Discours d'un oublié

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La salle ravinée est immense et décorée pour l'occasion. La scène est spectaculaire. Son espace gigantesque n'a d'égal que le chic omniprésent qu'impose la coutûme de la cérémonie annuelle. Tout est si brillant et pétillant que le rendu final paraît presque irréel. Les beaux garçons ainsi que les jolies demoiselles pénètrent le lieu en prenant leur temps, parlant aux uns, rigolant avec les autres, ils cherchent leurs sièges, se saluent au loin et le tout dans un brouhaha assourdissant mais pour autant festif. Les tenues des convives sortent de l'ordinaire ; bien que le costard noir / noeud pap' soit le plus remarqué, certains mordus d'extravagance n'hésitent pas à arborer des habits plus cocasses qui, pour la plupart, doivent coûter le prix d'une maison dans les Hautes-Sèvres. Une musique classique résonne dans l'enceinte pour accueillir tous les hôtes comme il se doit et une bonne centaine de majordomes affluent dans cette marée humaine, servant sur un plateau d'argent verres de champagne et mets délicieux qui disparaissent aussi vite qu'une Formule 1 sur une grille de départ.

Moi, je suis déjà assit. Mon regard fixe l'estrade comme un enfant contemple le jouet qu'on vient de lui offrir pour Noël et qu'il attendait depuis longtemps. C'est là où tout va se produire, le clou du spectacle. Je stresse, éponge mon front à maintes reprises et essaie tant bien que mal de rester le plus zen possible. Parfois, un homme, une femme, un couple ou parfois une famille passe juste devant moi pour satisfaire leurs sièges vides. Ils sont joyeux. L'attente d'une possible récompense est toujours agréable et s'entourer des gens qu'on aime l'est plus encore. En parlant de ça, je me demande où est ma femme. Les premières fois, elle avait du mal. Il est vrai qu'elle est plus terre à terre, moins esclavagée par la politique sociale ambiante, par les discours utopiques de quelques personnalités déboussolées et par les remises de prix souvent agrémentés de deux trois réflexions bêtes et baclées autour d'un soi-disant racisme qui gangrènerait le métier. Aujourd'hui, elle y fait face et est même devenue plus mature, se contentant de sourire niaisement à ces facilités et créant ainsi de véritables atomes crochues avec ce monde qui, au final, est si peu ouvert. Le champagne l'a, ma foi, toujours soutenue dans cette démarche.

Elle me rejoint quelques secondes avant que la mélodie de la cérémonie retentisse dans l'enceinte, toute pompante, avalant une énième mignardise. Il n'y a que pour sa beauté que mon regard change de victime ; contrairement à toutes les invitées, elle n'aborde qu'une simple robe verte que sa mère lui avait acheté chez un petit commercant quand elle avait dix-huit ans, ainsi qu'une ceinture marron qui coutourne sa taille. J'ai l'impression de la revoir le premier jour où nous sommes sortis ensemble, il y a maintenant dix printemps. Physiquement elle n'a pas changé ; ses yeux ont toujours cette innocence bienveillante et ses grains de beauté ornent à la perfection chaque recoin de sa peau. Elle est toujours aussi naturelle, grâcieuse. Et en plus de mettre ses sublimes formes en valeurs, la tenue s'accouple au mieux à ses longs cheveux blonds détachés qui se laissent aller au creu de son cou. On dirait une princesse et elle brille. Elle brille au coeur de toutes ces fantaisies et quoi qu'il arrive, peu importe si je ressors bredouille ou vainqueur de ce théâtre aux allures mondains, elle illumine ma vie et elle continuera de le faire tant que j'aurai le privilège de vivre à ses côtés.

Je souris et je reprends ma première activité. Sur scène, le petit personnel s'affaire. On y installe un présentoir ainsi qu'un tapis rouge placée avec une infime minutie au centre du plateau, au dessus de la montée d'escaliers. Ma femme pose sa main sur la mienne ; elle transpire. Je sers l'étreinte et carresse son pouce par réflexe amoureux. Repus et à moitié alcoolisés, les derniers convives s'installent en apaisant leurs conversations et le rideau se ferme, indiquant à la presse le début imminent du destin de nos âmes impatientes.

La première heure se passe à merveille et j'en oublie presque le stress qui me paralysait la veille. Tout le monde rigole, applaudit, les maitres de cérémonie sont hilarants et pleins de fantaisies. Bien que les remerciements à chaque remise de prix ressemblent plus à des exposés niais, baclés, redondants et impersonnels sur le travail mené en amont par les protagonistes de l'industrie, le temps passe relativement vite et bien. La première entracte permet aux vainqueurs de mieux célébrer la bonne nouvelle que beaucoup attendent encore et la seconde partie reprend l'envolée de la précédente, l'alcool aidant d'autant plus à la bonne humeur ambiante.

La fin de la journée est plus fatiguante et pour ma part plus éprouvante puisqu'elle s'approche irrémédiablement de ma sentence finale. Ma princesse semble ressentir les mêmes effets puisqu'elle ronge férocement ses ongles en regardant les derniers félicités grimper les marches du succès.

Trente minutes de plus et c'est à mon tour. Quatre personnes sont citées dans ma catégorie. Nous voyons sur l'écran géant de la salle, le pourquoi de notre présence. La lumière revient alors sur le visage de la présentatrice, qui arbore son sourire le plus hypocrite pour dévoiler enfin celui qui repartira les mains pleines à la fin de tout ce remue-ménage. Le suspense grimpe en flèche et s'accentue d'autant plus quand je vois mon visage moite sur la même toile blanche qui a présenté mon travail il y a quelques secondes.

Elle déchire l'énorme enveloppe et en sort la fameuse fiche cartonnée qui à elle seule a du coûter une blinde.

Tous les convives retiennent leur souffle. Moi, je ne respire plus.

Quand elle annonce le lauréat, je mets plusieurs secondes à prendre conscience de ce qui sort de ses lèvres.

- Steven Saurel !

Tandis que la foule applaudit chaleureusement, que ma femme me prend dans ses bras en pleurant et que mon téléphone commence déjà à vibrer, je n'ai d'yeux que pour mes pauvres compagnons de route qui font de leur mieux pour cacher leur déception et qui pour autant, se sentent obligés de féliciter à leur tour celui qui gâche soudainement leur plaisir.

Je me mets tellement à leur place que je m'excuse plus que j'exulte en descendant jusqu'à la fameuse scène où m'attend la statuette.

C'est en montant les marches que je commence à prendre conscience de ce que je suis en train de vivre.

Je regarde et remercie à peine la belle brune maitresse de cérémonie, lui retirant l'objet qu'elle-même jalouse et je m'avance vers le présentoir, où tout le monde attend le discours ultime, celui du grand vainqueur.

Ils sont tous là, certains émus, d'autres déçus, à me contempler. Les projecteurs me brûlent la rétine et je cherche ma chérie du mieux que je peu car c'est elle qui m'a le plus soutenu toutes ces années, dans les meilleurs comme dans les pires moments et c'est dans ses yeux que j'arriverais à prononcer les plus beaux mots sans me laisser abattre par la peur et l'émotion. Mais je ne la vois plus.

Je ne vois plus qu'une place vide.

La salle me pousse, hurle ; elle insiste. Ils sont heureux, ils fêtent. Ils le font pour moi. Tout ça pour moi ...

Une larme coule.

Je me lance.

- Merci, merci infiniment. Vous êtes incroyables. Incroyables, c'est le mot. Il y a beaucoup de choses que j'aimerai vous dire mais je ne sais pas vraiment par où commencer. C'est fou ce qui est en train de se produire, complètement fou. Je suis là, avec cette récompense et je ne sais pas même pas si je le mérite. Je ne sais même pas si je mérite quoi que ce soit pour être honnête. C'est un rêve qui se réalise pour sûr et j'ai le culot d'être sur un petit nuage alors que d'autres y croyaient autant que moi mais seulement, j'ai encore peine à croire que j'y sois arrivé. Pour autant, j'ai toujours voulu faire du cinéma. Ne serait-ce que pour fruictifier mes multiples mensonges que je balançais étant jeune. Il n'y a que dans ce domaine où on est payé pour faire croire tout et n'importe quoi à n'importe qui. Oh oui, ce que j'ai pu en dire des âneries. Mélody, ah ... Sans doute m'as tu oublié depuis tout ce temps et tu as eu bien raison. C'est une histoire marrante à raconter cependant. Je lui ai joué mon meilleur rôle. Meilleur rôle qui au final a été le pire. Un rôle que j'ai digéré comme un humain pourrait absorber le diable et il s'est tant accroché à moi que j'ai presque eu peur d'en perdre la raison. Je l'aimais Mélody. Ça, pour l'aimer. J'en étais fou. Et je voulais lui plaire autant qu'elle me plaisait. Alors, je lui ai fais croire que j'étais batteur dans un groupe de musique et qu'avec mes gars, nous avions fait un festival en Angleterre qui, évidemment avait marché du tonnerre. Oui, oui, c'est ridicule, je le sais bien ! Je le sais bien. Et bien elle m'a cru figurez-vous et, logiquement, je ne pouvais pas m'arrêter en si bon chemin, ça aurait été trop ... simple. Rien n'est simple dans la vie, rien. Encore moins quand nous commençons à y croire nous même. J'ai alors élaboré un univers, j'ai crée le reste du groupe, leur nom, leur personnalité ainsi que leur âge. Jusqu'au jour où Mélody m'a présenté à une autre de ses amies et donc, en une poignée de secondes à peine, je me retrouvais à prolonger le mensonge, à l'allonger, à le travailler encore et encore ... Cette amie, Charlotte, avait un père alcoolique. Elle m'en avait parlé, entre deux conversations, entre deux de mes affabulations qui ont fait ce que je suis devenu aujourd'hui. Et donc, vous le devinez en mille, qu'est ce que j'ai fais ? Eh bien, dans cette quête de l'homme parfait, qui peu ainsi avoir réponse à tous problèmes, j'ai de nouveau franchit un cap et lui balançais, comme je me balançais à moi-même, que mon meilleur ami, qui s'avérait être aussi le chanteur et leader de ce groupe fictif, souffrait lui aussi d'un daron accroc à la bouteille et qui, en conséquence, s'était rapproché de l'univers de la musique pour évacuer les peurs et les colères qu'il avait accumulé durant son enfance, ce qui lui avait permis à la longue d'être devenu l'homme charismatique, évidemment, et fort qu'il était désormais. David qu'il s'appelait mais je vous le demande ; auriez-vous négligez la personnalité dévastatrice que vous avez en face de vous ? Parce que ce David, lui non plus, n'existait pas ! Et, attendez, vous n'en êtes pas encore au clou du spectacle ! Car, oui, elles ont parlé avec ce pauvre bougre qui aurait préféré rester dans mon imagination malsaine ! Eh, oui ! Les deux ! En deux temps trois mouvements le voilà devenu conseiller, meilleur pote et au vu du charisme qu'il semblait dégager, un mouilleur d'entre-jambe invisible ! Pardon ... Pardonnez mon vocabulaire mais c'est la plus noble des vérités et la plus noble des vérités est si douloureuse, aussi douloureuse que ce que la pauvre Mélody a du ressentir le jour où elle a compris l'acharnement mensonger dans laquel je l'ai plongé. Charlotte, n'en parlons pas. Elle a faillit sortir avec lui alors, voyez-vous ... Puis j'en ai tant d'autres. Des plus mignonnes, aux plus infectes comme celle-ci. J'ai menti à mes professeurs, à mes camarades de classe, à mes parents, à ma famille, bien que ce soit là plus compliqué et je ne parle pas de petites bêtises comme tout jeune s'amuse un jour ou l'autre à faire, non, je parle de manipulations aussi grotesques qu'inutiles, comme ce jour où j'ai crié sur tous les toits que j'avais un frère raciste de six ans de plus que moi qui frappait les arabes, tout ça pour impressionner, quelle absurdité que ce mot, le seul jeune de mon âge qui voulait bien partager quelques minutes de son temps avec le petit gros que tout le monde évitait ! Alors, comme vous l'imaginez, si je suis ici aujourd'hui, eh bien on en rigole puisqu'au final, j'ai réussit dans le mensonge ! Je suis acteur et depuis plus de dix ans maintenant, j'ai, comme tout le monde, évolué, gagné en maturité, trouvé une femme qui m'a aimé et continue de m'aimer pour la personne qui se présente maintenant face à vous. Hélas ... S'il suffisait de s'acharner sur une tâche sans même essayer de comprendre ce qui nous pousse à agir de la sorte, la vie, là, serait bien simple en soit. Et je croyais être fait pour le cinéma du coup, je le croyais vraiment. Or, c'est faux. Tout cela est aussi faux que ce que j'ai fait croire à Mélody et à Charlotte. Au final, je n'ai jamais cru en rien. Je n'ai jamais cru en moi, jamais cru véritablement à l'amour ... Tout ce que j'ai espéré, tout ce que j'ai cru ressentir, tout ce que je désirais était et demeure encore actuellement faux. Je me suis menti à moi-même, toute ma vie. Je me suis tant persuadé que le cinéma serait ma porte de sortie, l'échappatoire d'un manque de confiance dévorant ou que sais-je encore ... Je me suis tant attaché à cette idée, que je me suis à peine rendu compte ce dans quoi j'embarquais. Le cinéma est devenu plus qu'une passion, il est devenu un mode de vie. Je voyais l'amour comme sur le grand écran, avec ces facilités et ces drames absurdes. Je m'attendais à vivre, à chaque coin de rue, ce que Jack a ressenti pour Rose et quand une fille me plaisait, quand ses yeux marquaient mon cerveau à l'encre indélébile, je faisais tout, machinalement, naïvement, pour provoquer l'amour de cette autre. Je le fais toujours. Lorsque ma tante décédait après s'être pendue au bout d'une corde, je pleurais beaucoup, certes, mais à chaque fois que mes larmes mouillaient mes grosses joues boudinées, je voulais que ce soit beau, je voyais la caméra, la lumière, je me voyais moi, filmé de près, filmé de loin, avec la musique larmoyante en fond. Toutes mes peines sont passées à travers ce filtre et à chaque fois, je joue à l'acteur, je fais aussi semblant que ce qu'ils font mais dans la vie réélle et ce à travers mes propres déchéances personnelles comme si mon existence n'était tirée que par une bobine de film. Et ce film que je juge magnifique à l'instant T, n'est en fait que le miroir d'une comédie burlesque qui est tout sauf poilante mais bel et bien dramatique. Alors comment espérer devenir acteur si je persiste dans le mensonge de ma propre vie ? Faire ce métier demande du travail, sur soi comme d'une manière plus global. Il faut avoir les pieds sur terre, savoir qui l'on est, pouvoir se fixer des objectifs pertinents et ne jamais lâcher, se battre, ne jamais douter de son potentiel ! Mais le potentiel n'est pas de mentir sur ce qu'on est en dehors des planches ! Acteur est un métier et non un caractère définit ! Quand on joue un personnage sur les planches, il ne nous appartient plus dès lors où les rideaux tirent leur révérence ! Le problème, c'est que je suis un personnage et ce n'est pas ce que demande le milieu de l'acting, car ici, vous tous là, vous vous en branlez de ce que je suis, n'est ce pas ? Je change en permanence de personnalité, je mens comme je respire, je suis enfermé ! Enfermé dans un long-métrage que personne ne verra jamais, que personne ne voudra jamais voir de toute façon ! Je suis une histoire insoutenable, lunatique, irracontable, dépourvu de sens et inintéressante, qui blesse tous ceux qui osent s'en approcher ! Clarisse ! Clarisse. Clarisse ... Tu ne m'as jamais rencontré, puisque je n'ai jamais vraiment été moi-même. C'est bien pour ça que tu me hais tant maintenant. Parce que c'est durant notre relation que je me suis rendu compte de la supercherie que j'étais. Et dès lors où je l'ai compris, je me suis rendu compte de l'inexistence de ma personne. Alors, j'ai essayé mon amour, j'ai essayé. D'écouter, de m'instruire, de prendre mon temps mais je me suis vite heurté à toutes ces années de semblant où je n'ai rien retenu, rien appris et où je me suis de plus en plus imbibé de cette autre vie, qui me forgeant de mensonges m'a conduit tout droit à l'être infecte que je t'ai trop longtemps contraint à subir ! Car ne sachant exprimer, ne sachant comment je pouvais rattraper toutes ces années perdues, je me suis mis à bouffer, à boire puis à picoler pour enfin ne plus prendre conscience de mon inutilité. Alors oui, oui, je t'avais mon amour. Mais passé mes longs discours cinématographiques sur l'amour à la Jack que m'évoquaient tes doux iris verts, j'ai senti que je n'avais que ce faux-semblant à t'apporter. Je n'ai jamais su dire les choses autrement, je n'ai qu'appris à être une pâle copie de films bons marchés, abrutissants. Je sais plaire, je sais rendre les femmes amoureuses de moi, mais tu n'as jamais été amoureuse de moi Clarisse ; tu n'as qu'aimé l'amour que je te promettais. Et tu y as cru. Oui, beaucoup de personnes, peu importe leur âge et leur milieu social sont sensibles à ces bêtises parce qu'ils l'espèrent. Le cinéma c'est du rêve, de l'incroyable, de l'extraordinaire et qui ne souhaite pas de tous ces termes quand le monde lui-même ne vit que pour ça ? Les gens se lassent de plus en plus, ils s'ennuient, s'emmerdent ferme et ils existent uniquement par rapport aux mythes qu'on leur raconte et qu'ils se racontent de plus en plus souvent eux-mêmes. Ils veulent être plus beaux qu'ils ne le sont déjà, plus grands, plus forts, vivre plus d'expériences, tout connaître ! Surtout, ils veulent se juger les uns aux autres, se comparer, se jalouser, vivre l'existence du voisin, d'autant plus quand ils leurs arrivent quelque chose d'incroyable. Et tu en avais sans doute besoin Clarisse ... Qui ne rêve pas d'amour, de promesses, d'avenir ... Je sais bien de quoi je parle. J'ai tant rêvé de rêves. J'en ai tant rêvé que j'en suis devenu un. Je ne te reproche rien, bien au contraire. Tu es bien plus saine que je ne l'ai jamais été. J'ai alimenté ton rêve comme j'ai toujours su le faire avec qui que ce soit. Mais j'en souffre plus que n'importe qui, parce que j'ai blessé et je me suis anéanti. On m'a tellement détesté puisque je me détestais et aujourd'hui, je n'ai plus aucun amour-propre, l'alcool ayant, je veux bien l'admettre, détruit encore plus le peu de considération qui me restait. Je suis maintenant un homme terriblement cynique, ayant aussi peur des autres que de moi-même et je hais le monde férocement comme je me répugne, m'entourant uniquement de camrades de beuveries en dehors d'une femme que je n'ai aimé que pour me sentir vivant, que pour qu'on nous regarde et qu'on me jalouse. Alors, je vous remercie malgré tout pour cette récompense. J'aurai voulu que mon père voie ça de son vivant et dans des circonstances plus concrètes mais enfin ... Lui qui n'a toujours été qu'amour, bienveillance et gentillesse ... Il a dû partir de honte. Alors, oui, merci de m'avoir écouté car après tout c'est bien ici que j'ai souvent cru avoir ma place. Ici, dans le paradis du mensonge. Avec vos costumes d'apparences, avec vos sourires narquois et trompeurs, avec votre secte de gens privilégiés qui aiment donner des leçons sur tout et rien alors qu'ils gagnent deux fois plus que la moyenne pour ne dire que des conneries. Vous n'êtes là que pour vous faire voir, pour faire semblant d'exister. Vous n'avez plus rien de vivant, vous êtes des éponges d'émotions factices juste bons à faire rêver les pauvres gens qui n'ont pas la même chance que vous. J'en ai fini. Définitivement. Vous m'avez tant hanté et pourtant vous ne m'avez rien fait. Disons que c'est pour la symbolique.

Le public disparaît petit à petit. Il ne reste plus que Clarisse assise avec un autre homme au beau milieu de la salle. Elle est toujours aussi belle, presque idyllique.

La salle se met à trembler sous des coups violents. De la fumée tombe du plafond.

Clarisse et l'homme se lèvent, applaudissent et partent. Dans un dernier bruit sourd, elle s'arrête, se tourne et me regarde. Elle sourit.

On tambourine à la porte.

- Hé, c'est pas vrai ! Ferme là, bordel ! On t'entend dans tout l'immeuble ducon ! Ouvre la porte qu'on s'explique, mauviette !

Voyant qu'il n'y a pas de réponses, l'inconnu redescend chez lui.

Steven ne comptait pas lui ouvrir de toute façon. Il est allongé contre le radiateur du salon, quatre bouteilles de vodka face à lui, vides. Il y a plusieurs traces de vomi dans toute la pièce.

Il gît alors qu'il criait il y a encore quelques minutes.

Ses yeux bougent encore dans tous les sens comme si ils essayaient de trouver un échappatoire.

Puis ils s'arrêtent, la tête de leur propriétaire glissant maintenant contre le radiateur brulant du petit appartement lyonnais.

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