9 - Enquête à l’hôpital - 3/3
En me réveillant le lundi matin, j’entendis l’eau battre les tuiles. Désespérant ! Six heures venaient de sonner et je devais me hâter : le bus ne m’attendrait pas.
Ce jour-là, il était prévu que je ne verrais pas ma belle pour mon cours de botanique, car je devais remplir ma mission. Je me demandais bien ce qu’Eorelle pensait du mauvais temps, elle qui vivait dans la forêt, dans une cabane à peine isolée de la pluie. Et en hiver, que vivait-elle ?
Avant de partir, je pris ma veste coupe-vent munie d’une capuche, ainsi que des chaussures adaptées et partit en direction du bus scolaire qui m’emmènerait à Amalfay. Les autres élèves me pressèrent de questions : pourquoi n’étais-je pas venue en cours jeudi et vendredi ? Avais-je été malade ? Que s’était-il passé ?
Ils m’énervaient et je n’avais pas envie de leur répondre. Mais pour les faire taire, je lançai :
— Je quitte l’école, j’en ai assez. Ça ne sert à rien.
Puis je leur présentai mon dos. Ils finirent par me laisser tranquille.
Arrivée devant le lycée, je dus descendre, pour cause de terminus, et marcher un quart d’heure sous cette pluie battante.
Au bout d’une heure, le bus pour Brivorest arriva enfin. Dégoulinante, je montai à l’intérieur, payai mon billet, et choisis une place où je pourrais être seule. Une fois assise, j’ouvris mon coupe-vent. Comme je m’y attendais, la pluie avait traversé l’imperméable. Je devrais en demander un neuf. Quelle poisse !
Deux heures plus tard le bus arrivait à destination. Je ne connaissais pas bien cette ville où mon frère étudiait, aussi avais-je emmené un plan et cherché sur internet l’emplacement précis de l’hôpital et les moyens de transport en commun avec lesquels je pourrais m’y rendre. Mon téléphone pourvu d’un GPS, me permettrait une orientation plus aisée.
Les rues bondées de piétons, vélos et engins motorisés en tous genres me donnaient une impression de tournis, j’évoluais dans une ambiance totalement étrangère. Au village, l’on voyait de temps en temps un tracteur, des bicyclettes et quelques autos par-ci, par là. À Antalvay, plus de véhicules circulaient, mais rien à voir avec cette grande ville. J’avoue que j’étais un peu perdue au milieu de ce trafic.
Je soufflai un moment pour me reprendre. Une fois l’esprit clair, je m’orientai vers le bus en direction de l’hôpital. L’expérience n’était pas des plus agréable, il fallait se serrer les uns contre les autres avec seulement la place pour respirer. Arrivée sur place, l’hôpital se dressait devant moi, un ensemble de grandes bâtisses. J’entrai dans le premier bâtiment et demandai mon chemin. On m’indiqua le bâtiment C, quatrième palier, service d’oncologie.
Me perdant dans les couloirs, je finis par arriver au bon endroit, salle C407. Comment y entrer, et qu’allais-je y trouver ? Que dirais-je à ce type pour essayer de le confondre ? C’est drôle, moi qui suis toujours prévoyante, j’avais eu plus de trois heures de voyage devant moi pour réfléchir et je n’y avais pas réfléchi. Mes seules pensées avaient été pour la pluie qui tombait, mon grand-père malade et j’imaginais mon Eorelle réfugiée dans sa cabane ou trempée comme une soupe. La pauvre !
Mais une enquêtrice compétente, tout comme une bonne farceuse, devait savoir improviser à tout moment. Je me rappelai le conseil de Steph et activai l’enregistreur de mon téléphone. J’ouvris la porte. Et là, je ne vis qu’une salle vide : pas un chat, ni même un meuble. J’examinai le sol, et je remarquai cependant des marques au sol qui indiquaient un déplacement de mobilier.
Comme je me rappelai que j’enregistrais, je consignai mes découvertes de manière très professionnelle, en tous les cas, comme dans les séries télé.
Je coupai l’enregistrement, sortis de la salle, et rappuyai sur le bouton pour en recommencer un autre. Je cherchai une infirmière que je ne tardai pas à trouver. Une femme d’un certain âge, un peu d’embonpoint, un visage franc et ouvert. Elle m’inspira confiance.
— Bonjour, j’ai rendez-vous avec le docteur Maribaud, salle C407. Mais elle est vide…
— Bonjour mademoiselle, le docteur Maribaud ne travaille plus ici. Heureusement pour vous d’ailleurs.
Je n’eus pas beaucoup à insister pour avoir plus de renseignements. Par chance, j’avais dû tomber sur une pipelette.
— Comment cela ?
— Eh bien… Figurez-vous qu’il a été renvoyé !
Je tombai des nues.
— Mais… j’ai rendez-vous, moi ? Que s’est-il passé ?
Elle se rapprocha de moi et me dit sur un air conspirationniste :
— Il avait de très mauvais résultats. Des gens sont morts sans raison apparente. On a trouvé des dossiers falsifiés, des patients sains se sont vu diagnostiquer des cancers. Heureusement que les journaux ne s’en sont pas mêlés, ç’aurait fait un scandale !
Elle m’aurait certainement déballé plus de choses si un médecin qui passait par là ne l’avait subitement appelée avec une mine renfrognée.
Je la remerciai rapidement avant qu’elle ne s’éloigne. Je n’apprendrais rien de plus en restant là. Et pourtant, c’était déjà beaucoup !
J’envoyai immédiatement l’enregistrement audio à Steph.
En sortant des lieux, je resserrai mon imperméable : la pluie tombait toujours. Cependant, après les informations que j’avais acquises, elle pesait moins sur mes épaules. J’avais trouvé quelque chose qui ferait du bruit. Ou du moins… je l’espérais.
Il était onze heures trente lorsque j’atteignis le centre de Brivorest. Le bus pour Antalvay ne partant qu’à treize heures, j’allai me commander un kebab avec des frites dans un restaurant turc où l’on pouvait s’asseoir. J’allais croquer dans mon sandwich à pleines dents quand une petite sonnerie m’indiqua la réception d’un SMS :
Steph : « T’as du flair gamine, tu serais une bonne journaliste. »
Margaux : « Comment ça, tu as déjà des nouvelles des analyses ? »
Steph : « Non ! Je dis ça par rapport à ton enregistrement. Les analyses ne sont pas encore parties, mais avec l’ordonnance couplée à l’enregistrement, je n’aurai aucun mal à justifier l’envoi. Figure-toi que ce médicament n’existe pas, j’ai cherché. On devrait recevoir des nouvelles en fin de semaine prochaine. »
Steph : « Je vais continuer l’enquête, si je peux trouver à quoi ressemble ce médecin et si on peut le retrouver… Ça ferait un article pour France 3 aux régionales, ou peut-être même France 2 ! Surtout avec l’hôpital qui a complètement déconné en l’embauchant. En plus la police gagnerait un temps précieux avec nos trouvailles !»
Steph : « Bises, merci de m’avoir fait confiance »
Margaux : « Bises. Je te dois bien ça ! »
Le kebab était le meilleur du monde, une viande bien croustillante, une bonne sauce… Le pain aussi ! Je crois que la petite conversation avec Steph m’avait donné du baume au cœur et me faisait voir les choses toutes en rose.
Mon cerveau recommençait à fonctionner même si la pluie s’aggravait et que mon coupe-vent continuait à prendre l’eau.
Margaux « Mon grand-père n’est pas le seul patient à avoir été victime du Docteur Maribaud. Tu l’as bien compris »
Steph : « Oui, tout à fait »
Margaux : « Faut que tu trouves d’autres victimes, si certaines veulent porter plainte… »
Steph : « Tout juste gamine, tu ne veux pas faire mon métier à ma place ? Ce serait plus direct ! ;-) »
Steph : « En tout cas merci, tu es intelligente et pleine de ressources, félicitations ! »
Margaux : « Merci, bye ! »
Je rempochai mon téléphone, toute fière de moi. Dans trois heures, je serais de retour à la maison… Pour meubler l’attente cet instant, je me rendis sur mon site favori avec ma liste de lecture en ligne. Mes auteurs favoris avaient publié des nouveaux chapitres de leurs œuvres :SevKergelen, un des « voyages magiques de Gisèle » ; ThomasRollini, « L’extraordinaire secret de Justin » ; Marco O’Chapeau un petit poème amusant ; Opale Encaust, « La part d’imaginaire » ; Ellana Caldin « Trois ou merde » ; Unpuis, « L'histoire d'Amset et Orbia » ; Valériane San Felice, « Les Terres d'Agdistiae » ; M. S. Laurans, « Quand passe la sentinelle » ; Queen_Butterfly «Miss Méduse » ; Marie-lune « Fée Arwenne » ; Sortilège, « Pioupiou »
Nda : J’ai mis les gens dans l’ordre dans lequel je les ai connus et lus, pas par préférence, ça n’aurait pas été sympa.
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