Avec elle
Avec elle, la vie allait vite, perdue dans le tourbillon d'activités incessantes et de la routine. Chaque semaine avançait rapidement, et les étapes d'une relation bourgeonnante s'accumulaient petit à petit, qu'elles soient promenade, cinéma, danse, repas, ou baiser...
Qui se transforma en une première fois, suivie enfin par leur emménagement en commun. Neuf semaines qu'ils se connaissaient et ils vivaient déjà ensembles, inutile de mentionner qu'entre Linas et Wilhelmina, c'était le coup de foudre.
Quant à Andreï... ? Il est vrai que l'Allemande différait de la majorité des femmes qu'il avait côtoyées auparavant. Là où la plupart gloussaient (comme des poules, songeait-il toujours), elle se contentait d'un sourire ; derrière son apparence toute convenable se cachait un esprit libre qui se fichait bien de depuis quand ils se connaissaient ou de l'image que cela reflétait, peu importe ce qu'en diraient les voisins. Cela l'arrangeait et, bien que sans l'aimer à la manière dont son personnage Linas le montrait, il l'admirait pour sa force de caractère et son humour.
En cela, c'était la première femme qu'il respectait pour ce qu'elle était.
« — Lin', tu peux me passer la serviette ici, s'il te plaît ?
Recrachant le dentifrice dans l'évier, il hocha la tête et la lui tendit, sans pouvoir s'empêcher de la regarder tandis qu'elle s'arrachait à l'étreinte du bain chaud. Sa peau satinée par le savon gras, sa longue chevelure trempée ondoyant dans son dos, la chair de ses seins à peine cachée par la serviette...
Quelle femme.
Wilhelmina remarqua ses yeux s'attardant sur ses courbes et esquissa un petit sourire.
- On ne t'a jamais appris à ne pas reluquer les gens, mon cher ?
- Mille excuses, fraülein, mais tu n'es pas "les gens", fit-il valoir tandis qu'elle se peignait.
Elle se retourna et lui offrit un sourire un peu plus franc.
- Que suis-je, alors ?
- Une sirène qui aurait échangé sa queue de poisson pour une paire de jambes. La plus jolie de tout Berlin, d'ailleurs...
Elle lui pinça affectueusement le lobe d'oreille, comme à chaque fois qu'elle lui "reprochait" quelques mots irrévérencieux.
- Seulement de Berlin, Lin' ? Tu n'exagères plus autant qu'avant, soupira la jeune femme avec un air de regret.
- Mille excuses. D'Allemagne ?
Elle haussa les sourcils.
- D'Europe du Nord ?
Elle rit un peu plus franchement.
- Ah, j'y suis ! Du monde entier, bien entendu, conclut-il tout en se penchant pour l'embrasser sur la joue, l'air réjoui.
Cette fois, il avait gagné : elle avait rougi.
- Arrête, espèce d'imbécile », murmura-t-elle affectueusement avant de poser ses lèvres chaudes sur les siennes.
Le lendemain, il eut l'impression de s'être réveillé dans l'incarnation terrestre du paradis, lui qui n'y croyait pas.
Dans ce lit moelleux et merveilleusement confortable, bercé par le souffle de la plus belle femme de sa connaissance, comment n'y aurait-il pas pensé ?
Il lui fallut quelques secondes pour se rappeler sa mission. Intercepter les messages allemands. Maintenant qu'il était parvenu à acquérir la confiance et l'amour de Wilhelmina, il fallait se remettre au travail. Se redressant sur un coude, puis deux, il repoussa aussi délicatement que possible la jeune femme avant de se relever pour enfiler ses vêtements.
Peine perdue, elle s'était réveillée.
- Où est-ce que tu vas, mon chéri ?
- Faire du café, fit-il en souriant tout en boutonnant une chemise propre.
Elle se releva et s'assit, croisant ses jambes nues sans en sembler complexée.
- Tu n'as pas besoin de te rhabiller, alors !
Il eut un léger rire et se retourna pour lui caresser ses cheveux ébouriffés.
- Non merci, je préfère éviter que les voisins me voient ainsi.
- Quelle pudeur, s'amusa-t-elle. Bon, eh bien amène-moi une tasse de café au passage !
Il hocha la tête tout en s'éloignant pour se diriger vers la cuisine. Il sortit la cafetière, la préparant avant de la mettre sur le feu par précaution, pour ensuite se baisser vers le sol où le sac de la jeune femme était resté. Il écouta attentivement les environs afin de vérifier son emplacement - toujours la chambre - avant de commencer à fouiller son contenu en silence.
Des tampons, son portefeuille, des pièces, ses clés... Il continua sa recherche après avoir prêté une oreille prudente aux alentours, et finit par mettre la main sur ce qu'il cherchait. Un attaché-case, lourd et sombre, prometteur par son aspect. Il l'ouvrit et scanna rapidement les feuilles jusqu'à trouver ce qu'il espérait : des brouillons de transcriptions radio. Le lit grinça, suivi du parquet, et Andreï se dépêcha de tout remettre en place avant de se relever pour surveiller le café et l'ôter du feu avant qu'il ne brûle.
- Mmm, ça sent délicieusement bon, fit Wilhelmina en entrant.
- J'espère que ça le sera aussi alors, répondit-il avec chaleur, espérant qu'elle n'aurait pas remarqué la différence d'angle de son sac depuis la veille.
Elle sortit le lait et lui les tasses, et il goûta à la boisson pensivement ; il l'avait peut-être laissée un brin trop longtemps sur le feu, mais avec du lait, il restait très bon.
Se concentrer sur tout sauf sur sa fouille.
- Pas mal, mais un peu intense, commenta-t-elle en finissant sa tasse en quelques gorgées.
- Comme toi, alors.
Il l'entendit pouffer, et tourna la tête vers elle pour la voir vêtue d'une de ses chemises.
- Tu me piques encore mes affaires ?
- Elles sont plus confortables, tu seras bien forcé de l'admettre, fit la jeune femme en haussant les épaules.
Au lieu de répondre, il l'attira doucement à lui par la manche pour lui embrasser la joue.
- Si tu le dis, finit-il par répliquer avec une note d'amusement dans la voix.
Wilhelmina grimaça et se frotta la joue.
- Tu seras gentil de penser à te raser d'abord, tu piques ! »
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