Chapitre 31

20 minutes de lecture

Aujourd'hui, c'est le grand jour. Suite à la visite d'Annais, je me suis un peu calmé. Je n'arrivais plus à gérer leur appétit et mon nouveau poste. Cette aventure m'a stressé plus que je ne l'aurais cru. Comme promis, le dimanche a été pour ma petite chienne. Et ce dimanche-là m'a clairement donné envie de recommencer, et plus souvent. C'est un côté de moi, jusqu'ici seulement effleuré, qui me plaît beaucoup. Et encore plus à Amandine!

Mais je dois partitionner les choses. J'ai voulu prendre ce nouveau boulot à la légère, et je n'aurais pas dû. Il est important pour moi, peut-être plus que pour l'entreprise. Au-delà du fait que je veux prouver ma valeur, je me sens comme investi d'une sorte de mission: faire sortir de l'ombre la littérature érotique, qu'elle ne soit plus vue comme sale ou comme un simple amusement sans grande valeur.

Mes lectures ont été ce qui m'a fait comprendre beaucoup de choses sur les relations humaines. La bêtise d'une société qui ne veut pas accepter la différence, tout en se disant ouverte. Et aujourd'hui, c'est le lancement officiel des appels à textes. Lorsque j'arrive au bureau, tout le monde est à cran. À 9h30 précise, les appels inonderont la toile. Les webmasters (ou quelque soit leur titre exact) se sont gavés de café toute la nuit pour s'assurer de n'avoir rien oublié. Moi, je me réfugie dans mon bureau. Amanda est particulièrement bien habillée. Un petit décolleté qui me fait sourire. Mon café est déjà prêt et je m'enferme dans cette pièce, face à l'écran.

Boîte mail ouverte, pages des réseaux sociaux affichées. Il n'y a plus qu'à attendre. À 9h17, mon téléphone sonne et j'entends la voix d'Amanda:

-- Monsieur le Directeur Général souhaite te parler.

-- Oh, heu... Oui, passe-le moi.

Je me râcle la gorge avant d'entendre sa voix, à la fois douce et grave. Le genre de voix qui vous met à l'aise, mais bien décidée. On comprend rapidement qu'il ne faut pas le décevoir, quand il vous parle.

-- Vous êtes fin prêt, Julien?

-- Autant qu'un parachutiste. On a beau avoir vérifié mille fois que tout est en ordre, on a toujours l'impression d'avoir oublié quelque chose au moment de sauter.

-- Ahah! Oui, je vois exactement. J'ai cru comprendre que vous aviez pris les devants avec une autrice.

-- Oui, je la rencontre tout à l'heure. Elle est très suivie sur les réseaux sociaux, pour d'autres styles de texte. Ses nouvelles pourraient faire un carton, et je pense que la mettre en avant serait une bonne chose. Vous savez... Se montrer dès le départ comme des découvreurs de talents. Et si nous recevons un texte d'un ou d'une auteure expérimentée, qui a déjà publié ailleurs et qui a eu du succès, ce serait la combinaison gagnante. Surtout sur les salons.

Il prend un petit temps avant de continuer. Petit moment où je commence à douter. Suis-je crédible? Est-ce qu'il ne va pas me gueuler dessus parce que j'aurais dû plus en référer à Arthur?

-- Vous dominez votre sujet, Julien. C'est parfait. On se verra ce soir.

-- Oh! Vous serez des nôtres?

-- Évidemment! J'ai voulu cette maison d'édition. Et tout le Conseil d'Administration sera présent. Ils ont hâte de vous rencontrer. Espérons que vous aurez de bonnes nouvelles à leur annoncer.

Comme je le disais. Tout en gardant un ton amical, cette dernière phrase sonne comme une menace. Les quelques minutes qui suivent sont une véritable torture. Puis enfin, je vois les appels lancés, tels des bouteilles à la mer, espérant que quelqu'un lira le message. Presque aussitôt, beaucoup de gens aiment les publications. Certains se plaignent de voir une nouvelle maison d'édition dirigée par des amateurs, d'autres ravis au contraire de voir ce genre de collections avoir une place de choix dans des maisons d'édition généralistes. Mais à 10h je n'ai reçu aucun mail. Aucun de mes contacts qui m'avaient dit qu'ils seraient les premiers à m'envoyer quelque chose n'ont envoyé quoi que ce soit.

Dans trente minutes, Karine Masser arrivera. Et pour l'instant, elle est la seule autrice de la collection. Je descends fumer une cigarette sur le trottoir. J'aimerais tant entendre les gens parler de ça dans la rue, que le monde entier soit excité à l'idée de cette nouvelle maison d'édition qui vient de se lancer. Il y a dû y avoir un attentat, pour que personne n'en parle, c'est pas possible!

Je remonte d'une humeur massacrante, mais le sourire d'Amanda fait accélérer mon coeur.

-- Nous avons reçu dix nouvelles et trois romans. La journée va être longue!

Je me retiens de lui rouler une pelle et me réfugie dans mon bureau. Je la charge de répondre aux gens pour leur dire que nous avons tout bien reçu, et télécharge les fichiers, bien classés dans mon ordinateur. Lorsqu'elle m'annonce que Karine est arrivée, je lui dis de la faire entrer et de nous rejoindre. Ladite Karine est un petit bout de femme presque sans formes. Croisée dans la rue, je l'aurais prise pour une geek, plutôt qu'une amoureuse des mots. Brune aux cheveux longs qui lui tombent dans le bas du dos, elle a de petites mains molles et des yeux foncés grands ouverts sur moi.

Nous nous installons dans la partie salon du bureau et Amanda nous rejoint rapidement avec de quoi boire. La présence de la secrétaire détend un peu Karine, et bientôt, l'ambiance est plus détendue. Elle découvre le monde de l'édition et m'avoue n'avoir jamais vraiment osé soumettre un de ses romans, de peur qu'un refus la fasse arrêter d'écrire. Je la rassure sur sa qualité d'auteure et en viens rapidement au point le plus important:

-- Je ne vais pas vous cacher que j'ai particulièrement aimé votre nouvelle. Qui peut en plus, pour certains lecteurs, être une belle porte d'entrée vers vos autres ouvrages. Moi, ça m'a donné envie d'en savoir plus, en tout cas. Donc si vous êtes prête, j'aimerais que vous soyiez une des auteures que l'on mettra en avant pour la collection. Vous ne serez pas seule, bien sûr. Mais ça me tient à coeur de vous faire accepter la petite tournée des salons que l'on a prévu pour le lancement de la collection.

-- Genre... Passer mes journées à attendre que quelqu'un me demande un autographe?

-- Karine, souffle Amanda en prenant le relais. Il s'agit de bien plus que ça. C'est aussi l'occasion d'aller à la rencontre de tes lecteurs.

-- Heu... Mes lecteurs ne savent pas que j'écris ce genre de choses.

-- Arrête un peu... Tu lis comme moi les commentaires des gens. Ils vont sauter sur l'occasion de découvrir leurs héros plus... intimement!

-- Je sais pas si j'oserais, vraiment...

-- Écoutez, mademoiselle Masser. On ne vous met aucune pression. Vous avez lu dans le contrat que dans le cadre de notre mission de promotion des ouvrages, la participation des auteurs aux salons, ou aux différentes émissions télévisuelles ou radiophoniques sont vivement recommandées. On ne peut pas vous y obliger, mais ce serait une aubaine pour vous. Et tout autant pour nous. Vraiment, ce que j'ai lu, c'était...

-- Excellent, me coupe Amanda. Et tu as devant toi deux personnes qui lisent beaucoup de ce genre d'histoires. Deux personnes qui sont prêtes à te faire décoller. On a juste besoin de ton accord.

-- Mais est-ce que ça veut dire que je devrais plus faire que ça? Genre, je devrai pondre deux bouquins par an?

-- Ah non! Vous restez tout à fait libre. Moi, ce que j'aimerais, c'est mettre votre nouvelle au format électronique. Et recevoir les autres, ou au moins quelques unes, pour en faire un recueil au format papier. Je vais être clair avec vous. Vous nous aider à faire des ventes et bien lancer cette collection; de notre côté, on vous aide à vous faire un nom. Et si le reste de vos écrits sont aussi bons que celui-là, ça viendra vite. Si vous voulez oublier la partie vente de l'auto-édition, je suis quasiment sûr que nos collègues vous feraient une place pour vos romans de science fiction. Alors?

-- Ben...

-- Dis oui, Karine!

-- Ok... C'est... Merci, vraiment. Je m'attendais pas à ça.

-- Croyez-moi, je ne m'attendais pas non plus à ça quand j'ai commencé ma lecture!

Un ange passe, où je surprends un échange de regards gênés entre elles. Mais je ne m'y attarde pas. J'ai mille choses à faire, et je laisse les deux amies s'en retourner ensemble à l'accueil pour, sûrement, un débriefing entre copines. Pour ma part, je fais le tri dans les résumés que je lis. Avant la pause de midi, j'envoie au comité de lecture un ordre de priorité, avec les fichiers associés, sans les noms, même si je répère une nouvelle de la part d'un auteur plutôt connu dans ce milieu-là. J'ai déjà lu et apprécié deux de ses romans, mais je ne veux pas que le comité soit influencé par les noms, s'ils connaissent.

Si cela reste très excitant, lire ces textes à la chaîne m'empêche de prendre le temps d'ouvrir mon pantalon. Autant dire, donc, que lorsque je rentre chez moi pour une douche et me changer avant d'aller à cette soirée avec Amandine, je suis légèrement sur les nerfs:

-- À genoux, petite chienne. Faut que je jouisse.

-- Oh! Bien, Maître!

On dirait une adolescente à qui j'aurais donné la permission de minuit pour la première fois. Enfin... Jusqu'à ce qu'elle plante mon pieu au fond de sa gorge. Là, c'est la salope proche de la trentaine qui refait surface. Accrochée d'une main à mes couilles, l'autre sur ma cuisse, ma belle Amandine se fait un devoir de me pomper comme une morfale, me précisant tout en reprenant son souffle qu'elle ne voudrait me faire arriver en retard.

Alors je l'aide. Mes mains accrochent ses cheveux et dans un puissant râle, je la baise littéralement. Ses doigts qui se crispent sur mes bourses me lancent des pics de douleurs que je m'empresse de lui faire payer en cognant le fond de sa gorge sans aucune retenue. Elle relève les yeux vers moi, son maquillage coule. Mais je m'en moque, elle recommencera. Lorsque je ralentis pour la laisser reprendre de l'air dans ses poumons, elle se transforme en furie.

-- Donne-moi ton foutre, Maître... Soulage-toi dans ma bouche...

Ce disant, elle glisse sa main jusqu'à mes fesses et pousse son doigt contre mon anus. Je me crispe de plaisir, m'accroche de plus belle à ses cheveux blonds. Elle me sourit, heureuse, sachant très bien que de cette manière, elle va accélérer ma jouissance de façon exponentielle. Les yeux dans les yeux, elle garde simplement mon gland en bouche et commence à me doigter avec douceur. Chaque fois, elle s'enfonce un peu plus loin. Chaque fois, mon plaisir augmente. Mes jambes semblent perdre toute consistance, comme si mes mains dans ses cheveux étaient tout ce qui me tenait encore debout.

Et quand elle réussit à enfoncer son doigt entier, elle m'avale d'un coup, jusqu'à la garde. J'en ai le souffle coupé. Mon corps semble gagner 30 degrés en une seconde. Sa langue s'agite sous ma verge, me lance des vagues de plaisir presque insoutenables, agrémentées par son doigt qui s'agite dans mon cul, son doigt si fin et pourtant si serré en moi. Elle doit sentir les soubresauts de ma queue, les contractions de mon anus, tout ce qui annonce une arrivée prochaine de ce qu'elle a réclamé.

Ses lèvres coulissent le long de mon chibre et elle se met à aspirer mon gros gland qui lâche d'épaisses giclées de sperme. Crispé de tout mon corps, j'ai l'impression que son doigt va empêcher que ça s'arrête un jour. Chaque spasme est relancé par l'enserrement de ce doigt en moi, et je dois vivement reculer, haletant, en sueur, pour mettre fin à cet orgasme.

Un instant, je la regarde en pleine panique. C'est la première que ça me fait ça. En même temps, je me rends compte de l'emprise qu'elle peut avoir sur moi, même si c'est elle qui est à mes pieds. Peut-être parce qu'elle est à mes pieds. Elle reprend son petit air d'adolescente innocente mais je ne suis pas dupe: elle est fière d'elle. Je grogne de plaisir et prend son visage dans mes mains pour le relever et l'embrasser à pleine bouche.

-- Je suis désolé, ma belle. On n'a pas le temps pour que je te fasse jouir, faudra attendre.

-- Qui t'a dit que j'ai pas joui? me lance-t-elle en me narguant.

À noter dans mes pensées: ne plus jamais la sous-estimer, et toujours me laisser surprendre!

La douche a calmé un peu nos ardeurs et nous voici dans les locaux qu'Amandine connaît déjà. Il y a déjà pas mal de monde et j'ai l'agréable sentiment qu'une partie de la gente masculine comme féminine m'envie d'arriver aux bras d'une femme aussi magnifique. Et peut-être aussi jeune. Amanda nous accueille la première en nous apportant un verre, me glissant à voix basse:

-- Je crois que vous allez être très demandé, ce soir, Julien. Là-haut, ils ont eu vent du succès de l'appel à textes. On en reçoit encore plus maintenant que la journée de travail est finie. À ce rythme-là, il va falloir faire une croix sur le sommeil pendant quelques temps.

Elle nous laisse entrer dans la pièce où tout le monde s'agglutine pour l'instant. Arthur vient directement me chercher et reluque Amandine avec envie. Elle semble apprécier, d'ailleurs. Il nous guide jusqu'au groupe le plus important de la soirée: le Conseil d'Administration au grand complet. Une brochette de types et femmes qui ont tous et toutes l'air d'avoir un balai dans le cul. Pas un sourire, pas une exclamation. Les regards posés sur Amandine n'ont rien à voir avec l'envie ou le désir. D'ailleurs, je pense que je passe pour un vicieux qui aime les jeunes femmes. Cela dit, l'image qu'ils se font de moi à ce moment-là n'est pas bien loin de la vérité. Les orgies et les trucs qu'ils considèrent comme malsains et déviants, c'est mon quotidien. Un instant, je me dis que j'aurais dû me branler avant de leur serrer la main.

Le Big Boss, lui, est un peu plus chaleureux. Et aussi attiré par les charmes d'Amandine que son fils. D'une petite tape sur l'épaule, il me félicite pour ce lancement qui ne présage que du bon, et dès que je peux, je prends ma blonde par la main pour qu'on s'écarte de ce groupe. Je cherche Arthur, mais ne le trouve pas. Je n'ai pas eu l'occasion de le remercier d'avoir appuyer aussi efficacement auprès du Conseil pour la création de cette collection.

Lorsque le Big Boss prend la parole pour gonfler les ego de tout le monde, Amandine est en train de discuter avec Nicole, qui fait partie de mon comité de lecture. Pendant que j'écoute le laïus du Directeur Général, je sens un petit coup de coude et me tourne sur la droite pour découvrir une Sandrine particulièrement belle. Au point de dénoter avec le reste de l'assistance, car elle porte carrément une robe de soirée. La seule à avoir cru être invitée à une sorte de gala. Mais personne n'oserait jamais le lui faire remarquer. Tout en gardant les yeux braqués sur le Boss, elle me tend un petit paquet sorti de son sac. Je me rends rapidement compte qu'il s'agit d'un livre.

-- Intéressant, me fait-elle. J'ai hâte de lire ce qui sortira de chez nous.

-- Merci, dis-je en souriant de toutes mes dents. Je pense que tu ne seras pas déçue. Belle découverte, alors?

-- Surprenante, je dois bien avouer. Je suis en contact avec des salons plus... généralistes, dirons-nous. Je verrai s'il y a la possibilité d'afficher ce genre de livres. Je suppose que tu t'occupes toi-même des salons spécialisés?

-- Oui. Et la plupart sont ravis de nous accueillir. Un peu de sang neuf. Mais tu pourras profiter pour venir et te faire de nouveaux contacts. Je suis certain que tu pourrais y croiser des personnes plus... généralistes. Et dans des circonstances un peu plus détendues.

-- C'est toi qui es trop détendu, Julien. Beaucoup ont déjà l'impression que tu pavanes en vainqueur dès le premier jour. Au fait, jolie, ton amie.

-- Je vois, oui. Tu pourras dire à ces "beaucoup de gens" que je compte pas baiser toutes les auteures pour qu'elles puissent éditer ici. Et que si je me fais sucer, ce sera uniquement pour le plaisir. Ce petit succès n'en est qu'un petit, mais j'ai bossé à fond pour qu'il existe. Moi et Amanda, d'ailleurs.

-- La secrétaire qui n'a pas froid aux yeux... dit-elle avec un petit coup de tête vers elle, plus loin, en pleine discussion avec Arthur.

-- Je crois que je vais aller dire un petit mot à Arthur. Tu m'excuses?

Je m'éloigne avec le goût de la gerbe dans la bouche. Je chope un verre en passant à côté du buffet et m'approche d'eux en sentant comme une gêne quand ils me voient. Je fais comme si de rien n'était et remercie chaleureusement Arthur. Si tout cela existe, c'est grâce à lui, et il a abattu un sacré boulot. Un peu de pommade au directeur de la maison d'édition ne fait pas de mal. Rapidement, il repart vers le Conseil d'Administration et je demande à Amanda:

-- Un souci?

-- Disons qu'il est un peu plus déçu que je ne pensais de mon changement de poste, me dit-elle avec un petit ton sec.

Il y avait donc sûrement plus que le boulot, et la phrase de Sandrine a un écho plus compréhensible à mon oreille. Mais je n'insiste pas sur le sujet.

-- Tu es venue toute seule? Ton compagnon n'aime pas ce genre de soirées?

-- Il n'y a pas de compagnon, me répond-elle avec un petit sourire en coin. Et mon amie était déjà prise, pour ce soir.

Je ne peux m'empêcher d'ouvrir des yeux tout ronds, en comprenant qu'il s'agit d'une compagne et non d'un compagnon. Je me reprends rapidement et lui souris, me voyant sauvé par l'arrivée d'une Amandine apparemment à son aise, alors que tout le monde applaudit mollement le discours du Big Boss:

-- Cette Nicole est adorable! Tu ne m'avais pas dit que tu avais des collègues passionnées de bouquins coquins.

Je rougis légèrement en voyant Amanda lui répondre:

-- En fait, il en a deux. Il ne vous a pas dit que j'ai insisté pour ce poste?

-- Non, le petit cachottier! me fait-elle avec un coup de coude taquin.

Amanda-Amandine. Bordel, je dois absolument trouver quelque chose à dire qui ne révèle pas mes pensées de l'instant. Elles sont là, toutes les deux en face de moi, et je n'arrive pas à m'empêcher de penser que si Amanda aime les femmes, elle ne doit pas être insensible aux charmes de ma belle blonde.

-- C'est que j'étais débordé par le boulot...

-- Et il adore son boulot! s'exclame Amandine avec un sourire vers Amanda.

Je ne suis plus le seul à rougir. Ma secrétaire doit repenser à cette histoire de café renversé, je les imagine s'embrasser là devant moi. Et Amandine se délecte de la situation, en rajoutant une couche.

-- J'ai hâte que tu ramènes du boulot à la maison, d'ailleurs.

Le petit regard qu'elle me lance a le don de me sortir de ma torpeur. Et après tout, si je dois bosser longtemps avec Amanda, autant qu'elle sache à qui elle a affaire.

-- Vu le succès de cet appel à textes, ça risque d'arriver très vite. D'ailleurs, Amanda, j'aimerais qu'on organise un premier bilan vendredi, avec le comité de lecture. Et que chacun me dise jeudi soir où ils en sont arrivés.

-- Très bien, me dit-elle en reprenant une posture plus professionnelle. Je passerai vite fait par le bureau pour leur annoncer ça avant de partir.

-- Ah non! lui dis-je. Ce soir, on profite. C'est sûrement le dernier moment de détente qu'on aura dans ce bâtiment avant des mois. Tu vas nous chercher des verres, ma belle? Amanda est à sec.

Mais je suis rapidement déçu. Une fois le discours terminé, le Conseil d'Administration s'en est allé, et à leur suite quasiment tout le monde. En peu de temps, nous ne sommes plus qu'une dizaine, et des geeks en grande majorité. Non pas que je ne les apprécie pas, mais leur humour me dépasse. Et c'est quand Amanda m'annonce qu'elle a oublié de me dire que le frigo de mon bureau a été livré pendant que j'étais repassé chez moi que les choses tournent bien.

-- Oh! Il ne reste plus qu'à le remplir, alors! dis-je en reluquant le buffet que des serveuses commencent à ramasser.

Comme trois gamins, nous nous relayons pour tromper leur vigilence et quelques minutes plus tard, nous sommes réunis, ricanant, dans mon bureau.

-- Surtout, que ce moment n'arrive jamais aux oreilles de qui que ce soit!

-- Je perdrais mon travail avant toi, me lance Amanda que je soupçonne d'être un peu émêchée.

Amandine est venue s'asseoir sur le même fauteuil que moi. Et sa main joue avec mes cheveux. D'où je suis, je ne peux que voir les yeux d'Amanda sur ma blonde. Et je sais à quoi elle pense. Surtout que je me doute, sans le voir, qu'Amandine le lui rend amplement. Elle finit par baisser timidement les yeux, puis revient sur moi:

-- Je peux vous demander comment vous vous êtes rencontrés? demande-t-elle.

Mais aussitôt, elle s'offusque d'elle-même.

-- Pardon! Excusez-moi, je... Je crois que j'ai trop bu, je ne devrais pas être là, je ferais mieux de rentrer.

Amandine se met à ricaner et j'ai peur que ça ne la vexe. Alors je me penche vers elle, par réflexe, et pose ma main sur son épaule pour la rassurer:

-- Calme-toi, Amanda. Écoute... Personnellement, je te vois comme une collègue. J'aime pas toutes ces histoires de hiérarchie. Ce succès, c'est aussi le tien, autant que le mien. Alors assieds-toi et buvons pour fêter ça.

-- Et pour te répondre, continue Amandine sur un ton taquin, je l'ai connu à l'anniversaire de ma vieille tante, une amie à lui.

-- Une vieille tante qui a quelques années de plus que moi, je précise! dis-je pour ma défense.

-- Trois, pour être exacte, plante Amandine dans mon dos.

Amanda se décrispe d'un coup et éclate de rire.

-- Je suis désolée. Je me sens bête. Mais c'est... votre différence d'âge. C'est juste que... je me souviens que je n'étais pas du tout attirée par les hommes plus vieux.

-- Jusqu'à ce qu'on y goûte, répond Amandine maintenant clairement excitée. Les quarantenaires sont les meilleurs...

-- J'ai pas encore quarante ans, oh! J'en conclus que... ça t'est venu plus tard, les femmes.

-- Beaucoup plus tard, oui, me répond-elle en hochant la tête, gardant pour elle le reste de l'histoire.

Près de moi, j'entends une respiration plus appuyée d'Amandine. Elle change pourtant de sujet. Enfin, que je crois, au premier abord.

-- Au fait, les papiers pour la maison sont arrivés. Je me suis permise de les ouvrir. Tu peux signer vendredi soir. La banque n'a pas traîné, apparemment.

-- Vous allez acheter? nous lance Amanda. Dans quel coin?

-- Quartiers est, lui répond Amandine. Juste à côté de chez des amis. Il faudra venir à notre crémaillère!

Et voilà! Je savais que ce n'était pas innocent. D'autant moins innocent que je sens sa main passer comme si de rien n'était dans ma chemise, pour me caresser le torse. Je surmonte rapidement ma légère gêne quand je vois celle d'Amanda qui ne rate pas ce geste. Et ma blonde devient carrément incoercible. Elle a une idée en tête, et je sais qu'elle ira jusqu'au bout. Et je dois bien avouer que voir Amanda ainsi, n'arrivant pas à retirer tout de suite son regard de cette main qui se fait baladeuse sur mon torse, m'incite à aller dans le sens de ma petite blonde.

-- Je suis sûr que Stéphane et Annais te plairaient beaucoup. Il faudra venir, oui.

-- Je... ne... balbutie-t-elle. Ce ne serait peut-être pas très professionnel.

-- Ça me ferait plaisir, reprend Amandine. Après tout, tu vas passer plus de temps avec mon homme que moi, quasiment. Je veux m'assurer qu'il est entre de bonnes mains!

Coup de grâce. Amanda devient pivoine et j'avoue qu'elle est peut-être allée trop loin. Trop vite, en tout cas.

-- Je ferais peut-être mieux de rentrer, dit-elle en reposant son verre. C'est...

-- Excuse-moi! s'exclame Amandine en se levant pour lui barrer la route. Je voulais juste dire que ça me ferait plaisir de te connaître un peu plus...

Encore assise, Amanda fixe Amandine en levant la tête. Ma blonde est si belle, si douce. Je peux voir Amanda fondre littéralement, si ce n'est plus. Amandine lui sourit gentiment et ma secrétaire se détend légèrement. Elle reprend son verre et en boit une petite gorgée.

-- J'avoue que moi aussi, ça me ferait plaisir... dit-elle enfin. Même si... ça fait un peu bizarre. Déjà, le tutoiement, je n'y étais pas habituée... Alors une crémaillère...

Amandine s'accroupit entre mon fauteuil et celui d'Amanda, allant jusqu'à poser innocemment une main sur sa cuisse, pour ne pas tomber.

-- C'est vrai que Julien doit avoir une façon bien à lui d'être un chef, mais je peux t'assurer une chose, même si au fond, on ne se fréquente que depuis peu de temps. Il sait écouter les besoins des autres, il est très ouvert, et tout ce qu'il fait, il le fait dans le respect des autres. Tout.

Devant mes yeux, je vois alors que tout bascule. Je sais que mon boulot va être de plus en plus plaisant. Il suffit d'un échange de regards. Celui d'Amanda sur la main d'Amandine, qui glisse jusqu'à son visage en passant par moi. Celui d'Amandine qui la fixe, légèrement humide de cette déclaration à brûle pourpoint. Je suis submergé par les émotions. Le désir, l'envie, l'amour pour cette jeune femme qui me voit ainsi. Est-ce que je suis vraiment comme ça? Je reste persuadé que plein d'autres personnes pensent l'inverse. Mais elle a le don de me bouleverser. Et je sais exactement ce qui va se passer avant que ça n'arrive.

Amanda a un geste léger du cou vers Amandine, qui fait le reste du chemin. Leurs bouches se collent l'une à l'autre. Je ne sais pas ce que je dois penser. Je crois que je suis incapable de penser. À peine leurs lèvres se touchent-elles que leurs langues se mêlent entre elles. Amandine pose sa main sur la joue de ma secrétaire et fait durer un peu. Juste ce qu'il faut, sans insister, s'arrêtant juste avant qu'Amanda n'ait le temps de regretter.

Leurs visages se séparent alors que j'ai sûrement une gaule pas possible. La main d'Amandine retombe sur la cuisse d'Amanda et celle-ci lui sourit, avant de se lever.

-- Je ferais mieux d'y aller. On se voit demain, Julien.

-- À demain, Amanda.

Je ne rajoute rien. Je ne me rends pas bien compte dans quel état elle se trouve, mais en tout cas, elle fait bonne figure en quittant mon bureau. Amandine, elle, s'attaque à ma ceinture dès que la porte se referme.

-- On dit merci qui, monsieur le directeur de collection érotique?

-- Merci, petite salope, dis-je en me penchant vers elle pour un baiser langoureux qui la fait ronronner de plaisir.

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