( SEEMPA) et c'est tant mieux
Je reviens au présent et vois que l'expression de ce maraud se désagrège peu à peu. ET, c'est d'une satisfaction à peine dissimulée, que je me réjouis presque que chaque mot prononcé ait atteint immanquablement sa cible. Or paradoxalement pour une raison que j'ignore, mon contentement est soudain de courte durée. Car je me sens comme vide, privée de toute substance.
Misérable, une souffrance indescriptible me prend par surprise et me picore l'âme. J'ai bien trop aimé cet homme et dans mon malheur, il a été l'investigateur de ma chute. En y pensant, idée grotesque, il se peut même que je l'aime encore. Sentiment plus fort que moi, car je sais par le passé au combien, il n'y a pas eu une seule partie de moi qui ne l'ai pas aimé désespérément. Pathétique !
Se revoir de cette façon est bien trop douloureux pour mon propre bien, car c'est un cruel rappel de ce que je ne méritais pas. C'est d'ailleurs l'explication à ma haine si tenace. J'aurais pu lui pardonner la trahison, et même l'humiliation, mais pas ce sentiment d'indifférence glaciale. Et certainement pas cette blessure de n'être personne ; ni son amour, ni une femme qui a compté.
Allégations qui ont fait de moi la femme amère et cynique que je suis présentement. Bien à cause de lui et des membres de ma famille, je ne suis plus que l'ombre de moi-même et ça je ne peux ni l'oublier, ni le pardonner. Exactement comme une plaie purulente qui n'a pas reçu les soins adéquats et se creuse au fil du temps aboutissant à l'ablation de la partie gangrenée.
Nous continuons à nous affronter du regard puisse que depuis ma dernière phrase, un silence de mort règne dans le séjour. Un instant de calme avant la tempête presque comme si le temps avait suspendu son vol. Je peux voir que nous partons à la dérive de nos souvenirs déplaisants, sauf que cette quête n'est tout simplement pas saine. Rendant l'atmosphère morbide, froid, quasi-impersonnel.
À mon sens, il n'y a plus d'espoir pour nous deux et c'est bien mieux comme ça. Ce qui bien loin de me rassurer, attise mon anxiété, car cette ambiance sinistre ne laisse rien présager de bon pour la suite. Et je n'ai pas à attendre longtemps pour que mon pressentiment se réalise, car n'esquivant pas mon attaque, mon ex me rend coup pour coup. Il avance dans ma direction et m'attrape par le bras.
Si je m'attendais bien à une riposte, je n'aurais jamais imaginé qu'il établirait un quelconque contact physique entre nous. Mon cœur qui palpite, bas encore plus vite ce qui avive ma colère déjà à son paroxysme. Car plus que le courroux, c'est du désir pur qui me brûle l'épiderme. Mais je l'ai décidé, il n'y aura rien, plus rien entre nous deux.
Il entrouvre la bouche et sa voix caverneuse est sombre.
- Lys ! Il y a six ans contrairement à ce que tu crois, je ne t'ai pas trahi. Et le fait que tu m'aies cru capable d'une telle ignominie prouve bien le degré de confiance que tu avais en moi. Tu as fui et je t'ai laissé faire parce qu'à l'époque, je t'ai accusé en me sentant coupable de l'accident. Mais à présent, je regrette.
Ses yeux de plus en plus noir lancent des éclairs, signe que la rage le domine. Arnaud, me rapproche brutalement de lui et il me crache pratiquement à la figure.
- Tu veux parler de respect et de dignité, très bien. À quel moment tu as fait preuve de cela lorsque ta sœur m'a piégé ? Où étaient ces valeurs quand tu as jeté notre amour aux orties par lâcheté ? Quand as-tu jamais fait preuve de courage Lys ? Le fait que ma mère soit une prostituée ne fait pas de moi un monstre Aélys. Cette histoire de mère prouve juste que je suis avant tout un être humain.
Il a l'air si mécontent, que je ne sais plus où me mettre. Puis les paroles de ma sœur me reviennent et me transperce de part en part.
" - Il ne t'aime pas. Il ne t'aimera jamais."
Et plus que le dépit, c'est le doute qui m'engloutit et je tremble. Mais bien loin de le calmer, ma réaction l'irrite davantage.
- J'avais habilement dit à ton grand-père que c'était une perte de temps, mais comme toujours, il n'a pas voulu m'écouter. J'espère sincèrement que ton amertume va te tenir chaud en hiver, pour l'instant, je jette l'éponge. Je n'en peux plus. Te voir de cette façon, c'est beaucoup trop pour moi.
Énervé, il se dirige vers un meuble qu'il ouvre, en sort une fameuse boîte qu'il lance à mes pieds. Puis sans mot, il se dirige vers la porte d'entrée. Sauf qu'à la dernière minute, il semble changer d'avis et me balance un joli coup de massue.
- J'espère que notre maison à tout pour te plaire Aélys. Personnellement, même si je l'aime beaucoup, tu sais aussi pourquoi je ne peux pas y rester. Sur ce, rendez-vous chez le notaire.
À peine claque t'il la porte que je m'effondre. À genoux, je me mets à pleurer à chaud de larmes. Je me croyais forte dans ma tête, mais je n'y arrive pas. Je n'admets rien de cette histoire qui me laisse à bout de souffle. Comment peut-il être invité à la lecture du testament de mon grand-père. Dans le flou total, je glisse vers la détresse. Comment peut-il être innocent ? Non, cette possibilité n'est même pas envisageable.
Léo s'approche doucement de moi, s'assoit au sol derrière moi et m'entoure de ses bras.
Ma voix est incompréhensible tellement, les larmes me submergent et m'étouffent.
- Je n'y comprends rien Léo.
Il me serre davantage.
- Moi non plus chérie, moi non plus.
SIX ANS PLUS TÔT
J'ouvre les yeux avec paresse. Le soleil d'Aix filtre à travers les stores, mais le lit est tellement bon que je n'aie pas envie de me lever. L'odeur d'Arnaud imprègne les draps, et je pourrais mourir pour rester encore un peu à la sniffer. Je suis véritablement accro à ce mec. Or, manque de bol, je dois déjeuner avec ma famille chez mon grand-père ce dimanche.
Tout le monde sera là, du coup, impossible de me porter pâle. De plus, j'ai encore découché de chez mes parents pour venir le rejoindre dans son appartement. Et de fait cela n'a pas dû échapper à ma mère. Depuis quelques mois, elle s'est transformée en détective et mène une enquête acharnée pour découvrir qui est l'homme que je fréquente.
Déjà six mois, et personne de mon entourage ne sait toujours rien. Je ne sais pas comment j'ai fait pour conserver le secret si longtemps sans qu'aucun membre de la famille nous découvre. Entre nous, c'est un tel bâton de dynamite que nous n'avons pas toujours été prudents. Il faut dire que n'importe quel prétexte est bon pour nous jeter l'un sur l'autre.
Ce n'est pas la honte qui me pousse à ne rien dire. En réalité, c'est plutôt le fait qu'Arnaud est tellement proche de notre famille que je ne sais pas comment les autres vont le prendre. Bien qu'en vrai, je ne suis pas très loyale sur ce coup-là. Car pour tout dire, c'est plutôt la réaction de ma sœur que je crains. Arnaud et elle ont toujours été si proches. Une amitié très possessive qui me laisse toujours perplexe d'ailleurs. Du reste, je suis assez étonné qu'il ne lui ai encore rien dit à notre sujet.
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