2 - Retour au bercail - 2/3
À l’heure actuelle, elle était occupée à éplucher des patates. Au centre de la table, une feuille de journal attendait que l’on y dépose les épluchures que nous composterions ensuite. Je m’y assis et commençai à éplucher les carottes pour la soupe.
— Comment s’est déroulée ta journée, Margaux ? La forêt, toujours ?
— Je m’y suis fait un nouveau copain. Un petit écureuil. La prochaine fois, je lui apporterai quelques restes pour l’amadouer.
— T’as raison, profite la vie, celle des femmes n’est pas très drôle, tu sais.
— Surtout avec quelqu’un comme Papa, osai-je.
Ma mère Hélène était une femme effacée. Notamment devant mon père. On pourrait même dire que sa personnalité avait disparu sous sa tyrannie. Lorsqu’elle était jeune, ses parents n’avaient pu lui payer des études. Mon père voulait absolument qu’elle gagne de l’argent, alors elle s’était mise à faire des ménages à mi-temps, quand elle n’était pas occupée à celui du foyer.
Elle poussa un soupir :
— Tu as raison, heureusement que je vous ai, mes enfants, surtout toi et ta sœur, vous êtes des bons gamins. Sans vous…
Ma sœur… La dernière arrivée dans la famille était Lydia, ma petite sœur de huit ans. C’était, avec Grand-Papa, mon deuxième rayon de soleil. Malgré notre différence d’âge, nous avions une très bonne complicité. Je l’aimais tendrement. Elle réussissait bien à l’école et était vraiment mignonne, au point qu’elle n’attirait pas les foudres de mon père, ou du moins, pas encore. On verrait à l’adolescence.
Elle me lança un sourire tendre et discret, auquel je répondis comme un miroir. Elle n’avait pas mentionné mon frère.
Hugo, mon grand frère, avait dix-huit ans et venait de passer son bac et d’entrer à l’université. Nous n’avions jamais été très proches. À part nous chamailler, nous ne faisions presque jamais rien ensemble. Lui était toujours dans des livres sérieux, tandis que moi, je passais mon temps à courir dans les bois. De plus, il écoutait bêtement tout ce que disait notre père. Tous ces ingrédients en faisaient pour moi quelqu’un d’inintéressant et de particulièrement ennuyeux.
Ayant fini de peler mes carottes, je me levai, déposai un baiser sur son front et la serrai dans mes bras. C’était ma maman, une femme courageuse et dévouée, il me semblait injuste qu’elle dut supporter l’homme qu’était mon père. Je ramassai les épluchures, les disposai dans la poubelle à compost.
— Une dernière chose Margaux, tu veux bien jeter un œil à la bouteille de gaz ? Je me demande s’il ne faut pas bientôt la changer.
Il fallait effectivement aller chercher une nouvelle bouteille chez l’épicier dans quelques jours, mais cela pourrait attendre – mon oncle Michel qu’on appelait aussi : le Miche. En général il nous aidait la rapporter à pied jusqu’à la maison.
Dans la famille de ma mère, il représentait la réussite : Il possédait sa propre boutique. Les parents de ma mère ne jouissaient d’aucune fortune. Ils vivaient le plus simplement du monde, et malgré tout, ils étaient heureux. Mon Papi François ancien ouvrier agricole, ne percevait qu’une petite retraite et ma Mamie Marie, faute de diplôme, n’avait exercé que la profession non émunérée de mère au foyer.
Leur maison se situait dans la partie la plus désargentée d’Amalfay, une petite bicoque où ils pouvaient vivre tranquillement leur amour. Papi passait son temps dans son petit potager et Mamie entretenait un jardin de fleurs tout autour de la maison. Nous allions souvent chez eux pour les différentes fêtes de l’année, car c’était une famille plus grande que la nôtre et mon Grand-Papa y avait toujours été le bienvenu.
Mon père n’allait jamais chez eux. Lors des fêtes de famille, nous apportions généralement une partie du repas pour afin de les soulager des coûts. Pour échapper aux remontrances de mon père et à sa pingrerie, nous devions faire ces achats en cachette.
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