2 - Retour au bercail - 3/3

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Lorsque la vérification de la bouteille de gaz fut terminée, je me rendis dans la chambre où était alité mon grand-père. Atteint d’un cancer généralisé au dernier stade, il souffrait le martyre et la chandelle de ses jours se consumait à une vitesse accélérée. Soixante-dix ans restait un jeune âge pour mourir et cette pensée me dévastait. Mon père ne s’en cachait pas : l’héritage arrangerait ses affaires.

Chaque jour, je me rendais au chevet de Grand-Papa pour prendre de ses nouvelles et passer du temps avec lui, afin de l’écouter parler de sa vie et connaître son passé. Je prenais des notes sur un petit carnet dédié à nos entretiens. Mon grand-père était un homme bon qui défendait des valeurs hautement altruistes et tournées vers la nature. S’il avait une fortune, il s’agissait principalement de celle laissée par ma Grand-Mère disparue.

La chambre se trouvait au rez-de-chaussée, ce qui simplifiait son accès. La pièce, de taille modeste, suffisait pour un lit, une armoire, une commode et une chaise sur laquelle je m’assis. Je le regardai, ses yeux fatigués se tournèrent vers moi.

— Te voilà ma petite Margaux, je suis bien content de te voir, me souffla-t-il faiblement.

— Moi aussi mon Grand-Papa, comment te sens-tu aujourd’hui ? répondis-je en lui caressant ce qui lui restait de cheveux.

Il était vraiment très mal.

— Oh, me fit-il d’un air désabusé. C’est bientôt la fin, je le sens.

Alors qu’il disait cela, une larme coula de son œil. Il avait eu un métier passionnant, une bru avec laquelle il s’entendait bien, et nous, ses deux petites filles qu’il aimait tendrement. Malheureusement, il nous laisserait bientôt. Une vague de tristesse m’envahit à l’idée de perdre celui qui me comprenait du regard et qui était un soutien quotidien.

Quelques larmes que je n’essuyai pas décorèrent mes joues. Je savais que sa vie ne serait plus très longue, mais cette évocation rendait l’échéance plus tangible, trop réelle. Le vide qui l’accompagnerait aussi…

Comme s’il avait perçu ma peine et avec sa bienveillance coutumière, il dévia le sujet en me disant d’un air enjoué :

— Raconte-moi plutôt un peu ta journée.

Je commençai alors à lui narrer ma promenade, hormis le rêve, comme vous pouvez l’imaginer. Pendant que je lui contais mes aventures dans la forêt, je voyais son visage s’éclairer, comme s’il oubliait pour quelques instants sa maladie, ses douleurs. Il parcourrait avec moi, ces sentiers qu’il connaissait par cœur. Il sentait le parfum musqué des sous-bois, entendait le ramage des oiseaux et le bruit des insectes. Il vivait, à travers moi, sa forêt.

Quand j’eus fini, il me regarda très attentivement. J’avais l’impression qu’il voulait me dire quelque chose. D’un regard, je l’encourageai à se confier.

— J’ai deux services à te demander, Margaux.

Il avait l’air d’aller un peu mieux. Cet effet se reproduisait toujours lorsque je lui narrais une de mes tranches de vie. Et moi, je me sentais moins seule en la partageant avec lui. J’étais heureuse de pouvoir raviver la flamme dans la prunelle de ses yeux.

J’acquiesçai. Je serais toujours là pour lui.

— Le premier service me semble le plus simple. Ça se fait à partir d’un téléphone, et je n’en ai pas. Pourrais-tu appeler mon notaire Maître Duchêne, et lui demander de venir ?

Jusque-là, la mission apparaissait effectivement facile.

— Mais surtout : il ne faut pas que ton père l’apprenne. Il l’empêcherait d’entrer, j’en suis sûr. De plus, je lui réserve une sacrée surprise sur mon testament et je ne veux pas qu’il le sache, ajouta-t-il avec un clin d’œil. Tu sais, je connais sa cupidité et ses mauvais sentiments.

J’observai son œil rieur, lui aussi aurait pu recevoir le diplôme ès bêtise et farce supérieur, mais avec mention très bien. Après avoir réfléchi un instant, pliée en deux sur ma chaise, le coude droit sur mon genou et ma tête appuyée dans la paume de ma main, je rétorquai :

— Ça ne s’annonce pas si simple ! D’une part, on ne sait jamais quand il va être à la ferme ou pas et il y a le voisinage. Quelqu’un pourrait le voir et lui dire, par exemple Hugues, qui regarde tout ce qui se passe dans la rue, dans sa grande naïveté, serait capable de nous trahir. Nous devons trouver autre chose…

— Je vois que rien ne t’échappe, t’es à la hauteur de la tâche ! T’es bien la petite fille de ton grand-père, tu vas trouver une solution, j’en suis sûr.

— Bien mon Grand-Papa adoré ! Pas de problème, je ferai ça pour toi, je vais activer mes méninges de farceuse et trouver la solution. Tu disais que tu avais deux choses à me demander. C’est quoi la deuxième ?

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