12 - Après la bataille - 2/3
Laissant les mages faire leur travail, j’allai à mon tour garder les enfants tous dormaient à présent. Le soleil n’était pas encore couché, mais cette journée éprouvante les avait tous épuisés.
Au bout d’une heure environ, je vis une Eorelle trottinante pénétrer dans la maison, puis me donner un baiser amoureux. Je la serrai contre moi, heureuse de la voir en pleine forme. Elle était suivie d’un Bastien faisant des moulinets avec son bras pour s’assurer que tout allait bien, chemise réparée.
— Il faut y aller maintenant, fit-elle.
Je tapai dans mes mains afin de réveiller les enfants.
— Debout tout le monde ! On rentre à la maison ! Venez !
Ils me suivirent à l’extérieur de la maison. Les poules se tenaient à bonne distance des petits monstres.
Je repris ce qui était désormais ma lance et nous réveillâmes à contrecœur les enfants, puis les fîmes sortir. Cantaran et Melodia s’avancèrent au milieu d’eux. Tous les regardaient avec des yeux écarquillés. Lentement, les deux mages se mirent à chanter. Ce chant était somptueusement beau. Cantaran avait une voix de basse comme il en existe peu à l’opéra, tandis que Melodia aurait fait pâlir les plus grandes soprani coloratures.
Alors que Cantaran tenait une ligne de fond lentement rythmée, comme une contrebasse, Melodia, lançait des modulations virtuoses. Il n’y avait aucune parole, juste leurs voix mélodieuses.
Leur marche en direction du village débuta et tous les suivirent. Parvenus à quelques centaines de mètres de l’orée de la forêt, ils nous laissèrent, les enfants, Bastien et moi. Puis, ils repartirent en diminuant progressivement l’intensité de leur chant, jusqu’à ce qu’on n’entendît plus rien.
— Eh bien, on rentre, les enfants ! fit Bastien, qui avait manifestement tout compris en chemin.
Nous reprîmes notre marche dans la semi-obscurité et ne tardâmes pas à tomber sur une patrouille de villageois qui cherchaient leurs enfants. Parmi eux, il y avait ma mère. Lydia et moi nous précipitâmes pour l’enlacer. Tous les enfants présents se jetèrent dans les bras de leurs parents. C’est Lydia qui prit la parole pour tous les enfants présents :
— On s’est perdus en jouant, et c’est Margaux et Bastien qui nous ont retrouvés !
« La coquine ! Elle est bien comme sa sœur », me dis-je. Je sentis une présence à ma droite. Je tournai la tête machinalement, et n’eus que le temps de voir un flash m’éblouir. Une seconde après, je distinguai mieux le paparazzi.
— Toujours dans les bons coups, Margaux ! Demain dans le journal, il y aura ton portrait ! s’exclama-t-il en chantonnant sur un air que je ne connaissais pas.(1)
De nombreux adultes nous attendaient à l’orée du bois. Il s’agissait principalement de grands-parents, ne pouvant pas se déplacer pour chercher à cause de l’âge. Ils avaient préparé en vitesse une petite table avec des bouteilles thermos de café et de chocolat chaud, afin de réconforter les petits lorsqu’on les aurait retrouvés.
Ce fut un moment de soulagement incroyable pour tout le monde, les parents embrassaient leurs chérubins qui leur avaient tellement fait peur. Lili, Bastien et moi nous souvenions de tout, notre réconfort en retrouvant le village en était encore plus grand.
Je réalisai alors qu’Eorelle ne m’avais même pas donné mon bisou avant de partir… Le lendemain, je réclamerais double ou triple ration !
Ma mère était toute chamboulée, je la berçai contre moi en lui disant que c’était fini, que ça irait, que les gamins avaient juste fait une bêtise et s’étaient perdus, voilà tout. Ce n’était pas la première fois que ça arrivait, et on les avait toujours retrouvés. Cela sembla la calmer un peu.
Lili cligna des yeux à mon intention. Je lui articulai « On parlera après ». Elle hocha de la tête.
Pendant ce temps, Bastien profitait de sa notoriété, faisant le beau devant les grandes sœurs intéressées par le sauveur de leurs petits frères ou sœurs. Quel pitre. Je l’aimais bien comme ça, mon bon vieux pote Bastien. S’il récupéra quelques numéros de téléphones, je n’en sus rien.
Je me souvins tout à coup que j’étais toujours harnachée pour la guerre, avec mon armure de cuir et ma lance, mais personne ne semblait rien remarquer. Étrange !
Avant de rentrer à la maison, je hélai Bastien :
— Tu viens demain matin avec moi ?
— Je ne te laisserai pas tomber, frangine.
— Je te reconnais bien là, cœur vaillant.
Nous poussâmes la porte de la maison. Mon père n’avait pas bougé de son salon, avachi devant une débilité qui passait à la télévision.
N’y tenant plus, ma mère entra dans la pièce sans prévenir, faisant voler la porte contre le mur tant elle était en colère.
— Ta fille avait disparu, et toi, la seule chose que tu trouves à faire est de te prélasser devant la télé. Quel père admirable ! Ç’aurait pu être grave !
— Ah, tu l’as retrouvé, ton singe ? lâcha-t-il avec dédain. Tu vois, il n’y avait rien du tout, pas la peine de s’inquiéter.
Cette fois-ci, c’était au tour de Lili d’être considérée comme moins que rien. Comme une furie, ma mère claqua la porte en ressortant de la pièce.
Nous envoyâmes Lili à la douche et nous discutâmes dans la cuisine. Je narrais les circonstances dans lesquelles j’avais prétendument trouvé les enfants, quand tout à coup la porte s’ouvrit, laissant apparaître mon père.
— Hugo rentre demain, je compte inviter la famille de sa copine pour dîner dimanche. Vous avez intérêt à vous en occuper correctement, je veux que ce soit parfait.
Et il quitta la pièce comme il était entré.
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1 Renaud Séchan : C’est mon dernier bal : « Demain dans le journal y aura mon portrait »
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