( AIX ) comme EX
Voyant mon désespoir, mon cousin me prend dans ses bras et tente de me réconforter du mieux qu'il peut.
- Ne pleure pas Lys, me dit-il en m'effleurant le dos.
Manque de pot, les larmes viennent d'elles-mêmes et je ne cherche pas à les retenir parce que ce chagrin demeure le seul que je considère légitime. La perte de Papi Lou est pour moi une raison valable de pleurer donc je donne libre cours à ma peine quelques instants avant de me reprendre.
Je m'écarte de Léo désireuse d'enterrer ce moment de faiblesse parce que c'est quelque chose que je ne peux pas me permettre ici. Compréhensif, il n'ajoute rien et me désigne un sentier arboré et fleuri qui semble donner sur l'arrière de la bâtisse. J'attrape mes affaires dans le coffre et le suis.
Nous marchons peu avant de tomber sur une dépendance moderne avec une charmante entrée individuelle. Je hoche la tête alors qu'il pousse la porte sans penser un seul instant à ce qui m'attend derrière.
Nous pénétrons dans un salon contemporain, lumineux et accueillant. Et comme Léo, je me demande pourquoi personne ne veut s'y installer jusqu'à ce que je me heurte à une collection de portraits très colorés qui stoppent net mon avancée. Putain, qu'est ce que ces toiles font ici ? Je me tourne vers Léo pour lui demander des comptes, quand mes yeux whisky tombent sur ceux gris tempête d'Arnaud Allarence.
Mon monde qui tournait encore quelque peu branlant sur son axe déraille complètement. Pourquoi mon ex-fiancé que j'ai vu pour la dernière fois dans une salle d'attente d'hôpital six ans plus tôt, se trouve là ? Je cherche mon cousin des yeux prête à l'assassiner quand je constate qu'il est aussi choqué que moi.
L'univers ne peut pas être si cruel !
Une fois de plus, je m'interroge sur ce que j'ai bien pu faire de mal dans ma vie pour être si malchanceuse. Et je sens de nouveau comme une boule d'angoisse se former lentement, mais sûrement dans ma gorge. Une obstruction tellement énorme que je me crois capable de m'étouffer avec ma propre salive.
Cette rencontre est si terrible pour moi, que la colère me submerge tel un ouragan destructeur. Mon cœur déchiqueté palpite à cent mille à l'heure. Une rage vive m'empêche de parler et des interrogations de toutes sortes fusent dans ma tête.
Comment ce sombre bâtard ose se pointer ici en toute impunité ? N'a-t-il donc aucune décence ?
À cet instant, je suis certaine que la haine transparaît sur mon visage. Car en ce bas monde, il n'y a personne que je déteste plus que lui. En pleine tempête intérieure, je me brise un peu plus à chaque fois que mon regard croise le sien. C'est fou d'avoir autrefois tellement aimé cet homme, d'un amour presque sans limite, pour finalement s'entre-déchirer de sentiments malveillants. Plus que les autres, il a fait de moi celle que je suis aujourd'hui, un monstre, un démon de ressentiment, héritage sans doute d'une relation trop intense.
Léo veut parler, mais il est coupé dans son élan par ce salopard qui s'adresse à moi aussi calmement que possible.
- Bonjour Aélys. Je ne pensais pas que tu viendrais, mais c'est un réel plaisir de te revoir. Contrairement à moi, ton grand-père n'a jamais douté de toi. Connaissant les motifs et les circonstances de ta fuite, j'étais en proie à quelques doutes, mais lui était convaincu que tu reviendrais.
Je n'ai jamais été odieuse gratuitement, mais cette fois le voir là, c'est trop pour mon misérable cœur meurtri. Alors poussé par un élan de désamour, je déverse un fiel que je ne pensais même pas nourrir.
J'avance vers lui furieuse, déçue que cette situation m'atteigne plus que je ne le veux. Non-contente de savoir ce qui est mauvais et ce qui est bon, je me place en délatrice. Une position qui me fait vomir, mais que puis-je faire d'autre quand la haine ressentie est si forte.
Puis je me souviens de ce qui s'est passé dans la voiture avec Léo et je tente tant bien que mal de me calmer. Et bien qu'ivre de colère, j'adopte une attitude aussi sarcastique que polaire et lui répond avec une verve des plus empoisonnée. Car le voir aussi calme et détaché me fait littéralement bondir.
- Arnaud. J'aurais pu dire que le plaisir est partagé, mais toi et moi savons à quel point je déteste mentir. Désolée de t'informer que ta joie n'est nullement réciproque. Ce qui me choque par contre, c'est le culot dont tu fais preuve en te pointant ici comme si de rien n'était.
Ironique, je plaque ma main devant ma bouche et éclate d'un rire froid.
- Ce n'est pas la honte qui t'étouffe.
Je fais semblant de réfléchir, me frappe le front et poursuis mauvaise.
-Mince, j'ai oublié à quel point le respect et la dignité ne sont pas des choses que tu affectionnes particulièrement. Ce qui ne doit pas m'étonner vu ton manque d'éducation. J'ai cru du moins qu'Henry Allarence aurait su t'enseigner l'élégance, bien que ta mère ait manqué à tous ses devoirs. Mais après tout que peut-on attendre de l'enfant d'une prostituée ? C'est vrai que quand on est un enfant acheté, il subsiste cependant un doute ?
Plus j'avance dans mon petit laïus et plus il se décompose.
Mes mots peuvent sembler durs, mais j'ai tellement souffert d'être rejetée par cet homme que je fais un transfert de sentiments.
SIX ANS PLUS TÔT
La température de la salle d'attente de l'hôpital doit être sûrement agréable, mais contrairement au reste du monde présent, je tremble de froid. Je frissonne malgré moi en pensant à la tournure sordide des événements.
En y réfléchissant, je tente de faire bonne figure devant les nombreux regards accusateurs qui commentent le moindre de mes faits et gestes. Mais toute la bonne volonté dont je fais preuve depuis plus de deux heures ne m'aide pas à calmer l'étau qui me comprime la poitrine.
Inquiète, j'essaye de me réchauffer tant bien que mal en me frottant les bras. Or, rien de ce que je fais ne semble vouloir apaiser le trouble qui me retourne les tripes. J'ai beau m'interroger encore et encore, mais je ne parviens toujours pas à comprendre comment les choses ont pu déraper de la sorte.
Désœuvrée et pétrie de douleur, ma mère Diana pleure à chaud de larmes dans les bras de mon père qui ne m'a plus adressé la parole depuis que l'interne à dit que j'étais en parfaite santé. En vingt d'existence, je n'ai jamais vu mon père me regarder avec ce dégoût que j'ai lu dans le fond ses prunelles.
À voir leur attitude, j'étouffe tellement que je pense sortir lorsque tout à coup mon ex-fiancé passe le pas de la porte. D'abord choquée de le voir, j'espère secrètement pouvoir lui parler, mais il m'ignore, s'approche de mes parents afin de leur demander des nouvelles de Viviana.
Je me rends alors compte d'une vérité fondamentale, quoique je dise maintenant tout le monde me croit responsable de l'accident. Et le réaliser ainsi me tue, parce que toutes les personnes présentes sont des gens que j'ai chéri toute ma vie.
Mais le pire me heurte de plein fouet lorsque mon ex me demande sarcastique.
-Alors Aélys, tu ne te sens pas trop coupable ?
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