Virgile fait féministe?
Le poète naïf, d'un oeil mélancholique
Relit ses maints vers vains, grattant son crâne d'oeuf
Comment a-t-il pu croire, en deux mille dix-neuf
Intéresser le peuple à des choses antiques ?
Mais on est le huit mars, et il reprend espoir,
(Car le poète, en vrai, est une poétesse,
Il ne lui reste plus, au fond de sa détresse
Qu'à parler féminisme et récolter la gloire).
Le poète, après tout, est un vendeur infâme.
Béranger n'eut pas honte à vendre la Bastille,
Hugo, pour quelques sous, vendit même sa fille,
Ainsi, vendons Didon, puisque Didon est femme.
Cette reine apparut au milieu des ficus
Dans toute la splendeur de sa noblesse altière
Et dans l'immense éclat de sa force guerrière,
Au point qu'on la compare à la soeur de Phébus.
Cette puissante femme au trône de Carthage
Donnait ses propres lois et rendait jugement
Avec une sagesse et un discernement
Que rarement aquiert le plus vieux des vieux sages.
Trois compagnons d'Enée qui passaient pour défunts
S'avancèrent alors vers la divine reine
Pour demander l'asile et un soutien pérenne
En innondant ses pieds de pleurs et de parfums.
"Comment donc peut-on perdre son humanité
Au point de refuser l'asile d'une plage ?
Chantons-nous des péans ? Avons-nous l'air sauvage ?"
Sanglotaient-ils en choeur et le coeur dépité.
Le poète ingénieux, à cette occasion
Pourrait bien rappeler que tous les réfugiés
Méritent notre amour et non notre rejet :
Pareilles opinions font bonne impression.
Enée, qui se soucie des choses politiques
Seulement s'il s'agit de répandre le sang
Lors de quelque joyeux massacre bon enfant,
S'approche de Didon, dénonce les Attiques
Et l'implore bien bas. Lui, devant une femme !
Quel féminisme rare ! Auteur victorieux !
Virgile triomphant au progressisme heureux !
Profitez-en car au prochain chant vient le drame.
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