Le banquet
Cupidon, trop heureux de se voir de la sorte
Chez Virgile introduit par la petite porte,
Accepte avec bonheur de battre la campagne
Quitte à payer le prix d'être aussi laid qu'Ascagne.
Voilà donc Cupidon à la cour de Didon,
Que Scarron eut bien tort de traiter de dondon
(Si je ne le tenais pas en si haute estime,
Je croirais qu'il l'a fait simplement pour la rime),
Et son déguisement trompe bien tous les yeux,
(Jamais, aux Saturnales, on ne surpasse un dieu !),
Jusques aux yeux d'Enée, qui est pourtant son père.
Puis, alors qu'on s'ennivre en vidant les cratères,
Cupidon à Didon embrasse les deux joues,
Puis, comme un jeune enfant, s'assoit sur ses genoux.
La reine laisse faire: elle est trop jeune encore
Pour savoir qu'à cet âge un enfant, souvent, mord.
Elle l'embrasse même et, perdant la raison,
Va jusqu'à qualifier le morveux de "mignon".
Le sournois la regarde avec ses yeux magiques
Pour la soumettre à des amours peu catholiques.
Et le coeur de Didon, déhabitué d'aimer,
Se retrouve assailli de désirs insensés.
Comme un marin qui chante alors que le naufrage
Est imminent, Didon s'étend en bavardages
Malgré son coeur ému. C'est pure calomnie
Lorsque Scarron l'accuse de clins d'oeil impies.
Au contraire, elle essaie, en femme de valeur,
De calmer ses passions. "Patience, mon coeur",
Songe la sage reine. Et, en femme d'honneur,
Elle essaie d'étouffer cet absurde bonheur.
Bref, c'est uniquement par intérêt courtois
Qu'elle enjoint son convive à conter ses exploits,
Et n'allez pas penser qu'il se soit rien produit
Sous prétexte qu'il l'entretint toute la nuit.
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