Chapitre 5 - La maison vivante - 1/3
« Pour ceux qui aiment le jardinage »
Environs dix minutes après avoir quitté la clairière, nous en atteignîmes une autre, mais cette fois beaucoup plus vaste. Les lieux recelaient un jardin aux antipodes de ceux de ma connaissance. Décidément, c’était le jour des découvertes ! Même si je n’imaginais pas encore les merveilles que la nature me réserverait durant ma vie, au contact ma sorcière bien aimée.
L’immense potager, savant mélange de plantes en tous genres, s’étendait d’un bout à l’autre de la clairière dans les trois dimensions. Ici, des plantes grimpaient à une arche ; là un pont s’était fait entre une cucurbitacée et un arbuste. Un chemin en pointillé lézardait jusqu’au milieu où s’élevait un tumulus imposant.
Autour de nous, quelques poules picoraient çà et là insectes, vers, grains et légumes du jardin. À ma grande surprise, Sarah ne cherchait aucunement à les empêcher de se régaler de sa propre nourriture.
Je remarquai qu’elle observait avec intérêt mon étonnement face à son œuvre.
— Tu laisses tes poules se balader partout ? Tu n’as pas peur qu’elles mangent tout ou qu’elles s’enfuient ?
— Elles font ce qu’elles veulent, mais elles ont bien compris leur intérêt de ne pas s’éloigner de chez moi, elles disposent du gîte et le couvert ! J’y trouve mon intérêt. Elles fertilisent mon sol, me donnent de bons œufs, et il y a bien assez à manger pour elles et moi !
— Mais c’est super-sympa ! Et tout ce bazar, c’est ton jardin ?
— Oui, mais ne te fie pas au chaos apparent, tout est calculé. Regarde ces champignons là-bas, l’alliance de leur mycélium avec les racines des plantes autour favorise leur croissance mutuelle. Ici, la citronnelle écarte certains insectes. Là, les haricots apportent de l’azote au sol.
— C’est génial ! C’est ce qu’on appelle la permaculture, non ? Certains agriculteurs s’y mettent, je crois, mais je n’ai jamais rien vu de tel.
— Tu as raison, c’est le mot que vous utilisez. Mais chez nous, les sorcières, nous utilisons ces techniques depuis des temps immémoriaux. Nous avons eu le temps d’en apprendre bien plus que les villageois.
Son regard se perdit un instant, comme s’il repartait au fond des âges.
Je remarquai une grosse souche d’arbre à la périphérie, d’où affluaient et refluaient des insectes de manière incessante.
— Et là-bas, qu’est-ce que c’est ? Des abeilles ?
— Tout juste. Elles fertilisent les fleurs et me donnent du miel. Tu t’imagines bien que je ne leur prends que le strict nécessaire.
Elle s’engagea dans le chemin s’enfonçant dans la végétation, je tentai maladroitement de la suivre sans rien écraser. Une porte se dévoila alors sous le tumulus remarqué plus tôt, et je compris qu’il s’agissait de son habitat.
Une structure faite d’arbustes constituait le squelette de la maison. Entre les branches, plusieurs couches de toile grossière recouverte d’une sorte de torchis devaient assurer l’étanchéité et l’isolation de la cabane. Enfin, de nombreuses ouvertures aménagées sur les côtés constituaient autant de fenêtres.
Conquise par la beauté de cette maison vivante, j’en découvris un espace intérieur lumineux, spacieux et confortable.
Deux fauteuils en osier, pourvus de coussins moelleux, nous attendaient.
— Je n’ai pas souvent de la visite, mais un deuxième fauteuil peut parfois être utile, me dit-elle en les désignant, pose ton sac et assieds-toi !
Je restai encore un instant debout à contempler le décor. De nombreuses plantes séchaient la tête en bas, dans le fond de la pièce se trouvait un lit, une armoire. Sur la droite, une petite étagère supportait sa vaisselle et ses instruments de cuisine.
D’autres étagères servaient de stockage pour les différentes préparations conservées dans des pots en terre dûment étiquetés. À l’opposé, un poêle avec son tas de bois, servait de cuisinière autant que de chauffage.
Le mobilier était constitué à partir de branches bien droites et de rondins, le tout relié par de la cordelette.
Sarah se saisit d’une théière en terre qu’elle remplit d’eau, puis la déposa sur le poêle. Ensuite, elle ajouta quelques bûchettes dans le feu.
— Ça ne fait pas très longtemps que je l’ai, dit-elle en désignant le poêle, les gens du temple de la mère Universelle me l’ont offert. Je me suis résolu à l’accepter, bien que j’hésite à utiliser toute technologie. Quelques outils m’assurent également un certain confort : une scie, une hache. Je nous prépare une tisane !
Je n’osai pas dire non, ne voulant pas blesser ma si charmante hôtesse, mais dans mon idée, les tisanes étaient faites pour les vieux.
Je posai mon sac contre l’un des fauteuils et m’y assis.
— Oh ! On est bien ici !
J’appréciai le confort ainsi que la chaleur des coussins de plumes.
Ma remarque déclencha chez elle un sourire satisfait. Elle était contente de faire plaisir à son invitée. Elle prit enfin place en face de moi.
— Tes coussins sont super chauds, et doux !
— Encore un bienfait de mes poules, quand l’une meurt, j’utilise ses plumes ! Nous voilà installées, nous pouvons régler notre problème de communication !
Elle approcha son siège du mien.
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