Muse usée
Je chante ce héros qui héroïquement
Déserta les combats les mains chargées de l'or
Dont l'avait investi le cadavre d'Hector
Avant que d'aborder, toujours fort vaillammant,
Sur les côtes dorées du fameux Lavinium.
Le destin, pauvre enfant, l'avait pris en otage :
Tout juste avait-il eu du côté de Carthage
Le loisir, quelques temps, de goûter à l'otium,
Que déjà il devait, sur les ordres divins,
Fonder en Italie la terre des Romains,
Qu'il allait édifier, et de ses propres mains
Pourvoir de murs altiers, de piété, et de vin.
Vois-tu, je suis courtois: mon poème démarre;
Pourtant, je n'essaie pas d'éblouir l'auditoire,
Barbouillant de grotesque une si noble histoire,
Ou te qualifiant de Muse au nez camard.
Rappelle à mon esprit, Muse que je respecte,
Par quels nobles exploits ce héros ordonna
En moins de douze chants la Roma ladrona,
Que piétine à présent une Ligue suspecte.
Redis-moi les raisons du danger qui s'abat
Dans trois vers sur cet homme à l'illustre renom:
En quoi mérita-t-il les foudres de Junon ?
Les grands dieux des hauteurs ont-ils l'esprit si bas ?
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