1 - Sauvageonne - 2/3

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M’étirant un peu, j’observai le petit écureuil. L’animal au panache roux cherchait vainement dans le sol, les cachettes dans lesquelles il aurait pu enterrer des trésors dans l’espoir de récupérer les fruits de son labeur lorsque la faim écaillerait. Ma rêverie effectua un nouveau bond dans le temps.

Le collège d’affectation se situait dans la petite ville d’Antalvay. Pour nous y rendre, nous devions emprunter un bus scolaire.

Je me souviens encore clairement le jour de notre arrivée dans cet établissement. Surexcitée autant qu’intimidée par la nouveauté, je parvins très tôt à l’arrêt. Un grand bus rouge attendait notre arrivée.

Après que j’eus frappé à la porte transparente, la conductrice au visage rébarbatif avait refusé d’un signe de tête de m’ouvrir, replongeant immédiatement le nez dans son journal. Les élèves s’accumulaient devant le véhicule, et parmi eux, mes trois amis. Lucas ne voulut pas me croire et retourna cogner là la vitre par des coups répétés. En vain.

L’employée ne déclencha l’ouverture tant attendue, qu’une seule minute avant le départ. Il fallut alors jouer des coudes pour atteindre les meilleures places : celles du fond ! Heureusement, nous avions été rapides et nous pûmes nous asseoir sur les sièges convoités. Quelques secondes après, il était bourré à craquer d’enfants qui s’entassaient pêle-mêle.

Lorsque le car démarra enfin, depuis nos places du fond, nous nous retournâmes pour regarder les voitures qui doublaient et faire des grimaces à leurs conducteurs. On s’amusait bien, mais nous faisions beaucoup de bruit, riant très fort. Ce petit jeu pourtant inoffensif n’était pas du goût de la conductrice qui stoppa le bus pour nous faire la leçon. Cette femme n’avait aucun sens de ce qu’était un enfant et de l’ennui que nous aurions éprouvé à ne rien faire.

Au bout d’une dizaine de minutes, la forêt disparut progressivement pour laisser la place à des champs. Je comparais dans ma tête ceux d’ici à ceux que nous pouvions voir à Amalfay. Ici, ils étaient plus grands et uniformes, pas de haies, beaucoup de maïs, très demandeur d’eau. Mauvaise idée pour notre époque où les sècheresses commençaient à se multiplier.

Mon père voudrait bien que toutes les terres du village soient comme celles-ci.

Le père de Lucas était le chef du syndicat agricole depuis quelques années. Il n’avait pas vraiment la même vision que la plupart des agriculteurs du village, cependant, il s’était imposé, promettant de meilleurs bénéfices.

Après les champs, apparu l’unique usine de la petite ville. Sa construction avait soulevé de nombreuses de polémiques dans notre village, certains arguaient qu’elle était trop polluante, d’autres comme mon père, soutenaient qu’elle allait rapporter de l’argent aux communes alentour.

Ma mère m’a dit que plus tard, je pourrais diriger cette usine, ou l’un des supermarchés, si je travaille bien à l’école !

Lucas qui venait de s’exprimer était le fils de notre nouvelle Maire, une famille de dirigeants !

Je me demandais à quoi servaient ces grands commerces totalement impersonnels, alors que les petites boutiques que nous avions à Amalfay, même si elles n’offraient pas un éventail aussi riche de denrées, étaient à taille humaine et chaleureuses. Leurs dimensions réduites ne nous empêchait pas de trouver, en général, ce dont nous avions besoin.

Puis ce fut la ville, avec beaucoup plus de circulation, des feux rouges, et cette mauvaise odeur caractéristique des lieux où les voitures s’agglutinent. Dans notre village, il y en avait moins, chaque famille en possédait une, ou presque, mais leur utilisation n’était pas systématique et on voyait beaucoup plus de vélos et de piétons, parfois un tracteur. Les habitants d’ici, me disait mon grand-père, ne pouvaient pas effectuer le moindre déplacement sans se servir de leur automobile.

Il y avait beaucoup de petits immeubles, où s’entassaient des familles peu fortunées, alors que de l’autre côté de la ville s’étalaient de luxueuses villas.

Puis le bus s’arrêta. Terminus.

Nous nous précipitâmes tous à l’extérieur sous le regard courroucé de celle qui nous avait conduits jusqu’ici. L’idée pour les nouveaux était de suivre les plus grands qui connaissaient les lieux. Une grande cour, portail ouvert nous tendait les bras, les grands élèves s’y engouffraient en groupes compacts.

Le directeur nommait les classes puis appelait les élèves un par un. Les sixièmes étaient les premiers, je tendais l’oreille pour discerner correctement les noms. Alors qu’il en était à la 6°2 j’entendis :

Chouillard Eléonore !

Et mon amie partit en courant. Puis, il cita le nom qui suivait dans l’ordre alphabétique :

Cluseau Bastien !

Mon ami disparu à son tour dans la foule des élèves pour rejoindre Éléonore. Quelques noms passèrent.

Legrand Lucas !

Tous mes amis avaient été cités. Je croisais les doigts, j’espérais tant les rejoindre !

Maillard Margaux !

Quel soulagement ! Nous partagions la même classe ! Je courus comme une folle pour les retrouver.

Mademoiselle Maillard, vous avez perdu votre règle !

Je me retournai, et vit l’instrument au sol. Dans ma précipitation, elle avait chu. La honte sur les joues, je la ramassai et rejoignis le rang. Belle entrée en matière.

Je revins au présent, chassant quelques insectes qui s’amusaient sur mon T-Shirt. Inspirant un grand bol d’air, je m’assis un instant afin d’ôter mes chaussures et me sentir plus à l’aise. Mon regard s’égara sur le décor, contemplant un papillon posé sur la pierre centrale. La belle de jour décolla, se dirigeant vers le nord, passant entre les muscaris et les jonquilles qui ajoutaient au tableau leurs touches de bleu et de jaune. Je la perdis de vue lorsqu’elle se dirigea vers la lisière, parsemée de muguets égayant l’endroit de leurs petites clochettes blanches.

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