9 - Enquête à l’hôpital - 2/3
Moins d’une heure plus tard, nous entendîmes distinctement la voix de mon père :
— Je vais me coucher !
Toutes les trois, nous répondîmes à l’unison :
— On s’en fiche !
Nous entendîmes ensuite quelques grommellements et nous pouffâmes de rire. Ce n’était peut-être pas aimable, mais il l’avait bien mérité. Toutes ces années d’humiliations et de brimades étaient révolues.
Il entra dans sa nouvelle chambre et je distinguai clairement le bruit de la grosse clef qui tournait dans la serrure.
Par sécurité, nous laissâmes encore une heure s’écouler et, après avoir emmené Lili se coucher, ma mère et moi examinâmes la serrure de la porte en question.
Après quelques minutes de désarroi, je me remémorai des séries, dans lesquelles les héros devaient accéder à des serrures fermées à clef. La plupart utilisaient des passe-partout ou des épingles à cheveux. J’aurais bien voulu les voir en une situation réelle !
Nous étions en présence d’une grosse et ancienne serrure avec une clef à moitié tournée de l’intérieur. Dans les films, ils utilisent la technique de la feuille de papier qu’on glisse sous la porte. Cela tombe au bon endroit, et il n’y a plus qu’à tirer pour récupérer le tout. Encore faut-il qu’il y ait assez de place sous la porte.
— Comme dans MacGyver ! s’exclama Maman en pouffant.
— Chhhut… C’est quoi MacGyver ?
— Un gars dans une série, il bricolait toujours des trucs à partir de trois fois rien.
Les ronflements sonores s’échappant de la chambre couvraient nos petits bruits, mais nous n’en menions pas large.
Maman se chargea d’aller chercher une feuille qu’elle glissa sous la porte, puis je tentai de faire tomber la clef au moyen d’un petit couteau de poche que j’avais toujours sur moi quand je partais en forêt. Hélas, comme elle était à moitié tournée dans la serrure, il me fut impossible de la récupérer.
— Et là, il ferait quoi, MacGyver ? demandai-je pour la forme.
— Ben, je sais pas. Il faisait des trucs scientifiques. Alors qu’est-ce qu’on a ? Une grosse clef en fer.
— Un aimant ? En trouver un avec cette forme-là… Ça ne me semble pas bien évident.
— Un tournevis aimanté, fit ma mère.
— Bingo !
Nous étions vraiment deux grandes gamines.
Dans la grange, je farfouillai dans le capharnaüm sur l’établi de mon père et y trouvai plusieurs tailles de tournevis, tous aimantés. J’en saisis deux ou trois de tailles différentes que je fourrai dans mes poches et gardai le plus petit en main.
Je retournai à la pièce de ferronnerie. La maniabilité de l’outil me fut bien plus utile que son aimantation : la lame de couteau, toute fine qu’elle fût, ne m’aurait jamais permis de trifouiller la serrure de cette manière. J’attrapai le bord de la clef, la fis tourner et… cling, elle fut au sol. Trop forte, la fille ! Malheureusement, lorsque nous retirâmes le papier, nous constatâmes qu’elle n’était pas tombée dessus, mais à côté. Elle avait dû rebondir.
J’allais abandonner lorsque ma mère eut l’idée d’utiliser une règle. Je me rendis dans ma chambre pour en chercher une dans mon cartable. Heureusement, la porte était ancienne et le jour en dessous était suffisamment important. La récupération fut une formalité.
Entrant dans la chambre avec précaution, nous ouvrîmes le tiroir, et nous le vidâmes délicatement de son contenu, retenant notre souffle à chaque mouvement.
Impossible de refermer la clef dans la porte, mais tant pis. Nous la remîmes tout de même dans la serrure, vers l’intérieur, comme elle était auparavant. S’il s’en aperçut, je ne le sus jamais.
Ma mère et moi retournâmes dans la cuisine où nous fûmes prises d’un terrible fou rire, nos nerfs se relâchaient. Je sus que désormais, nous resterions toujours complices.
— Faudra que tu me montres des épisodes de MacGyver !
— Il doit y en avoir sur les plateformes de vidéo. Attends, j’ai mon portable. Tu vas voir. En plus, il était beau ! Bon… j’imagine pour toi que son apparence physique t’importe peu.
Nous cherchâmes un épisode. Nous prîmes celui avec les fourmis légionnaires. Il avait bien marqué l’esprit de ma mère. Je trouvai le héros plutôt ringard avec sa coupe mulet, mais l’épisode était angoissant à merveille. Nous restâmes un bon moment toutes les deux à rigoler comme des folles.
De retour dans ma chambre, je cherchai l’ordonnance, son entête me révéla le nom du Docteur Maribaud. J’en fis une photo et en envoyai une copie à Steph et à ma mère. Malheureusement, ni Eorelle, ni Éléonore, ni Grand-papa n’avaient de téléphone portable.
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