Chapitre 13 : Sous surveillance

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La famille se montrait dorénavant complète, du moins si l’on ne considérait plus le grand-père de Seysus comme vivant. Malgré toutes ces années, seule Aniah avait effectué le rapprochement entre la lignée des Peymour et celle d’Arch, les Garlan. À présent, tout le monde se trouvait réuni, mais pour combien de temps ? Même si, en ralliant Seysus, Aniah avait sauvé la vie de Seneth, le problème avait juste été déplacé. L’enlèvement du Monseigneur avait déclenché un état d’alerte sur tout Arnès. Évidemment, on n’allait jamais mettre la main sur les ravisseurs, car tout ceci n’était qu’un coup monté.

Seysus se trouvait dans une position délicate. En effet, il représentait l’Ordre de Mwrida ce qui faisait de lui la personne la plus connue au monde. Il ne pouvait pas simplement réapparaître, comme par magie sans détenir d’informations sur son rapt. Pour le moment, il semblait condamné à adopter une attitude très discrète. Il ne devait pas courir le risque d’être repéré. Malgré cette situation difficile, il ne regrettait pas sa vie de souverain. Et pour cause, il n’en gardait que des souvenirs partiels. Le pouvoir avait provoqué des troubles psychologiques chez lui, comme si une personnalité alternative s’était développée, ou pire, réveillée. Elle avait pris le dessus sur lui et l’avait éclipsé au second plan, expliquant ainsi son changement de comportement et sa mémoire fragmentée. On lui posait tout de même d’innombrables questions à propos des coulisses du Majestic 13, notamment sur la direction.

— J’aimerais savoir une chose, déclara Arch. En tant que Monseigneur, quel était ton niveau d’implication au sein du Majestic 13 ?

— Je ne m’en souviens plus, répondit-il. Je crois que je gérais les laboratoires.

— C’est tout ? demanda Seneth étonné.

— D’autant que je me rappelle, oui, ajouta-t-il.

Tout le monde fut surpris de constater qu’en réalité, même un Monseigneur ne possédait pas une position élevée dans la hiérarchie du Majestic 13. Mais en relativisant les choses, c’était tout à fait logique. L’Ordre de Mwrida ne s’avérait qu’une couverture et un moyen de contrôler Arnès. Seysus n’était qu’un pion sur l’échiquier d’Apex. L’aspect qui révélait la maîtrise parfaite de ce dernier restait que le Monseigneur avait la conviction d’être le souverain planétaire, que personne ne se trouvait au-dessus de lui. Vraisemblablement, les différentes couches de la structure en oignon de la treizième Chambre demeuraient terriblement imperméables. Ainsi, il n’existait presque aucune chance que sans appartenir à Apex, on puisse accéder au noyau central et à ses membres.

La situation paraissait devenue délicate. Pour sauver Seneth, attaquer directement l’ennemi pouvait suffire, mais à présent, on ne savait plus par où commencer. Si Seysus souhaitait vivre normalement, il devait être réhabilité comme citoyen. Arch et Seneth n’avaient effectivement pas pris en compte ce facteur dans leur plan. Ils désiraient réparer leur erreur. L’état d’urgence n’allait pas leur simplifier la vie. Toute la population mondiale était tenue de signaler tout individu suspect ou ressemblant à Seysus. L’Ordre de Mwrida voulait le retrouver à tout prix mort ou vif. Enfin, c’était plutôt le Majestic 13, car il se devait de protéger son anonymat et si quelqu’un arrivait à obtenir des informations en interrogeant un Monseigneur, cela ne présageait rien de bon, peu importe entre quelles mains.

— Je viens de m’apercevoir de quelque chose, fit remarquer Seneth. Et si justement, cet état d’urgence représentait une circonstance opportune ?

— Je ne te suis pas vraiment, partagea Arch perplexe.

— À l’heure actuelle, tout le monde ne pense qu’à une chose : Seysus. De ce fait, les hérétiques ne constituent plus les cibles prioritaires. Personne ne va prêter attention à autre chose que lui. Même les forces armées ne chercheront pas à savoir s’ils en croisent sur leur chemin. Ce qui signifie qu’on peut facilement réaliser les opérations que l’on désire tant que personne ne détecte Seysus, expliqua Seneth.

— Hum oui, ça serait une excellente idée d’agir sous le couvert de cet état d’urgence, confirma le beau-père de Seneth. Tu pourrais, Arch, avec ta guilde, entrer en jeu publiquement sans aucune crainte.

— C’est l’occasion rêvée pour nous effectivement. De plus, le Majestic 13 et toutes ses couches devraient être déstabilisés par la situation. Je vais de ce pas prévenir mes camarades, poursuivit Arch.

— Nous t’accompagnerons ! s’exclama Seneth, Seysus et moi.

— Je ne pense vraiment pas que ce soit une brillante idée, d’autant plus que la guilde souhaite rester discrète sur son emplacement, précisa Arch.

— Quoi qu’il arrive après ce qu’on risque de tenter, l’Ordre de Mwrida nous déclarera hérétiques, reprit Seneth. Considère ça comme une entrée prématurée. Et puis, nous ne pouvons pas laisser Seysus au milieu de tous ces traqueurs.

— Ma foi, tu as raison. Très bien, vous pouvez venir, concéda-t-il.

— J’en déduis que je vais veiller à la sécurité de la famille, conclut le beau-père de Seneth.

Ainsi, Arch, Seneth et Seysus s’en allèrent en direction de la jungle de Woccid afin de retrouver la guilde de la Liste Noire. Pour ceux qui étaient restés à Zenfei, ils ne couraient pas de réels risques étant donné que l’hérétique et le recherché étaient partis avec le fils prodigue. Nos aventuriers rejoignirent donc le port pour atteindre le continent de Woccid, situé de l’autre côté de l’océan Bovrag à l’ouest. La tâche ne se révélerait pas simple, car les quais constituaient le quartier de Zenfei le plus vivant. Elle concentrait les lieux touristiques, artistiques et sportifs. Autant dire que c’était l’endroit le plus fréquenté au monde. Effectuer la traversée de celle-ci sans que personne ne remarque Seysus semblait ardu. Mais ils n’avaient pas le choix, c’était le seul passage pour accéder à l’embarcation d’Arch.

— Hé, Papa, comment vont tes jambes ? demanda Seneth.

— Très bien, pourquoi une telle question ? répliqua Arch.

— Si nous ne pouvons pas parcourir le quartier, alors nous le franchirons par-dessus. Vous sentez-vous prêts pour un peu d’escalade ? les interrogea Seneth

Ils contournèrent la foule en empruntant une voie aérienne. Ils circulaient de toit en toit. Mais ils devaient tout de même rester prudents, car ils pouvaient être vus de là-haut. Ils poursuivirent donc en direction des quais. Ils progressaient furtivement jusqu’à ce qu’ils passent au travers.

— Argh, quelle idée de couvrir un trou avec un drap ! s’exclama Arch.

— Euh… les gars, je pense qu’on est mal, déclara Seysus.

Ils avaient atterri au beau milieu d’une taverne. Leur chute avait évidemment attiré l’attention des personnes.

— Hé vous tous ! Regardez ça ! Ne serait-ce pas notre Monseigneur disparu ? questionna un inconnu.

— Tu dis n’importe quoi, tu devrais arrêter de te picrater, ricana un autre client.

— Les amis, je crois qu’il a raison, c’est bien lui, confirma une serveuse.

La situation devenait délicate. Était-ce déjà la fin de leur voyage ? C’est alors que, sans la moindre hésitation, Arch cogna tout le monde pour les assommer.

— Mais qu’est-ce tu fabriques ? s’enquit Seneth.

— Je nous sauve la vie, répondit-il. D’ailleurs, bougez-vous les fesses, gamins, un petit peu d’aide ne semblerait pas de trop.

Seysus et Seneth firent de même et commencèrent à nettoyer la taverne. Mettre à terre des alcooliques n’était pas une tâche excessivement difficile. La bataille faisait rage. Arch balayait tout ce qui se dressait sur son passage. Soudain, il cria : « Derrière toi, Seysus ! » Celui-ci esquiva l’attaque en tournant sur la droite. Il se retrouva dans le dos de son agresseur. Il se saisit de lui et le projeta sur une table. « Bien, gamin ! » déclara Arch. Seneth se trouvait confronté à la serveuse. Il ne savait pas comment réagir. « Tu n’as pas le temps de faire des sentiments. Envoie-la dormir ! » suggéra Arch. Il réfléchissait au moins mauvais moyen, car il ne voulait pas passer pour un barbare. « Couche-toi Seneth ! » avertit Seysus. Il avait lancé une bouteille en direction de la femme pour l’assommer. Le ménage semblait terminé. Tout le monde était neutralisé.

— Très bien, filons d’ici ! Qu’est-ce tu fais Seneth ? demanda Seysus.

— Je nous prends des petits remontants pour le voyage, répondit-il. C’est pour leur bien, ils ont déjà assez picolé comme ça.

— Lâche-moi cette pisse de chat et laisse-moi faire. Les vrais hommes, ça boit du rhum ! clama Arch.

Les courses effectuées, ils repartirent sur le toit. Ils continuèrent d’avancer. Cette fois-ci, ils veillaient d’abord à s’assurer du bon état des surfaces. Ils arrivèrent enfin près des docks. L’embarcation d’Arch se trouvait camouflée sous un arbuste juste avant les quais, bien à l’abri des regards indiscrets.

— Sautez sur le drap vert en bas, le bateau se situe en dessous, indiqua Arch.

Ils se jetèrent tous à bord. Ils s’étaient engagés pour un voyage sur l’océan d’un peu plus d’une semaine. Enfin, quand ils partiraient, au cours de la nuit pour ne pas être vus depuis la terre ferme et attirer l’attention. Ils patientèrent donc jusqu’à ce que le soleil daigne se coucher. Pour faire passer le temps, ils n’avaient rien trouvé de mieux que de dormir. Ou alors était-ce les effets des boissons dérobées au bar auparavant ? De toute manière, les voilà partis pour un bon moment au pays des rêves.

Pendant ce temps, à la maison familiale, la vie semblait la même. Les forces armées avaient quitté Zenfei en plusieurs convois. Selon les douze Chambres, les ravisseurs ne se situaient plus sur l’île, sinon on leur aurait déjà mis la main dessus. Toutefois, ceci paraissait valable pour les troupes officielles. La garde secrète du Majestic 13 continuait son enquête pour savoir comment cet enlèvement avait pu avoir lieu. Alors que le soleil était en train de se coucher, quelqu’un frappa à la porte. Le père d’Aniah ouvrit.

— Bonsoir, en quoi puis-je vous servir ? demanda-t-il.

— Désolé pour le dérangement, monsieur, nous souhaiterions parler à un dénommé Seneth Garlan, se trouve-t-il ici ? interrogea un homme vêtu de noir.

— J’ai le regret de vous annoncer qu’il est parti depuis un moment. Vous savez, comme il demeurait très proche de Monseigneur Peymour II, il a eu peur que l’on s’en prenne à lui. Il s’est peut-être rendu à la forêt de Nurwath, il connaît un ami qui vit là-bas, indiqua-t-il.

— Très bien monsieur, merci d’avoir répondu à notre question. Louée soit Mwrida, déclara l’étrange visiteur.

La tranquillité avait laissé sa place à l’inquiétude. Le père d’Aniah n’avait aucun doute sur le fait qu’ils appartenaient aux agents du Majestic 13. Comment auraient-ils pu savoir que Seneth vivait ici ? Il espérait que son mensonge allait les tenir éloignés de sa famille. Il prévint donc Aniah de se montrer discrète, car il y avait de fortes chances pour qu’ils soient à présent sous surveillance constante et rapprochée. En regardant par la fenêtre, la mère d’Aniah vit un carrosse noir. Nul doute, ils paraissaient sceptiques quant aux propos du père. Combien de temps allaient-ils les épier ? S’ils voulaient vérifier la piste qui leur avait été donnée, ils en auraient pour des mois entiers de recherches. Il fallait déjà prévoir plusieurs semaines pour rejoindre le continent qui se situait au nord-est de Zenfei.

Le père d’Aniah n’avait pas choisi cette région par hasard. La forêt de Nurwath demeurait la plus vaste étendue de forêt que comptait Arnès. Et pour cause, c’était le territoire des Xylors. S’y cacher s’apparentait à un jeu d’enfant, sans oublier de prendre en considération le climat glacial de cette zone qui souffrait de conditions météorologiques hostiles. Si au passage, la nature pouvait s’occuper des troupes du Majestic 13, c’était réaliser d’une pierre deux coups.

La nuit était enfin tombée sur Zenfei. La brise douce et fraîche venait caresser les narines d’Arch.

— Debout les gamins ! Un long voyage nous attend, s’exclama-t-il.

Seneth détacha le cordage. Seysus se saisit des rames. Ils déployèrent les voiles. Les voici partis au large, voguant vers l’horizon à travers cet océan calme et infini. La sieste avait ouvert leur appétit.

— Nous avons pris de quoi boire, constata Seneth concerné, néanmoins, absolument rien à se mettre sous la dent.

— Pas besoin, gamin. L’eau regorge de beaux et bons poissons, informa Arch.

— Moi je ne sais pas pêcher, annonça Seysus.

— Ça tombe bien, je viens de consulter ton emploi du temps, pendant une semaine tu suis des cours de pêche, ricana Arch.

Ils passèrent ainsi leur soirée à pêcher de la nourriture.

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