chapitre un

6 minutes de lecture

Il est neuf heures. Je fais le tour de ma maison pour être sûre de n'avoir laissé aucune porte ou fenêtre ouverte puis, une fois fait, je sors en prêtant attention à bien verrouiller la porte d'entrée.

Je m'installe au volant de ma petite voiture et prend la route, en direction des différentes maisons de mes copines avec pour seule compagnie ma musique, mais elle me suffit pour l'instant.

Devant le petit pavillon où réside Lola, je m'arrête pour la laisser monter sur le siège passager, avant que je ne reprenne la route vers la domicile de Tess. À mes côtés, Lola ne cesse de triturer ces doigts, signe de son stress alors je lâche un instant mon volant d'une main et vient la déposer délicatement sur sa jambe, qu'elle agite frénétiquement.

  • Ça va aller Lola, je suis sûre que tout ira bien ! je tente de la rassurer.
  • On n'en sait rien, Manon ! Imagine si je ne l'avais pas ! Je ferais quoi ? Toi tu vas partir à une heure et demie d'ici, Tess aussi elle part à une heure de là, et moi, je vais rester là, toute seule, continue-t-elle complètement angoissée.

Je ne répond rien parce que je sais qu'aucun de mes mots ne sauront l'apaiser, mais surtout parce qu'elle ne veut pas en parler. On sait tous que ce n'est pas le fait de ne pas avoir son bac qui l'angoisse, c'est le fait de partir seule, en quittant sa famille, ses amis et son copain. Alors je ne dis rien et lui montre juste que je suis présente pour elle.

Devant la maison de Tess, nous attendons plusieurs minutes, elle qui est toujours en retard. En arrivant, elle a tellement couru à droite à gauche qu'elle est essoufflée et ne montre aucun signe de stress. Elle s'installe à l'arrière et nous partons pour le lycée, pour découvrir le résultat de notre examen. Quoiqu'il arrive, on sait que l'on ne sera jamais seule.

Je me gare devant l'établissement qui nous a ouvert ses portes pendant trois ans, qui nous a vu dans tous nos états, qui nous a entendu rire à ne plus savoir s'arrêter, pleurer à en avoir mal à la tête, crier à s'en déchirer les cordes vocales, chuchoter nos plus intimes secrets mais surtout qui nous a fait connaître et devenir le groupe d'amis que je n'aurais jamais penser trouver un jour. Tous ne resteront probablement pas à mes côtés, mais certains seront là jusqu'à la fin.

Déjà pas mal de têtes que nous avons côtoyées ces dernières années sont présentes et attendent l'affichage des listes. Les garçons sont arrivés et semblent nous attendre, à part peut-être Louis, qui appréhende. Lola aussi appréhende. Nous les rejoignons aussi lentement que nous pouvons et les saluons tous, sans exceptions pour Tess et moi, contrairement à Lola qui en évite deux ou trois avant de se repositionner à nos côtés, face à eux. Gabriel fait une blague pour détendre l'atmosphère alors nous nous forçons presque tous à rire pour saluer le geste.

Louis et Lola ont rompu presque aussitôt après avoir officialisé leur relation. Officieusement, ils sont ensemble depuis plus d'un an, mais ils ont accepté d'en parler il y a quelques mois seulement, à peu près quand les premiers résultats Parcoursup sont tombés. Lola a été accepté dans une grande école à Paris, l'école de ses rêves en fait. Louis quant à lui a été pris dans son premier vœu, à Lyon. Soit à plus de quatre heures de route l'un de l'autre. Aucun d'eux n'a pu l'envisager, et, plutôt que de profiter des derniers instants ensemble, ils ont préféré abandonner leur relation inaboutie.

Le gardien suivie des CPE et du proviseur arrivent enfin dans l'allée centrale, acclamés par l'assistance d'élèves, les bras chargés des panneaux d'affichages. Ils continuent leurs chemins, un sourire aux lèvres et nous laisse libre espace pour visualiser et analyser les noms devant nous, qui nous dicteront notre avenir.

Très vite, des cris retentissent, puis des pleurs, des jeunes se prennent dans les bras et d'autres s'accroupissent au sol, accablés par la nouvelle, qu'elle soit bonne ou mauvaise. Et si avant ça je ne ressentais pas tellement de stress, je commence à sentir mon ventre se nouer, ma gorge se serrer et mes jambes s'enfoncer dans le sol. Arthur, mon ami le plus vieux que j'ai, me saisit par les épaules et me conduit jusqu'aux panneaux.

Un dernier regard avec mon ami avant de poser mes yeux sur ces feuilles. Un dernier sourire stressé avant de le voir s'effacer dans le pire des cas, ou barrer mon visage, dans le meilleur des cas. Une dernière pression entre nos deux corps avant de les tourner face à ces listes.

Fortin Manon... Fortin Manon... Fortin Manon.

Fortin. C'est moi. Je glisse mon index le long de la ligne avant d'arriver à la colonne des résultats, à ces mots. Admise. Je suis admise. J'ai mon bac, avec une mention très bien. Je n'arrive pas à y croire et je reste là, les yeux dans le vague, la bouche entrouverte ne sachant que faire, me mouvant vers les autres qui assimilent la nouvelle à leur façon. Quand je reviens assez proche d'eux pour qu'ils voient ma réaction tous se posent des questions. Je n'ai pas l'air de sauter de joie, aucun sourire sur les lèvres, mais je n'ai pas de larme non plus.

  • Je suis admise. Je l'ai eu. C'est fini le lycée, je leurs dis avec détachement sans vraiment arriver à comprendre.

Et avant même de les voir venir, tous se ruent sur moi et m'enserrent. Je sens des larmes tomber le long des épaules, là où s'est appuyé Lola, et les grandes mains réconfortantes d'Arthur dans mon dos. On s'éloigne un peu et, après une heure à parler de tout de ce qui s'en suit, que ce soit des soirées pour fêter ça, des vacances que l'on a déjà assidûment planifiées ou à quoi ressemblera nos vies, tous éparpillés aux quatre coins de la France. Puis les garçons sont partis faire un foot sur le terrain du centre-ville.

Au coin de la rue, la C3 blanche de Raphaël arrive et se gare d'un geste rapide mais précis. Il sort de l'habitacle avec toute la prestance dont il est doté, passant une main dans ses cheveux afin de les remettre en place, le visage détendu et sa démarche assuré, il pourrait tromper n'importe qui. Mais pas moi, parce que je vois à sa mâchoire crispée et à ses épaules un peu trop rigides qu'il n'est pas aussi sûr qu'il ne veut bien l'avouer. Il s'arrête un peu avant les panneaux, il prend un temps pour les observer avant de ne voir sa vie changer.

Je laisse alors Lola et Tess sur la petite couverture étendue sur l'herbe pour rejoindre celui que j'aime et qui appréhende non loin de moi. Je traverse la route prudemment et le rejoins en quelques enjambées. Dans son dos, je tend mes bras et viens enserrer sa taille. Il met un instant avant de réagir et pose finalement ses bras autour de mon corps bien plus frêle que le sien. Il dépose un doux baiser sur le haut de mon crâne et je lui envoie un sourire qui, je l'espère, lui enverra la force et le courage nécessaire pour affronter ces noms et ces mentions.

Raphaël a déjà redoublé et loupé son bac l'an dernier. Il avait eu du mal à l'accepter, se voyant tellement intégrer l'école qu'il avait tant prisé et enfin obtenu. Mais, avec beaucoup de travail et de persévérance, il a eu la chance de pouvoir intégrer cette même école l'an prochain, à condition d'avoir son bac cette fois. Et je sais à quel point il a travaillé pour pouvoir mérité une place dans cette école, une deuxième fois.

Cadieux Raphaël. Admis. Mention Bien.

Il vérifie à trois reprises, et, une fois sûr de ce qu'il a lu, son visage s'éclaire de cette lueur fière et de son contentement. Je suis sûre que l'on peut lire la même chose sur mon visage ; beaucoup de fierté, beaucoup de joie pour lui même si je sais que lui et moi nous verrons beaucoup moins, je suis heureuse qu'il l'ai fait, il le mérite tant. Je me hisse sur la pointe des pieds et embrasse ses lèvres charnues.

  • Je suis fière de toi, Raph.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 6 versions.

Vous aimez lire alirdxx ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0