12 - Après la bataille - 1/3
« Pour ceux qui sont contents de rentrer chez eux »
Eorelle nous invita tous chez elle. Les enfants se réfugièrent à l’intérieur où ils reçurent l’injonction de ne rien briser.
— J’ai ramassé ta lance, me dit-elle. Elle se trouve posée là-bas. Tu l’emmèneras avec toi en partant, je préfère te savoir en sa compagnie. Désormais, elle t’appartient.
— Je dois te dire une chose, ma douce Eorelle, lui dis-je. J’ai senti la présence d’Alamarielle. Elle me l’a donnée, elle approuve notre amour et elle nous soutient.
Elle écarquilla les yeux d’étonnement.
— Mais quoi ? Comment ça s’est-il produit ?
— Dans ma tête ! J’ai entendu une voix. Ne me demande pas comment je le sais, mais c’était elle.
Elle regarda la lance.
— Peut-être que… je ne sais pas. C’est possible… qu’elle gardait une sorte de lien avec notre monde, au travers de cet objet… Le fait que… je te l’aie confié aurait pu déclencher, je ne sais pas. Un lien avec toi ?
— Elle m’a dit qu’elle serait là, si jamais j’avais besoin d’elle.
— Alors, tu as gagné un esprit gardien et, … pas n’importe lequel.
Son sourire irradiait la joie. Elle me tendit les mains et m’étreint avec force. Voyant Bastien blessé, qui nous regardait, elle se ressaisit.
— Pauvre Bastien, je t’avais oublié, je dois m’occuper de ta plaie.
Elle m’envoya chercher de l’eau, puis en claudiquant, elle me rendit vers son armoire pour chercher le matériel nécessaire aux soins. Quand je revins elle se mit au travail, nettoya la blessure, et y étendit un onguent avant de réaliser un bandage beaucoup plus propre que ce que j’avais réalisé en toute urgence.
Je la regardai faire avec attention. Je devais apprendre.
Son office terminé, elle s’essuya les mains et souffla un instant.
Elle reprit ses béquilles et se tourna vers ses amis et moi.
— Eh bien mes amis ! J’aimerais pouvoir me reposer et vous également, mais je crains qu’il n’y ait encore du travail pour ce soir, mais tout d’abord : tenons conseil Bastien, reste là et fais attention aux petits. Si tu veux bien.
Mon ami, si docile accepta ce rôle de bonne grâce. Les petits s’étaient pratiquement tous endormis dans un coin de la maisonnette et ne seraient pas difficiles à supporter.
Nous sortîmes. J’emportai avec moi la chaise en osier d’Eorelle puis je l’aidai la blessée à marcher jusqu’au siège. Melodia et Cantaran apportèrent les autres et les disposèrent en cercle.
— Nous avons des décisions à prendre, fit Eorelle. La première qui me vienne à l’idée est de décider de ce que nous faisons des petits.
— M’est avis qu’il est nécessaire qu’ils oublient tout ce qu’ils ont vécu, avança Cantaran. Ce sera beaucoup mieux pour eux. Sans oublier la nécessité de protéger le secret de notre existence. Il faut trouver une histoire commune qu’ils pourront raconter.
J’hésitais à prendre la parole, Eorelle le remarqua.
— Si je t’ai invitée à participer, c’est pour que tu donnes ton opinion, Margaux. Ton avis en ce conseil est aussi important que celui des autres.
— Merci à toi, dis-je en posant une main sur la sienne. Je voulais dire qu’ils auraient du mal à oublier une telle aventure ! Comment comptez-vous vous y prendre ?
Melodia venait de réaliser que ma science du surnaturel ne tenait pas à grand-chose.
— Nous sommes mages, me dit-elle avec douceur. Nous pouvons changer leurs souvenirs pour effacer les traumatismes. La question est : de quoi doivent-ils se rappeler ?
Je réfléchis bien avant de donner mon avis.
— J’aimerais que ma petite sœur puisse garder sa mémoire intacte. Soit, elle a vu des choses horribles, mais je pense que l’admiration qu’elle a eue pour Hindred pourrait atténuer sa douleur.
Mon elfe adorée apporta immédiatement de l’eau à mon moulin :
— Je pense qu’elle saura tenir sa langue si nous lui expliquons bien les choses. C’est une petite fille intelligente.
Cantaran prit un air un peu sévère.
— Je ne suis pas de cet avis, continua-t-il, mais je suivrai la majorité. Votons. Qui est pour qu’elle garde ses souvenirs ?
Eorelle et moi levâmes la main.
— Qui est contre ?
Il fut le seul à se manifester.
— Je m’abstiens, dit Melodia. Je suis partagée entre les deux avis.
— Lydia gardera ses souvenirs, entérina Eorelle.
— Et Bastien ? demandai-je. Il a combattu bravement, c’est mon ami et je souhaite pouvoir partager cela avec lui.
Eorelle m’approuva de la tête.
— J’aime bien ce gamin, il est curieux de tout. Nous avons parlé un moment ensemble, fit Cantaran. S’il le souhaite, il pourrait devenir un bon mage.
— Je suis d’accord, ajouta sa femme.
Je trouvai cette réflexion au bord du machisme. Pour ma petite sœur il avait rechigné, mais pour Bastien, il lui offrait même une formation de mage.
— Proposition acceptée, conclut ma belle.
— Le seul problème, enchaînai-je, c’est qu’il n’a pas compris grand-chose.
Melodia prit la parole :
— Nous pouvons l’aider, ainsi que Lydia. Cantaran ?
— C’est d’accord.
— Nous avons maintenant besoin d’une explication plausible pour l’absence des enfants. La blessure de Bastien doit sembler naturelle. Elle a été causée par un objet tranchant, je le rappelle, et sa chemise est déchirée, commença l’instigatrice du conseil.
« Je propose que Margaux et Bastien ramènent les enfants au village. Ils se seront perdus dans la forêt en jouant à cache-cache et vous les aurez retrouvés.
— Quant à Bastien, fit Melodia, il aura pu se couper avec une hache du type cognée, trouvée dans la forêt, il se sera pris les pieds dans une racine avec la hache dans les bras. Margaux qui connaît la sorcière se sera rendue chez elle pour le soigner… Le mensonge est minime.
— Le conseil est donc clos, affirma Eorelle. Maintenant, il va falloir nettoyer. Si tu peux venir dès demain matin, Margaux, je serais soulagée, car le travail qui s’annonce risque d’être érreintant.
— Avec Bastien ?
— S’il le souhaite. Mais je ne sais pas s’il pourra faire grand-chose.
— Nous pouvons peut-être vous soigner… autrement, proposa Cantaran, faire ce travail à trois ce ne serait pas aisé. Je sais que tu n'aimes pas que nous utilisions notre magie, mais…
— D’accord, à circonstances exceptionnelles… répondit Eorelle. Ainsi nous n’aurons pas besoin d’explications pour la blessure.
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