Votre vie est une succession de ce genre d'instants.

Des moments de courage.

Oui, on peut atermoyer, chercher à éviter, mais souvent on doit se prendre en main. C'est comme ça, vous le savez. Comme quand votre père vous emmenait chasser. Parfois, et même s’il faut en souiller son pantalon au passage, il s'agit d'appuyer sur la gâchette et perforer le visage d'une biche.

Elle était là, la biche, avec sa question. « Quel livre lisez-vous ?» La question pétrifiante !

Ça faisait – quoi ? – quatre ans qu'une fille ne s'était plus intéressée à vous ? Enfin, quand on dit intéressée, ce n'est pas dans le sens d’« intérêt » – quelque chose à gagner, comme pouvoir copier aux cours d'anglais, non – mais bien avoir de l'intérêt pour quelqu'un. Oui, quatre ans.

— Un li... livre... sur les croisades... la dernière croisade.

— Captivant ! fit-elle, enthousiaste. Justement c'est le champ de recherche que j'explore.

— Ah... dites-vous pour seul commentaire.

Vous n'êtes pas un homme bavard.

— Et dites-moi, votre bouquin là, il ne parle pas d'alchimie, par hasard ?

Vous yeux s'illuminent, vous le sentez à défaut de le voir. Aurait-elle vraiment de l'intérêt pour ces sphères intellectuelles ?

— Oui, tout à fait ! Justement, il est question d'un savant, un certain Ludvig Prinn. Un personnage mystérieux capturé par les templiers !

— Oh, mais c'est formidable, je suis passionnée par ces templiers ! Et les alchimistes me font rêver !

Ça y est, vous êtes sûr de votre coup à présent. Devant vous se tient la femme de votre vie ! Ni plus ni moins.

Ces cheveux cascadent en boucle le long de son visage enfantin. Son âge est indéfinissable, mais ses yeux pétillent comme ceux d'une fillette avide de sucreries. Vous êtes amoureux. Chez vous, c'est rare, mais quand ça arrive, ça va vite.

— Je... je...

Je rien du tout, les mots vous manquent, l'amour vous oppresse, tout en jaillissant par vos yeux.

Votre biche poursuit :

— Se pourrait-il...

...Que vous vouliez m'inviter à prendre le thé ?

...Que vous vouliez me sortir au ciné ?

...Que vous vouliez m'épouser ?

Quelle sera la suite ? Vous trépignez !

« ... Que vous ayez d'autres ouvrages sur ce Ludvig Prinn ? Ou mieux, un livre écrit pas lui ? »

Si cette phrase est une douche froide pour vous, allez toiser son « intérêt » en 20

Si vous êtes trop abruti par la passion pour relever. Plongez vos yeux en 21