Me réveiller dans cette boîte n’a finalement pas été si dramatique. Enfin si, bien sûr, au début j’ai vraiment flippé. Je me suis demandé où j’étais, pourquoi et par qui. J’ai chialé quelque temps, puis j’ai réalisé, eurêka ! Oui, d’accord, un envieux m’a joué un sale tour. À poil dans un caisson dans lequel je ne peux ni me lever ni m’allonger, avec comme seule bouée un ordinateur portable vide de tout sinon de son système d’exploitation, c’était génial ! Quelqu’un avait trouvé le moyen de me mettre face à l’ignominieux mensonge qui a fait de moi une vedette.

Es-tu prêt, enfoiré, alors que je serre les fesses et les dents ? Car la révélation, c’est maintenant. Mon incroyable succès, mon aberrante fortune, cette farce médiatique, je la dois... à mon grand-père ! C’est lui, en grande partie, qui a écrit le roman.

Voilà qui est dit, et je n’en peux plus.

Je ne sais pas ce que tu soupçonnais. Si ça se trouve, ce n’était que du bluff, simplement l’envie de torturer un homme à succès. Mais maintenant, tu peux te gausser, te moquer, tu tiens ta vengeance. Je me suis démasqué et humilié à cinq minutes d’intervalle. Et à présent que j’en suis à devoir supporter mon odeur, j’ai envie de tout effacer, que tu voies ton fichier se vider, la queue en l’air, et que tu hurles de rage et de désespoir en admirant mon suicide.

Va te faire foutre, je n’écrirai pas une ligne de plus. Tu me lis, petite bite ? Tu capice le message, tu imprimes ?

VA TE FAIRE FOU>TRE ? CONNARD §

5:13 heures (52 %) restantes. C’est ce que me dit l’icône représentant la batterie du portable. C’est le compte à rebours vers le dernier mot de ma plaidoirie minable, car je m’enfonce et me dévoile jusqu’au ridicule. J’aurais pu faire toute autre chose du temps passé dans cette boîte, que j’ai vainement tenté de défoncer tout à l’heure, après avoir déféqué et avant de me fouler une cheville. Avant de rallumer ce putain d’ordinateur.