Chapitre 11.1
Ce chapitre sera le dernier de cette lancée de publication. Il est composé de trois parties. Après, il y aura une nouvelle pause dans la publication. Je vous présente mes excuses par avance. Je reviendrai avec la suite plus tard (son synopsis est déjà posé sur papier, mais je dois écrire les chapitres et je me concentre actuellement sur un autre projet).
J'espère que ce chapitre vous plaira ;)
***
Il est tard, et Axel n’est toujours pas rentrée. Tanysha lève le nez des documents qu’elle lisait pour observer Maddy, qui attend derrière la fenêtre, scrutant du regard le chemin. Sa tête semble ridiculement petite, dépouillée de l’épaisse tignasse blonde. Le coeur de la jeune femme se serre. Les deux grandes plaies sur son crâne sont nettement visibles : la longue coupure effilée qu’a réalisé le chirurgien, de sa tempe droite à la base de sa nuque, et celle, bien plus impressionnante, à l’arrière de sa tête, disque irrégulier, craquelé, de la taille d’un poing. C’est là que Maddy a heurté le mur de la classe, quand la bombe a explosé.
La petite lève la main d’un air absent. Peut-être que ses sutures la grattent. Tanysha ouvre la bouche pour la prévenir mais Maddy s’en rend compte d’elle-même et bloque ses doigts sous sa cuisse pour ne pas être tentée. Ses yeux ne quittent pas la rue alors que la lune éclaire son visage troublé.
Tanysha se lève, contourne le bureau et pose la main sur son épaule. Maddy dresse un visage interrogateur vers elle.
- Tu vas bien, Maddy ? Ta tête te fait mal ?
L’enfant grimace. Apparemment, oui, mais elle force un sourire et secoue lentement la tête. La jeune femme l’observe un instant sans parler. Depuis leurs arrivées, à Axel et elle, presque dix mois plus tôt, Maddy a beaucoup changé. Le bénéfice du contact avec d’autres êtres humains, très certainement. Tanysha l’aime beaucoup, et pas seulement car elle est l’enfant d’Axel.
Maddy hausse les épaules, revenant à sa contemplation de l’extérieur.
- Axel n’est pas encore rentrée. Elle est toujours rentrée pour l’heure du coucher.
C’est donc ça qui la perturbe. Tanysha se mord la lèvre. L’attachement liant Axel et Maddy est profond, tout comme leurs habitudes, auxquelles elles tiennent toutes les deux.
- Je sais chérie. Je suis sûre qu’elle a dû être retenue par un des miliciens.
Ou du moins elle l’espère. Peut-être est-elle simplement avec Antoine ? Non, Axel n’aime personne plus que Maddy, pas même le jeune homme. Seule une vraie urgence a pu la distraire de l’heure.
Tanysha secoue la tête, cherchant à fuir ces pensées. Elle pousse gentiment le bras de la petite fille, qui lève des yeux étonnés.
- Il se fait tard, tu veux que je prenne sa place pour ce soir ? Juste pour ce soir, se reprit-elle rapidement, remarquant le regard confus de l’enfant.
Maddy cligne les yeux, mais réprime un bâillement à l’idée de dormir.
- C’est vrai que j’ai envie d’aller me coucher, répond la petite, alors je suppose que ce n’est pas grave si c’est toi. Axel elle ne sera pas jalouse, hein ?
Tanysha sourit, attendrie devant la préoccupation de Maddy.
- Non, je suis sûre qu’elle comprendra que tu aies voulu dormir tant qu’il n’était pas trop trop tard. Elle sera même fière de toi d’avoir respecté ton heure de coucher à mon avis.
Maddy sourit à son tour, son inquiétude disparue. Elle glisse sa main dans celle de la jeune femme et l’attire vers l’étage. Elle grimpe sur son lit, fouille sur l’étagère au-dessus puis tend un livre à Tanysha.
- Avec Axel, on lit tous les soirs à tour de rôle ! Tu veux bien qu’on lise un peu, dis ?
Tanysha hoche la tête, peu surprise. Elle les entend à chaque fois, la voix aigüe de Maddy répondant à celle plus posée d’Axel. La fillette repousse ses couvertures, enfile la sorte de bonnet qu’elle porte la nuit, pour ne pas risquer d’arracher ses sutures en bougeant, puis s’allonge, un sourire satisfait aux lèvres. Tanysha remonte le draps sous son nez avant de s’installer contre l’oreiller, ouvrant le livre.
- On s’est arrêtées là où il y a le marque-page, précise candidement Maddy.
Tanysha la remercie sans perdre son sérieux. A voix basse, elle commence sa lecture.
Quand elle quitte la chambre, Maddy s’est endormie. Ses bras enserrent son doudou, une sorte d’hybride entre un ours et un lapin, et son visage est détendu dans cet abandon si propre aux enfants pris par le sommeil. Elle prend soin de laisser la porte entrouverte afin qu’elle ne soit pas désorientée si elle se réveille dans la nuit.
Axel est dans le salon, l’air épuisé. Ses vêtements sont couverts de boue. Elle baille alors que Tanysha s’enfonce dans le canapé à côté d’elle.
- Valérie s’est tordu la cheville quand on était dans la montagne, explique Axel d’une voix à moitié endormie, et on était tout en haut à essayer de rattraper ce fichu bouc.
- Oh, il s’était encore enfui ? demande Tanysha.
Elle comprend mieux la lueur irritée dans le regard d’Axel. Hiram est un bouc au caractère bien trempé qui passe son temps à faire des siennes. Heureusement, la plupart de ses escapades, il les fait seul et sans emporter tout son harem de brebies. Cela le rend cependant bien moins facilement repérable.
- Ouep, confirme Axel, et il est toujours là-haut. Que les loups le dévorent s’il est suffisamment stupide pour ne pas redescendre par lui-même.
Elle passe une main sur son visage tiré.
- Maddy dort ?
Tanysha rougit légèrement sous sa peau sombre.
- On voulait t’attendre, mais il était tard et…
Elle commence à se justifier, gênée d’avoir pris la place de son amie, même pour un seul soir. Axel serre sa main pour la couper dans son élan, un sourire las sur le visage.
- Merci de t’être occupé d’elle.
Soulagée, Tanysha sourit et presse des doigts en retour.
- Comment vous l’avez rencontrée, vous, Tanysha ?
La question de la Main Antoine fut si soudaine que je ne la compris pas du premier coup et qu’il me dut la répéter. A vrai dire, elle me sembla ensuite si incongrue que je ne sus pas quoi répondre.
Amusé, il tourna la tête pour me dévisager avec une franchise qui m’étonnait toujours : même après des mois de missions à ses côtés, je restais surprise quand il se montrait aussi ouvert, si différent de ce que les Mains sont supposées être.
Ce jour-là était un jour qui avant aurait fait ma plus grande fierté, car elle marquait un tournant important de ma vie ; en effet, je passais ma première mission en solo, sans une Dame pour me superviser. Mon seul compagnon était donc la Main Antoine. Oui, avant, j’aurais été fière. Mais tout avait changé.
La mission avait été des plus simples, une infiltration dans la maison d’un juge corrompu, un chantage pour le mener à la démission. Rien de bien complexe. J’étais cependant soulagée de ne pas avoir été envoyée en tant que tueuse. Ma main tripota la sécurité de mon arme. Je la portais depuis si longtemps qu’elle me semblait être une extension de mon bras. Je pouvais la sortir et tirer en l’espace de deux secondes, touchant ma cible au centre. Peut-être était-ce cela qui me dérangeait tant depuis mon virement de bord, cette facilité que j’avais à tuer.
- Moi je l’ai rencontrée pour la première fois quand on avait dix ans tous les deux, reprit la Main Antoine, apparemment volontaire pour raconter toute l’histoire.
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