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Le soleil vous tombe dessus. Votre peau blanche de casanier n'aime pas. Heureusement le campus est à deux pas.

Les rues d’Arkham, malgré la blanche lumière qui les baigne, sont et resterons lugubres coûte que coûte. Comme si elles subissaient autant la crise économique que ses habitants. Sur les pavés inégaux, on le voit aux têtes rentrées dans les gabardines. Les gens, clairement, ne sont pas heureux. Et quelques oiseaux chantants dans les branches bourgeonnantes à la lueur de l'aube n'y changeront rien. Oui, l'Amérique va mal. Mais peu vous chaut. Allez, avouez-le, vous vous en fichez franchement du désastre économique. Pour vous, tant que la Miskatonic vous nourrit d'ouvrages sur les origines de la littérature du onzième, de manuels sur la poésie du treizième – en France, de préférence – ou de compendiums relatifs au théâtre du bas moyen-âge, le reste, vous vous en foutez.

Du coup, avancer jusqu'à l'université est comme traverser un tunnel, vous ne visez que l'objectif en oubliant volontairement les rues et ruelles mornes. Que l'Amérique aille mal sans vous.

Après un quart d'heure de marche, enfumé par ces automobiles qui commencent à pulluler – même ici –, vous parvenez enfin à la Arkham Miskatonic University. Un bien bel endroit. Le temple du savoir.

C'est un astre autour duquel nombre de jeunes gravitent, tout comme vous. À l'instar des planètes, on ne se croise pas, on s'évite même, chacun son ellipse, car les chocs sont catastrophiques. Vous les regardez de loin. Certains possèdent des dizaines de satellites, d'autres un ou deux ; certaines formations, délétères, consistent en deux planètes qui se tournent autour, étrange. De votre côté, c'est vide, ça vous arrange, aucun satellite nerveux ne vient agiter les eaux de vos océans.

Votre hyperbole s'achève dans la ceinture d'astéroïdes livresques. Les planètes tournoient encore à l'extérieur, vous pas. Vous êtes devenu un corps inerte et silencieux à présent, car vous venez de pénétrer le saint des saints. La Bibliothèque du Miscatonic.

Rien que de répéter le mot dans votre tête, vous en frétillez. LA Bibliothèque du Miscatonic. Le mot augure l'excitation, il contient même le mot "tonique", c'est un signe – pour peu on voudrait y ajouter de l'alcool pour s'enivrer, mais ce n'est même pas nécessaire : l'extase, la vraie vie, c'est ici. Dans ces couloirs qui semblent taillés dans les livres, ces allées où gouvernent les ouvrages que de simples mortels viennent consulter comme de divins oracles. Leur allure est simple, ils sont faits de feuilles assemblées, de belles reliures, mais non ! Ils sont bien plus ! Vous, vous le savez. Et, par-dessus tout, vous les vénérez.

Votre pupitre est près et... Non ! ...En fait, votre pupitre n'est pas disponible, il se passe quelque chose. Une horreur, une infâmie !

Quelqu'un s'y tient.

Ok, votre nom n'est pas écrit dessus, il ne faut pas monter sur vos grands chevaux. Calmez-vous. Ça fait des remous dont vous n'avez pas envie.

Furtif, vous allez flâner à droite, à gauche, faisant mine de chercher quelque doctorat en physique appliquée ou encore quelque étude en mathématique non-euclidienne. Ça vous intéresse, certes, mais ce n'est qu'un prétexte pour scruter l'intrus.

Horreur, l'intrus est une intruse ! Une fille ? Ici ? Si rare dans les universités, que fait cet oiseau-là ici ?

Vous ne savez pas ce qui vous retiens d'aller lui faire une remarque. Bon, les autres pupitres sont disponibles, à côté, c'est vrai. Mais celui-là, c'est le vôtre ! Vous y êtes tous les jours, tout le monde le sait ! D'où débarque cette femme ?

Vous avançant vers elle, vous êtes soudain saisis devant ce fait qui, de loin, n'avait aucune espèce d'importance, mais qui, à mesure de votre progression, devient de plus en plus prégnant : il s'agit d'une femme, justement !

Et c'est le drame.

Oui, car, vous l'aviez oublié, enivré par toute cette paperasse réconfortante, c'est un fait : les femmes vous terrifient.

Que va-t-il se passer ?

Si vous parvenez à surmonter l'angoisse inhérente à ce genre de confrontation, passez au 6

Sinon, il vous est possible d'user d'un stratagème subtil et permettant d'éviter toute confrontation, dans ce cas, filez au 7

Enfin, il vous est loisible d'aller vous installer à un pupitre adjacent, espionner la sournoise tout en décortiquant vos ouvrages. Il faut bien que cette thèse avance. Alors, mieux vaut aller au 8

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