9 - Enquête à l’hôpital - 1/3
Je passai voir Steph sur le chemin du retour. J’entrai donc dans la boutique du Miche et le saluai, pleine d’entrain :
— Hello, ça va ?
— Tu m’as l’air bien joyeuse aujourd’hui. Comment va ton grand-père ?
— Eh bien, je viens justement te voir à son propos. Figure-toi qu’il va beaucoup mieux !
— Tu sais, il y a parfois des périodes de soulagement au cours d’un cancer, il ne faut pas se réjouir trop vite Margouillette !
Ne riez pas, c’est le surnom qu’il me donnait quand j’étais petite et ça ne lui avait pas encore complètement passé.
— Je te le dis. Mais garde-le pour toi, tant que ce n’est pas prouvé. On pense que Grand-Papa n’a jamais eu de cancer, et que le médecin qui l’a diagnostiqué est un pourri.
Il me regarda d’un air incrédule :
— Mais c’est impossible !!!
— On fera bientôt la lumière sur cette affaire et je te prouverai que c’est vrai ! Je peux aller voir Steph ?
— Tu sais où est le bureau !
J’avalai la rangée de marches et débarquai dans le bureau de Steph.
— J’ai une affaire pour toi. Dis-je de but en blanc.
— Bonjour Margaux…
— Pardon Steph ! Bonjour. Je suis si enthousiaste que j’en oublie les politesses. Bon voilà, je voudrais que tu fasses analyser ce cachet, si c’est possible. Dis-je en le sortant de ma poche, toujours emballé dans son cluster. On pense qu’il contient de l’arsenic.
Il me regarda gravement.
— D’où te proviennent ces idées saugrenues ? Qui est “ on ” et d’où vient ce cachet ? Tu m’expliques ?
— Euh, oui, chaque chose en son temps. Désolée, je te parle dans la précipitation. Je suis trop excitée.
Je m’assis sur un siège, entortillant mes doigts et tentant de me calmer.
— Alors voilà l’histoire. Je ne peux pas tout te dire, tu sais, je suis comme les journalistes, j’ai mes sources…
« Grand-Papa s’est mis à aller beaucoup mieux depuis qu’il a quitté la maison, comme une rémission inespérée.
« Une personne que je connais l’a examiné, et assure qu’il n’a pas de cancer et qu’il n’en a jamais eu. Tu peux me croire ou pas, mais nous allons faire des tests officiels et le prouver.
« Cette personne a examiné les différents médicaments qu’il utilise, la plupart sont des placebos. Mais une boîte particulière a attiré son attention, et elle affirme que cette pilule contient de l’arsenic.
— C’est complètement aberrant, comment une personne peut-elle remettre en cause les résultats d’un laboratoire, juste sur une intuition ?
— C’est plus qu’une intuition, mais je ne peux pas t’expliquer.
— Je n’y crois pas, tu es tombée sur un charlatan.
— Eh bien, fais analyser ce cachet et alors nous saurons, ce sera prouvé ou non. Et si c’est vrai, tu pourras publier un papier.
— Et si ce n’est pas exact ?
Pour le coup, il avait l’air agacé, le Steph.
— Qu’as-tu à y perdre ?
— Quatre cents balles.
— Oui, je comprends, je n’avais pas examiné la question sous cet angle-là. Eh bien, si ça ne marche pas, je te rembourse, et nous saurons que nous avons affaire à un imposteur. Mais je n’y crois pas, car cette même personne m’a encouragée à faire l’analyse. Un charlatan le ferait-il ?
« Et nous allons également prendre un rendez-vous pour prouver que Grand-Père n’a pas de cancer. D’ailleurs, lundi, je pars à Brivorest pour faire mon enquête sur ce soi-disant médecin.
— OK, dans ce cas, je marche. J’enverrai la pilule au labo en fonction de ce que tu auras trouvé à l’hôpital. Tu sais, les journalistes ne sont pas milliardaires… Alors des analyses comme celle-ci… Enfin, je pourrai me faire rembourser si les résultats sont positifs. Sinon, je ne vois pas comment le justifier. Tu m’embarques dans de sacrées histoires, toi !
« Pense à enregistrer la discussion lorsque tu feras ton enquête. Je serai curieux d’entendre les entretiens. Et peut-être que la police aussi, si jamais…
« Au fait, cette histoire a quelque chose à voir avec cette fameuse Sarah Hildoras ?
Je réfléchis à ce que j’allais répondre, ne voulant pas compromettre Eorelle, et dis simplement d’un plus sec que souhaité :
— Pas du tout !
Puis je radoucis mon ton, me faisant presque suppliante :
— Oublie cela, tu veux bien ? Fais comme si je ne t’avais jamais rien demandé à propos de Sarah. En te faisant cette requête, j’ai trahi un secret qui ne m’appartient pas.
— Tu es bien mystérieuse, Margaux. Ça ne va pas être facile, mais je te promets d’essayer d’oublier.
— Et de ne jamais en parler à personne à moins que je ne lève le tabou.
— Et de ne jamais en parler à personne à moins que tu ne lèves le tabou.
— Bien ! »
Nous discutâmes encore un instant, puis je pris congé du Miche et quittai la boutique.
Arrivée chez moi, je me dirigeai droit à la cuisine et relatai toute l’histoire à ma mère pendant que nous travaillions. Le plus tranquillement du monde, je sortis les herbes d’Eorelle en lui expliquant à quoi elles allaient servir et d’où elles provenaient. Nous ne retînmes pas notre hilarité.
Lorsque les pâtes à la sauce bolognaise, agrémentées de la préparation, furent prêtes, je me proposai de le porter moi-même dans le salon. Digne comme une princesse, j’avançai dans la pièce en poussant mon chariot, le visage impassible, sans même le début d’un rictus. J’espérais bien que la cible s’endormirait dans le salon en regardant la télévision, je pourrais ainsi trouver les clefs sur lui et fouiller la chambre tout à loisir.
— Le repas de sa majesté est servi, annonçai-je, et je fis demi-tour.
Il me regardait, hébété devant l’absurdité de la scène.
Le repas, pris avec ma mère et ma sœur se déroula au milieu d’une conversation agréable, ponctuée de nos rires. Cependant, je gardai l’oreille dressée, à l’écoute du moindre ronflement en provenance du salon.
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