Carthage sans carnage
Enée, accompagné de son fidèle Achate
(Car il était présent aux deux derniers chapitres,
Jouant les figurants tout en faisant le pitre),
Escalade un sentier bordé de pierres plates.
Les deux amis, longtemps, admirent les Tyriens
"Mirantur", dit Virgile, et mon plus grand souci
Est de caser qu'en grec, on dit "thaumazousi"
Il n'est rien de plus dur - je le répète : rien -
Que d'étaler, en vers, et impudiquement
Les rares éléments de son érudition.
Virgile était habile à cette transaction,
Plus habile que moi, moi qui jamais ne mens.
Les Tyriens, courbés sous un pesant Soleil
S'activent, pleins d'ardeur : certains plantent des murs
Ou cultivent des lois, d'autres cueillent des mûres,
On croirait, à les voir, voir un essaim d'abeilles.
"Carthage bienheureuse ! Ô, merveilleuse ville !"
S'empresse d'acclamer ce grand nigaud d'Enée,
Mais s'il voyait plus loin que le bout de son nez,
S'il lisait, par exemple, un peu de Mandeville,
Il saurait qu'un essaim n'est pas forcément saint,
Que c'est de ses péchés que l'Albion est repue
Que de même, une ruche est parfois corrompue,
Et que Carthage aussi a du sang sur les mains.
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