La vie après la mort

4 minutes de lecture

"Mort". Mort est un mot qu'on s'apprête à entendre dans des phrases anglaises "Dead - Death of the complex" ou bien dans des citations molles et modernes "La mort est un processus rectiligne".

Mort est aussi bien écrit que si la vie venait du Bon Dieu. Pastor était un bon chrétin, pareille chose pour le catholique Fred Bouguier. Mais enfoui dans son maigre trente mètres carrés, Titi ne pétait pas la forme autant que s'il avait été mort.

Il est assis, sur un chaise de sa table, mort "dead" entre guillemets sourd aussi, buvant un café qu'il déverse plus sur la nappe que dans son gosier.

- Tit ! Tit !

Le petit dernier. Un aveugle ? Peut-être. Un sourd ? Peut-être. Un gueuleur du Moyen-Age ? Peut-être. Un blond ? Pourquoi vous prendre autant de mal à poser la question ?

- Tit ! Tit !

Merde, mais ferme-là ! Titi boit comme un chien pose son cul piqué sur l'herbe avant de faire ses excréments. Théo pose ses mains sur le papier aluminium posé sur la nappe et fait une expression outrée :

- Tu oses me dire que je suis con ?!!

- TON VOCABULAIRE, THEO !!

La soeur qui gueule, une petite pro en littérature qui passe ses journées à trier les archives de son lycée. Peine à dire si elle pourrait passer son bac pro avec mention "très bien" en fin d'année ! Dix manuscrits dont deux acceptés par une maison d'édition tout carré sans réponse. Mince alors, Perle, pourquoi tu t'embêtes à plus écrire alors que Maman veut que tu es "Mention TRES BIEN" à ton bac ?! Pourquoi t'embêter à taper sur cet ordi les pires lignes rectilignes de pages indiscrètes. Ainsi tu t'obliges à des supplices sans raison ?!

- Théo, tu as appris ton vocabulaire ?

La douce voix enfouie dans les mots en aluminium. Mince quoi, t'es une beauté, Tristan, t'as une Vespa de Noël, une petite amie quelque peu "too much" et tu veux passer ton concours pour être flic ?! Et oublions les détails de ton emménagement ici : la mère qui se barre à Porrentruy avec l'autre con qui se passe pour un bon notaire-conteur, et les autres enfants refourgués à ce petit ex tout mignon, habitant l'ex-magasin de l'arrière cour à un général allemand. Quelle beauté, mec, ouah, bravo !

- Titi, où t'as foutu mon portable ?

- Titi, tu as donné ses médicaments à Théo ?

- Titi, pourquoi on accorde à toutes les formes les verbes après être, et pas après l'avoir ?

- Parce que...

Et ainsi Titi raconte, puisque vie et mort concordent au bien, "si t'es un méchant, tu te casses aux catacombes de Lucifer ! Il raconte l'histoire d'avoir et d'être, il raconte le voyage du portable de la cuisine au sol "Putain, tu l'as pété ! Regarde l'écran, merde !" et il raconte comme quoi les antibiotiques ne servent pas à un semi-aveugle demi-sourd "HEIN ?!".

Et il ordonne tout le monde comme on faisait à l'ère de la machine à écrire et des hits de Ray Charles, des femmes qui lavent au Turtle Wax les carreaux de la salle de bain et les ados à l'éponge la voiture familiale avec un Chuck Berry dans les pattes. D'ailleurs, voilà le bus scolaire. Bisoux tout le monde, bisou le chien qui fourre son nez dans le cul des gens "Je vais le fracasser, Monsieur, je vais...". Et aisément, la maison se vide, elle se fourre dans le réel, le vrai son du silence encombrant. Le café qui git sur le rebord de la nappe, le chien qui renifle s'il n'y a rien à manger, et puis Titi qui danse intérieurement. Il se jette sur son chien, le bourre de caresses et s'en va se coucher, crevé. Il ne se réveille uniquement que trente minutes plus tard non pas parce qu'il a peur qu'on le vole, mais parce qu'on brise le silence par une sonnerie tout droit sortie d'un film américain. Un cliché. Il se lève d'un pas claudicant, il trottine sur ses faibles chaussettes, il a lu bien trop de Pennac pour s'attarder au pire derrière cette porte. Et après avoir poussé la chaine de sûreté sur le côté, la porte explose, littéralement, elle est défoncée par une silhouette aussi corpulente qu'un buldozer, bisou rouge-à-lèvres Milles Merveilles d'Asie :

- Mon tout petit...

- TATIE !!!

Mon choupinou, non mais quelle hypocrisie, ce monde, à qui on lui enlève sa tante, à Titi.

- Mon Titi, alors ? Ta femme t'as largué, elle est partie sous le soleil de Porrentruy ?

- Ouais...Porrentruy...Quelle pétasse...Qu'elle crame sous les palmarès.

Petite rectification : "Pas de palmarès à Porrentruy, mon bébé". Bref, la Tante passe les détails, et si elle ne se désabuse pas : je boirais un thé, s'il te plait, mon chéri.

Titi prépare deux thés infusion vert, et il s'envole au pays des meurtriers.

- Alors ? Que me vaut le bonheur de ta visite, Tante Giunelli ?

- Eh ! bien...Commençons par c'a.

Et elle sortit de son cabas, sous les yeux ébahis de son petit-fils, une carabine Remington à lunette de visée, calibre 35 à forte pénétration, mine tranchante. Des flammes d'angoisse parcoururent le Der des Ders.

Titi. Pauvre de toi, chômeur, couillon, tu as une famille de cons !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Gauthier FACCIOTTI ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0