Sensations d'un soir d'été
Je vois le clavier au loin qui m'appelle, recouvert de son clapet de bois laqué. Je touche du bout des doigts les planches brillantes dans la lumière dorée du soir filtrant au travers des volets. Quelle douceur. J'ouvre lentement et dévoile les touches alignées. J'effleure à peine leur corps. Déjà, de nouvelles sensations m'apparaissent. Je finis par m'asseoir sur la petite banquette au dessus de velour. Face aux blanches et aux noires. Mes mains se posent naturellement et commencent à jouer. Des notes simples. Seules. Puis d'autres plus graves viennent se marier et former une mélodie si douce et enivrante. Les yeux fermés, je laisse la magie d'une musique me transporter. Je n'entend plus que la succession des cordes frappées dans l'air chaud estival de la nuit naissante. Elle s'intensifie et je danse presque sur mon siège. Une odeur de lys roses et de chèvrefeuille dans la tête, je bouge sans conscience. Je m'abandonne à mon envie de ne jamais arrêter. La brise comme un voile souffle sur mon visage. Le rubis et l'ambre du ciel tourbillonnent autour de moi. L'astre solaire descend sur les montagnes et fait scintiller la rivière en contrebas. Au bord du ponton sur le lac d'un chalet entouré de sapins, j'inspire cette délicate odeur florale.
Et j'ouvre les yeux, les mains sur les dernières notes, au coeur de ma chambre de campagne.
Rien que le piano et moi.
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