11 - Retrouvailles mouvementées - 2/3

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L’adrénaline retombant, je pris enfin la mesure de mes actes. J’avais fait couler le sang, planté une arme dans un être vivant et il en était mort. J’avais pris une vie, mais considérant les circonstances, je ne sentais pas la culpabilité m’envahir. Il s’agissait d’un monstre sanguinaire et j’avais agi en légitime défense en nous protégeant, mon ami et moi-même. Je réitérerais ce geste, pour sauver ma petite sœur, les enfants du village et s’il le fallait pour d’autres encore.

Margaux, la voix dans ma tête, celle d’Alamarielle, réapparaissait. N’aie pas peur. Je n’ai pas beaucoup de temps, j’ai seulement un message à te transmettre. Aime Eorelle, comme elle le mérite, elle a droit au bonheur avec toi. Prends soin d’elle. Je ne suis plus là, alors je te laisse prendre le relais. Si j’y parviens, je pourrai parfois être là avec toi, dans le danger…

Au cours du message, la voix diminua pour disparaître complètement à la fin.

Alors que je trempais mon arme dans la Doucerive, regardant ce sang noir et impur qui souillait l’eau claire, nous vîmes six orcs venant du village, probablement une patrouille. Nous nous serions volontiers cachés, mais ils nous avaient apparemment déjà repérés. Nous nous préparions à défendre chèrement nos existences, lorsque nous remarquâmes que trois d’entre eux étaient armés de fusils. Nous ne pouvions rien faire ; nos derniers instants étaient arrivés.

Sans semonce, l’un des fusiliers tomba, une flèche plantée dans la gorge. La patrouille stoppa net. Ils se mirent à chercher du regard d’où pouvait venir le tir, ce qui donna au chasseur embusqué le temps d’abattre le second ; le troisième épaula et tira une rafale.

Un cri perçant s’échappa des fourrés, c’était la voix de l’élue de mon cœur. N’écoutant que mon amour pour elle, je courus comme une dératée afin de la rejoindre, Bastien sur mes talons. Je la vis, blessée à la jambe, du sang s’échappait de sa blessure. Faiblement, elle m’adressa un geste pour m’assurer de sa survie. Je me retournai pour la défendre coûte que coûte. Cependant l’orc au fusil était presque sur nous avec ses comparses. Portant son arme à l’épaule, il nous mit en joue et je lâchai ma lance.

Les monstres se saisirent de Bastien et moi et nous emmenèrent. Heureusement, ils négligèrent de vérifier l’état de leur victime. Le plus discrètement possible, je jetai un dernier regard vers elle, et surpris un clin d’œil. Avec sa blessure, combien de temps tiendrait-elle ?

Nous nous dirigions vers leur camp. Ils avaient allumé un feu tout autour du noyer. Ces créatures infernales tentaient de le faire mourir par pur plaisir. Nos tortionnaires nous jetèrent à terre brutalement au milieu des enfants. Ma petite sœur me regardait avec des yeux atterrés. Un des orcs, qui devait être le geôlier, m’empoigna par les cheveux et m’attacha les mains avec une corde épaisse. Il savait faire son travail, je ne pouvais presque pas bouger. Puis, ce fut le tour de Bastien. Laissant libre cours à sa cruauté, l’orc l’empoigna par son membre blessé, lui arrachant des cris de douleur. L’autre ricanait de plaisir.

Le plus massif de la meute prit la parole :

— En voilà deux de plus pour le sacrifice. Nos maîtres seront contents. C’est du beau travail. Par contre, y a un truc qui va pas : vous êtes partis à six et vous n’êtes plus que quatre. Tu peux m’expliquer ça, Urbul ?

— Il y avait un archer embusqué, Roshmak, mais je l’ai flingué, répondit le fusilier.

— Vous êtes sûr qu’il est mort ? Imbéciles, pourquoi ne l’avez-vous pas ramené, on l’aurait bouffé ! Et où sont les fusils manquants ? Allez me rechercher tout ça. Et ramenez-nous de la viande !

— On pourrait manger ces deux-là, ils sont plus grands, fit le geôlier en nous désignant.

— C’est exclu, nos maîtres ont besoin de leur âme. Toi et toi, Termina, Roshmak. Accompagnez-les avec des fusils.

Les quatre orcs restants repartirent, renforçant la patrouille par deux autres créatures.

Plus personne ne faisait attention à nous. Saucissonnés comme nous l’étions, nous n’étions pas un danger. Je regardai autour de moi, l’esprit en éveil, à l’affut du moindre détail dont je pourrais profiter. Dans la clairière, les monstres n’étaient plus que cinq désormais. Des lances, deux fusils et quelques chargeurs apparemment pleins, trainaient non loin de nous.

Le temps s’écoulait, je me repassais en boucle la dernière image de ma douce Eorelle, me demandant si elle allait survivre.

Je secouai la tête, je devais me ressaisir. Je décidai de garder mon esprit en alerte. Je scrutais ce qui se passait autour de moi dans l’espoir de trouver une idée pour nous en sortir tous sains et saufs. Certains des six enfants qui étaient attachés là avaient le regard perdu. D’autres, dont ma sœur, étaient comme moi, dans l’attente d’une opportunité. D’autres enfin avaient les yeux fermés, certainement pour ne pas voir l’atroce réalité. Bastien, lui, se tortillait dans tous les sens, essayant de se libérer. Il avait déjà attiré le regard des orcs sur lui, ce qui lui avait valu quelques violents coups de pieds dans les côtes, mais son esprit rebelle ne pouvait admettre notre impuissance.

Je ne pourrais dire combien de temps s’écoula. Les créatures jouaient aux dés et trichaient, entraînant à chaque fois de violentes disputes. De temps en temps, le geôlier venait nous surveiller. À un moment donné, nous avions entendu quelques coups de mitraille, mais depuis, plus rien.

Tout à coup, je sentis quelque chose de petit et chaud se coller contre ma main. Je ne pouvais me retourner pour voir ce que c’était, mais une petite minute plus tard, mes mains étaient libres. Me retournant à moitié, je vis une petite queue rousse bondir en direction de Bastien. Mon ami l’écureuil ! Je ne devais pas me faire remarquer. J’attendis que les orcs regardent ailleurs. Lorsque vint l’opportunité. Discrètement et rapidement, je récupérai quelques chargeurs. J’eus le temps d’en saisir quatre. Je ne savais pas utiliser un fusil, mais j’avais une autre idée. Aussi, je les vidai dans mon dos.

Lorsque Bastien fut, lui aussi, libéré par le rongeur, j’intimai à mon ami l’ordre de rester tranquille, lui chuchotant que j’avais un plan. Il acquiesça. Au bout de quelques minutes, tous les gosses furent libres, notre sauveur put prendre la poudre d’escampette. Je fis les gros yeux aux petits pour leur signifier de ne rien laisser paraître. Je regardai aux alentours et distinguai des ombres se mouvant silencieusement plus loin dans la forêt. Peut-être de l’aide.

J’avais à peu près une centaine de munitions à ma disposition. Je les répartis entre les enfants. En même temps je faisais passer un message de bouche-à-oreille.

Puis je lançai le top. Tous les gamins, Bastien et moi, nous levâmes simultanément et jetâmes les balles en direction du feu. Peut-être qu’un quart seulement atteignirent la cible. J’espérais que ce serait suffisant. Il n’y avait pas le choix de toute façon.

Les orcs nous virent debout et, se saisissant de leurs armes, se précipitèrent pour nous attraper. Mais nous nous jetâmes tous à terre. L’explosion eut lieu à temps, cette diversion nous permit de nous enfuir. L’instant d’après, quatre créatures tombèrent, percées de flèches. Il n’en restait qu’un. Nous fîmes face à notre geôlier. Je me saisis d’une lance restée au sol et le menaçai. Il ne s’agissait plus d’utiliser un effet de surprise, mais bien de le combattre face à face. Armé d’un sabre, il me défiait du regard. Comme il allait fondre sur moi, il s’écroula, une flèche dans la nuque.

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