n’est pas tout.
— Qu'avez-vous fait ? demandé-je fébrilement.
L'angoisse s'installe insidieusement et je ne peux m'empêcher de serrer les poings.
— Nous avons modifié la structure génétique d’Olga, lui conférant une faculté spécifique qui peut s'avérer dangereuse mal maîtrisée.
— C'est une blague ?! m'emporté-je.
— Désolé Max. C'est pour cela que nous t’avons choisi comme tuteur. Tu es le mieux placé dans le contexte.
— Pourquoi moi ?
— Ton intelligence, tes connaissances et ton ouverture d’esprit.
— Rien que ça, raillé-je.
— Ta capacité à toujours tout prévoir a fait pencher la balance de ton côté. D’ailleurs, Hélène t’a fait venir ici pour cet objectif.
— Dis m'en plus sur la petite.
— Elle aspire la vitalité de son environnement.
— Quoi ?! Tu te paies ma tête là ?
— C'est la stricte vérité.
— Tu peux être plus clair ?
— Elle vide l’énergie des personnes, des animaux et des plantes qui l’entourent.
— Mais qu’avez-vous fait à cette enfant ?!
— Techniquement ce n’est plus une enfant. Elle vient d’avoir vingt ans.
— Ne joue pas sur les mots. Vous êtes des monstres ! Si j’avais su ce que vous prépariez, je ne serais pas resté.
— On ne t’aurait pas laissé partir tu penses bien. D’ailleurs, tu ne sais même pas où nous sommes ! » rit Sylvio.
Mon ami n’avait pas tort. Sur les recommandations d’Hélène — à l’époque, je pensais que ce n’était qu’un jeu d’amoureux — je m’étais fait conduire à l’aveugle dans ce lieu et n’avais pu retirer mon bandeau qu'une fois arrivé dans ce laboratoire sous-terrain. Du coup, je n’avais aucune idée d'où je pouvais me trouver !
« Tu es prêt à écouter la suite ?
— Ai-je vraiment le choix ?
— Ne le prends pas mal. Tu as toute notre confiance.
— Quel sera mon rôle ? soupiré-je.
— Tout d’abord, tu vas lui raconter l’histoire que nous avons inventée pour elle. Pour la mettre en confiance.
— Comment aspire-t-elle l'énergie ? Est-ce dangereux au point de me tuer ? Les effets sont-ils immédiats ou sur le long terme ?
— Pas de panique. Tu porteras une combinaison qui te protégera.
— D’accord. Mais elle risque d’être suspicieuse de voir un gars débarquer en astronaute.
— Ta sécurité avant tout. Ce sera à toi de gagner sa confiance. Qui a dit que ce serait facile, sourit Amigo.
— Merci pour le cadeau, marmonné-je.
— Tu es le seul capable de relever ce défi Max. Tu inspires confiance à tout le monde, et crois-moi ce n’est pas une mince affaire.
— Je lui explique comment la tenue ?
— Parle-lui de virus, de radiations. C’est toi le professeur des civilisations anciennes.
— Je ne vois pas trop le rapport, contré-je.
— Je sais. C’est pour détendre l’atmosphère. Je suis sûr que tu trouveras un moyen de briser la glace. Elle va fondre sous ton regard magnétique !
— Tu t'entends parler ? Tu crois sérieusement qu'elle va m'accueillir à bras ouvert ?
— J'ai confiance en toi. Tu y parviendras.
Et ensuite ?
Tu lui fais découvrir ses capacités et lui apprends à les maîtriser.
Et comment veux-tu que j'y parvienne ? Je n'y connais rien moi-même !
Nous t'apporterons des plantes, des petits rongeurs.
Je n'ose imaginer sa réaction lorsqu'elle se rendra compte de son don. Préviens-moi avant, que je puisse l'avertir subtilement.
— Je te retrouve enfin !
— Comment fait-elle ?
— Je ne peux te le dévoiler pour l’instant. Il est trop tôt. Par contre, garde en permanence ta combi lorsque tu iras la voir. Ce serait trop dangereux de la retirer. Plus tard, lorsqu’elle se sera habituée à ses facultés, je lui donnerais quelque chose pour l’aider.
— Et pourquoi pas maintenant ?
— Il faut y aller petit à petit. Tout comme toi, elle fera partie d’une équipe qui jouera un grand rôle dans notre projet.
— C’est complètement insensé. D'ailleurs, c'est quoi ce mystérieux projet ?
— Chaque chose en son temps. Ton premier objectif est de t’occuper d’Olga, je te tiendrais au courant pour les autres plus tard. Va te préparer pour son réveil.
Si tu veux que je m'investisse, il va falloir m'en dire plus. Immédiatement, ordonné-je.
Désolé Max, je ne peux pas. Il est trop tôt.
Alors ce sera sans moi, lançé-je en me dirigeant vers la sortie.
Doris.
Doris ? répété-je en me retournant.
Nous...
Qu'avez-vous fait ?
Nous la surveillons.
Je prends mon ancien compagnon de chambrée par surprise en fonçant sur lui et en le plaquant contre le mur. Ma main compresse sa trachée.
Max... Tu m'etouffes, déglutit péniblement mon ami.
Tu vas dire à tes hommes de ne pas approcher de ma famille, sinon...
Ce n'est pas moi qui décide Max. Le temps que tu sortes d'ici, il sera trop tard. Nous l'aurons tuée bien avant que tu ne la retrouves.
D'un geste rageur, je desserre mon étreinte et le frappe au thorax, avant de m'éloigner. Mon coeur cogne contre ma cage thoracique. Mon souffle se saccade et ma pomme d'Adam tressaute.
Olga a besoin de ton aide, tente Amigo pour me retenir.
Une gamine qui pourrait me tuer ? crié-je en me retournant.
C'est un risque à prendre.
Ne touchez pas à ma famille.
Ne nous donne pas une raison de le faire, déclare calmement Sylvio.
Laisse-moi y réfléchir. Et ne t'avise plus de m'appeler mon ami. » fulminé-je.
Nous nous étions quittés ainsi. Plus tard, j’avais rejoins une cellule pour m’équiper avant d’aller voir ma future partenaire.
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