11 - Retrouvailles mouvementées - 1/3
« Pour ceux qui aiment la bagarre ! »
Quand nous arrivâmes en vue de la clairière, je pus y distinguer une grande agitation. Nous nous approchâmes à pas de loup et Eorelle me désigna un point d’observation. Elle avait l’expérience suffisante pour repérer immédiatement ce genre de choses. Bien cachées et un peu en hauteur, nous pûmes contempler la scène.
Je dus me frotter les yeux pour être certaines de ce que je voyais. Des monstres aux muscles saillants, à la peau olivâtre hauts comme des basketteurs et large comme des rugbymen.
Leurs faces, à la gueule garnies de crocs saillants, respiraient la haine pure. Quatre d’entre eux, armés à la mode médiévale, portaient haches et sabres. Trois autres arboraient des fusils d’assaut semi-automatiques en bandoulière. D’épaisses cuirasses et des casques de métal les protégeaient. Deux d’entre eux se livraient à une rixe, le restant les encourageait en ricanant grossièrement.
Mais au fond de la clairière, la présence de prisonniers serrés les uns contre les autres nous glaça le sang.
L’horreur de la situation nous terrassa, quand, au fond de la clairière, nous découvrîmes des enfants du village, serrés les uns contre les autres et au regard terrorisé. Des prisonniers. Mais mon cœur se serra lorsque, parmi les visages, je reconnus ma petite sœur. Ma main se referma, crispée sur celle d’Eorelle.
— Lili !
Stupéfaite, je ne pus m’empêcher de murmurer son prénom.
Eorelle, plaqua précipitamment sa main sur ma bouche, puis sentant ma détresse me serra contre elle.
— Viens un peu plus loin, me chuchota-t-elle à l’oreille.
Elle m’entraîna assez loin afin de pouvoir échanger.
— Ma petite sœur, les enfants que va-t-on faire ?
Je pleurais à chaudes larmes, Eorelle se contrôlait, mais l’émotion sur son visage ne mentait pas.
— Je te promets qu’on fera tout ce qu’on peut pour les sortir de là. Les pauvres gosses.
Elle secoua la tête, dépitée.
— Ce sont des orcs, Margaux, ça ne rigole pas. L’odeur et les informations que l’écureuil m’avait communiquées me l’avaient laissé penser, mais je ne voulais pas y croire. Je n’en avais pas vu depuis à peu près deux millénaires, à l’époque où j’ai perdu Allamarielle.
Nous nous tenions les mains très fort.
— Des orcs ?
— Ils ont été créés à partir d’humains, par un de leurs dieux mauvais, aujourd’hui bannis. Si quelqu’un le prie encore, c’est dans l’illégalité. Ce sont des combattants redoutables, peu intelligents, mais entièrement voués à la destruction d’autrui.
— Et qu’est-ce qu’ils vont faire des petits ?
— Ils auraient pu les prendre pour les manger. Mais je n’y crois pas, ils seraient morts à l’heure qu’il est. Le plus vraisemblable est qu’ils ont un commanditaire, ce sera notre chance pour avoir du temps !
J’avais l’impression d’être sur une autre planète. J’étais angoissée pour les enfants, et surtout ma sœur et je refusais que l’on ne puisse rien y faire. Eorelle saurait !
— Dis-moi, t’as un plan ? On pourrait les empoisonner ?
— Peut-être… Le danger avec le poison, c’est que s’ils veulent nourrir leurs prisonniers… Je vais déjà alerter mes amis elfes les plus proches, ils habitent à peu près à deux heures de marche.
— Deux heures ? Qui sait ce qui peut arriver pendant ce temps-là ?
— Fais-moi confiance. À deux, on ne fait pas le poids. Éloignons-nous, je dois envoyer un faucon.
— Attends, je dois empêcher Bastien de se faire prendre, j’y vais.
Elle hésita un instant.
— D’accord, vas-y il n’y a pas le choix. Mais sois prudente, leurs sens sont affûtés.
Je commençai à contourner la clairière, je l’entendis pousser un cri, semblable à ceux des oiseaux de proie. Quand j’arrivai enfin sur le chemin d’Amalfay, Eorelle avait disparu de ma vue.
J’avançai rapide Tout à coup, j’entendis un cri rauque et puissant derrière moi. Un orc immense m’avait repérée et fonçait dans ma direction, une lance à la main. N’écoutant que ma couardise, je me mis à courir droit devant moi afin de lui échapper. Mais il était bien plus rapide que moi, il se trouvait encore à plus de cent mètres, lorsque je vis Bastien qui marchait tranquillement à ma rencontre.
Croyant que je me précipitais vers lui, il se mit à courir vers moi, tout joyeux. Jusqu’à ce qu’il le vît. Il se pétrifia. Je devais agir pour qu’il ne soit pas la prochaine victime de l’orc. Arrivée à la hauteur de mon ami, je fis face. C’est alors que la créature jeta sa lance sur nous. Je fis un saut de côté bien inspiré. Le dard se planta profondément dans le sol juste à l’endroit où je me tenais moins d’une seconde auparavant. L’orc ralentit légèrement, le temps de dégainer une hache accrochée dans son dos.
Sorti de sa torpeur, Bastien ramassa une grosse pierre et la jeta. J’enchaînai en lançant une autre. Le monstre prit celle de mon ami dans le torse, mais il ne ralentit pas. Il reçut la mienne en pleine face, décélérant dans un premier temps, il repartit de plus belle sa puissance et sa rage stimulées par nos attaques.
Bastien s’était à nouveau armé d’une pierre, mais il ne fût pas assez rapide pour la jeter avant l’arrivée du monstre. Au dernier moment alors qu’il allait fondre sur nous, je plantai la lance d’Alamarielle dans le sol, la pointe en direction de son torse. Incapable de ralentir, l’orc s’empala sur l’arme, planté par sa propre force.
On aurait pu croire que tout allait s’arrêter là. Mais dans un dernier sursaut, il décocha un coup de hache à Bastien, le blessant au bras. Je tenais péniblement mon arme à deux mains pour immobiliser cette abomination, qui tentait encore de nous frapper. Son sang noir bouillonnait de sa blessure. Il nous regardait, une lueur meurtrière dans les yeux. Cette image revint encore longtemps dans mes cauchemars.
Lorsqu’il finit par basculer sur le côté, exsangue, je manquai de tomber avec lui, suivant comme je pouvais le mouvement de ma lance. J’étais horrifiée, mais je tenais bon.
Cette arme t’appartient désormais, je te la donne, fit une voix douce dans ma tête. Alamarielle ? Elle vous protégera, toi, Eorelle et tous ceux que tu défendras. Je regardai partout autour de moi, mais ne vit personne.
Je me tournai vers Bastien qui n’avait rien compris à ce qui lui arrivait. Je me penchai vers lui pour voir sa blessure. L’entaille à son bras saignait, mais je n’aurais su dire sa profondeur.
— C’était quoi, ça ? Scherk ? tenta-t-il de plaisanter. Je le voyais plus sympa quand même ?
— C’était un orc, qui voulait notre peau. Il y en a d’autres là-bas. Ils ont Lili et d’autres gamins du village.
Mon ami n’avait pas l’air d’intégrer toutes les informations.
— Je vais essayer de te faire un bandage.
Je tirai mon couteau de ma poche et découpai une manche de son sweet et la nouai autour de son bras., mais alors que je finissais de lui mettre, il tendit maladroitement son visage vers moi comme pour m’embrasser. Je reculai vivement et lui plaquai ma main ouverte sur le visage.
— Qu’est-ce que tu fais, imbécile ?
— Ben, je croyais que c’était ce que tu voulais ? Non ? Tu étais jalouse de Romane, alors je me suis dit que tu avais envie sortir avec moi.
Il se raccrochait aux seules informations à peu près cartésiennes que son cerveau pouvait exploiter. Je me mis à rire à gorge déployée.
— Tu te fous de ma gueule en plus ! râla-t-il.
— J’aime les femmes, pas les hommes, ce n’est pas d’elle dont j’étais jalouse, mais de toi andouille !
Pendant un instant, il eut regard éberlué. Puis reprenant un peu ses esprits, il se mit à rire franchement tout en tenant sa blessure.
— Ah ! je comprends mieux pourquoi tu me faisais la gueule. Je croyais… Et après, je t’évitais parce que je ne voulais pas sortir avec toi. Et puis là, tu viens de me sauver la vie, alors je me suis dit que… pour te remercier…
« Bon ben, sans rancune ? il me tendit sa main valide. En tout cas, ça me rassure, on peut redevenir potes.
Je topai.
— C’est du passé mon vieux. Maintenant, j’ai quelqu’un qui m’aime. Viens avec moi.
— On va où ?
Revenant à la réalité, mon sourire disparut.
— Retrouver mon amoureuse, et aussi, accessoirement essayer de sauver les gamins… et ma Lili, dis-je les larmes aux yeux. Mais d’abord, je vais laver ma lance. Il me l’a polluée.
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