La vie est le processus de la mort

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"N'êtes vous pas né de quelque puéril complot qui puisse compromettre une vie ?"

Un capitaine qui parlait ainsi, à son meilleur processus rectiligne sur les longues lignes d'affaires qui ne se démêlaient jamais. Un Pastor tout craché.

Et qui marcha dans Paris sans se soucier ni de l'asphalte turlupinant, ni des immeubles noirs de pénombre. Il ne se souciait de rien, Pastor, il avançait comme si ce monde devait être rangé. Il les classait de l'ordre croissant au décroissant, comme ses affaires. Sa demeure de Thirier, un palais impérial, appartement du Colonel Latombe, un gouverneur quelque peu insalubre avec ses employés au consul britannique. Une demeure impériale qui lui revenait de droit, une demeure qu'il voulait brûler comme on brûle les miches d'une femme battue. Pourquoi pensait-il à c'a, lui l'homme de justice tout Paris ? Le Paris des célébrités comme criminels...Parce que Latombe lui avait dit un jour "Si tu as mon héritage, détruis-le comme mon coeur est émietté à chaque miettes que je pers de ma vie.". Pastor était de cet avis, il voulait brûler ce palais sans paix, il voulait le réduire à ce que ce cancer des poumons avait réduit son père. Un mauvais père mais un bon gouverneur riche en émotions, riche en villes (si l'on citait Verdun, Suippes, Paulhan, Ypres, Cologne, et tout le bataclan).

Ce soir-là, Pastor n'avait pas d'idées, il déplorait sa matinée, il repensait aux dires de son capitaine.

"N'êtes vous jamais né d'une famille qui vous a élevé façon Scotland Yard ?"

Puis au tournant de cette rue, le restaurant arabe Cousnoussous. Pire qu'un quelconque tipi africain abritant les arabes. Un couscous délicieux et du bon goulash slovaque. C'était le seul bon truc de ce restau à l'avenir bordé d'embûches. Un panneau "JOURNEE GRATUITE" était affiché à l'entrée, mais même s'ils faisaient la meilleure pizza au monde, Pastor ne serait pas entré dans ce restaurant. Pour la seule raison des citations télévisuelles du gouverneur son père "Ici, Suippes et ses décollages incessants, ses fusées et camps. Derrière, Verdun, et son massacre impassible, ses ancêtres jusqu'à l'opium-même. Moi, le gars qui ne touche pas à la merde."

Pastor était un con, certes. Mais il ne touchait pas ce que l'on révulsait. Alors il prit soin d'ignorer l'odeur intolérable de corned-beef mêlé au couscous épicé puis prit la route de son palais sans s'en appercevoir. Guerre, petit, guerre.

La guerre de quoi au juste ? La Guerre de rien. Voilà tout. Pastor n'avait pas de femme, pas d'habitat clos, pas de bonheur. Rien et il s'extasiait devant ce Pont-Neuf et ses clopes brûlées jonchant les rives de la Seine. Une automobile le devança, les journaux volèrent dans Tout Paris. Bientôt, les réverbères s'allumèrent. Mais Pastor devina une silhouette sombre dans la nuit. Une silhouette qui plongea sur un mec au tournant d'un tabac presse, le tabac presse où il risquait sa vie pour des Marlboro et un paquet de Hollywood Fresh. Pastor n'avait pas d'arme, Pastor n'avait pas de vue.*

Mais il entendait.

- A L'AIDE !!

- Ta gueule !

D'un bond, il se rappela l'opium, Verdun, le Viêt-Nam. Puis la Seconde Guerre naziste. Puis il dégaina son regard sur un petit gros musclé qui le repoussa sur le trottoir, son nez giclant de sang, ses reins réprimant un hurlement de gloire. Bye-bye Pastor.

- TA GUEULE !!!

Le petit Gros décida de faire deux bonds en arrière, Pastor crachant ses tripes, Pastor laissant un coup de pied dans son entre-jambe. Un petit gros qui hurla de douleur et qui se tordit en deux sur le trottoir. Puis soudain...

Puis soudain, comme dans les livres français, les comics new-yorkais. Un tir, une détonation explosive, et une éclosion de fleur. Un pétale obscur de tulipe. Mais ce n'est pas l'agresseur qui tire, ni la victime, ni Pastor, ni Paris. C'est une balle de calibre 22, tirée d'un M3 automatique sciée à la limite. La Fée, une fée si belle, une poule rebondissante aux paupières saillantes. Elle vient d'exploser limite les deux visages, mais a laissé un morceau de bifteck à son petit floc, dans un dernier regard de volonté. Pastor est à moitié conscient, c'est cela la raison, il n'aurait même pas dénoncé le meurtre s'il avait vu tout c'a. Il l'aurait même remerciée à sa manière, puis il se serait vidé. Peut-être qu'elle a fait comme Bounty, mais non, c'est un éclair de nostalgie qui la fit frissonner.

Le gouverneur Latombe, de Suippes, Cologne, Ypres, Verdun...Un long mec, un colonel qu'elle avait aimée non pas par sa richesse ni par ses voyages d'Helsinki à Stockholm pour les affaires 48-52. Non. Elle l'avait imée pour sa brutale force devant les désagréments du pays, les guerres de sa violente colère. Son révolver d'ordonnance qui la défendait à chaque mot osés. Il lui chuchotait, quand un jeunot butait un autre devant elle "T'inquiètes pas, ma belle, c'a f'ra mal deux secondes mais après, tu sentiras mes bras et mes jambes sur toi".

Elle n'hurlait même pas, elle savourait l'amour après le baiser, belle dans un lit ou pas. Et lui, révolver pointé vers le danger, deux mois d'absence avant qu'il revienne la savourer. Jusqu'à l'hiver 87 qui lui prit son homme de liberté. Sa fortune, désespérante malgré elle, on avait tiré deux balles dans ses deux poumons, un cancer après hospitalisation, et à mi-décembre, il fut mort. 1899-1987. Si jeune ! Et si fort. Il avait cet héritier, un Pastor tout fumé, un flic à la brigade Judiciaire du Tout-Paris. Elle l'avait suivi, examiné, jusqu'au verdict final. Elle avait tiré sur ce mec, elle avait éliminé tout ceux qui l'avait eu. Et dans la location de sa 205 diesel toute pourrie de 97, elle avait planqué le révolver dans l'habitacle, pour piéger deux mecs en Mercedes toute moche.

Elle était en colère, la Fée. Elle était incorrigible, la Fée. Elle tuait si bien, la mou-mouche. (La Fée, une si belle fée...)

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