6 - Le temple de la Mère Universelle - 2/3

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Il était seize heures, encore deux heures avant le rendez-vous.

Chemin faisant, je lui racontai ma journée avec Sarah.

— Eh bien, je suis impressionné ! Elle t’a donné son amitié en quelques heures alors qu’il m’a fallu des années pour gagner la confiance d’Elizabeth ! C’est un record !

— Certainement parce que ce n’est pas la même personne.

Je m’arrêtai un instant pour déloger un caillou sous le fauteuil.

Dans cette position, je ne pouvais distinguer son expression, mais je sentis une certaine malice quand il demanda :

— Ou peut-être que tu lui plais ?

— Qu’est-ce qui te fait dire ça ? Tu sais quelque chose ? Elle court après toutes les filles ?

Tout en repartant après avoir enlevé le caillou, je sentis mon cœur battre plus fort. M’aurait-elle menti en me faisant croire qu’elle n’avait aimé qu’une seule personne ? Elle avait l’air tellement sincère, mais ces paroles me firent douter.

— Elle m’a confiée qu’elle était attirée par les femmes, mais elle n’est ni une fille facile ni une séductrice. Je ne lui ai jamais connu d’aventures. C’est une personne pure et fidèle, autant en amitié qu’en amour.

— Ah bon, tu me rassures, mais on parle bien de Sarah, pas d’Elizabeth ?

À cette remarque, il ne répondit que par un petit « oui » discret. Ce oui me semblait un peu hasardeux. Une idée me traversa la tête.

J’avais désormais un autre point à élucider.

— Sarah m’a dit quelque chose sur ma grand-mère. Elle a disparu, tu as été accusé de son meurtre, puis relaxé, résumai-je.

— Ça a été terrible ! Soit notre couple n’allait pas bien, elle s’était vite révélée très différente de ce qu’elle paraissait au début. Malgré nos oppositions, j’ai été dévasté quand j’ai appris sa disparition. Où est-elle passée, est-elle toujours vivante ? Ces questions hantent toujours mes pensées.

« Mais lorsque l’on m’a accusé de son meurtre, ça a été pire que tout. Tu ne peux pas t’imaginer ce que c’est. Te voir rouler dans l’infamie. Tes proches te regardent de travers ! Ceux qui le sont moins t’évitent… Heureusement qu’il y avait Elizabeth, son amitié m’a maintenu hors de l’eau. Et étonnement, ta mère, que je connaissais à peine à l’époque, a été d’un grand soutien. Quant à mon fils, Pascal, je te laisse deviner.

« Désolé, je ne t’en ai jamais parlé, je n’arrivais pas à trouver la force.

— Et tu nous a accueillis chez toi !

— Ce n’était pas pour lui, mais pour toi, Hugo et ta mère, et aujourd’hui pour Lili.

Après sa révélation, un silence s’installa entre nous, nous chacun plongé dans ses pensées.

Lorsqu’on approcha du centre du village, je lançai :

— Ça te dérange si on passe en vitesse chez le Miche, j’ai quelque chose à lui demander. Le nom de Sarah, c’est bien Hildoras ?

— C’est bien ça, ma p’tite Margaux, Sarah Hildoras.

Mon oncle Michel était marié avec Stéphane Lecomte, un gars plutôt sympa. Il était journaliste, le seul du village comme on peut s’y attendre dans une commune de moins de deux mille habitants. Il abreuvait la presse de la région d’articles sur la vie du village.

Steph, n’étais pas originaire d’Amalfay, ni même de la région. Il était arrivé un peu par hasard, en voyant une offre d’emploi. La mairie de l’époque souhaitait qu’un professionnel couvre les événements locaux en collaboration avec le journal régional. Comme il sortait de l’école de journalisme, il avait accepté de parcourir de nombreux kilomètres pour s’installer dans ce petit coin perdu de la campagne. Au moins il disposait d’un emploi stable.

Il aurait sans doute fini par repartir au bout de quelques années, après avoir acquis un peu d’expérience s’il n’avait pas rencontré mon oncle et qu’ils s’étaient mariés.

Il s’occupait des initiations religieuses, mariages et enterrements, mais aussi les remises de médailles, inaugurations et maintes petites manifestations en tout genre. Parfois lorsqu’il avait de la chance, il pouvait travailler sur un fait d’importance et n’hésitait pas à enquêter. Un jour peut-être vivrait-il son heure de gloire, il le méritait. Mais il ne passerait jamais outre sa déontologie pour y parvenir.

Je n’avais aucun doute sur Sarah ni sur sa sincérité. Cependant, un mystère planait sur son identité.

Pourquoi Maman, qui connaissait Elizabeth, n’avait-elle jamais croisé Sarah qui disait la connaître ? Et qu’était Sarah pour Elizabeth ? Dans ce lien mère-fille, quelque chose ne sonnait pas juste.

Grand-Papa n’avait rien dit, mais ses explications semblaient floues.

Je déboulai donc dans la boutique :

— Salut Miche ! Stéphane est en haut ?

— Oui, il doit travailler sur un article !

— Je monte, je te laisse la garde de Grand-Papa.

Sans lui laisser le temps de donner son assentiment, je grimpais déjà dans les escaliers qui conduisaient à leur appartement. Ici, je ne me gênais pas, j’étais comme chez moi. Je trouvai Stéphane à son bureau en train de travailler. C’était un homme à la tignasse chatain-clair, d’une quarantaine d’années, la barbe bien soignée, des lunettes aux branches épaisses et noires, une pipe fumante à la bouche.

— Salut Steph !

Levant les yeux de son ordinateur, il me regarda par-dessus ses lunettes :

— Salut Margaux, que me vaut le plaisir de ta visite ? J’imagine que tu ne viens pas juste pour me faire la conversation.

Effectivement en temps normal, même si nous entretenions d’excellents rapports, je ne serais pas montée dans son bureau lorsqu’il y travaillait.

— Je voudrais savoir quelque chose, est-ce que tu pourrais chercher pour moi des renseignements sur une famille du nom d’Hildoras. Dans les vieux journaux… Je ne doute pas que tu aies tout ce qu’il faut dans tes bases de données.

Après avoir tiré sur sa pipe en écoutant, il la sortit de sa bouche pour me répondre :

— Il te le faut pour hier, n’est-ce pas ? Toujours les mêmes, les patrons, dit-il en riant. Je t’envoie ça par courriel ou par texto ?

— Par e-mail, pour ce genre d’info, comme ça je pourrai les garder dans un coin. Merci Steph !

Après avoir pris congé poliment, je redescendis à toute vitesse les marches qui menaient au magasin.

— Vous allez loin ? Me fit mon oncle.

— On va au temple de la Mère Universelle.

— C’est que ça monte pour y aller. Tu vas y arriver avec le fauteuil, Margaux ? Tu ne veux pas un coup de main ?

Laissant ma fierté de côté, j’acquiesçai.

— C’est vraiment gentil, Miche, je crois que ton aide ne sera pas de trop.

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