Remise en forme
Cela fait quelques mois maintenant que je suis célibataire, et j'en ai marre de me morfondre. J'ai vingt-neuf ans, et ma séparation avec Bastien m'a enfermée chez moi, à me lamenter sur l'épaule compatissante de ma meilleure amie, Caroline. Elle a réussi à me convaincre de la suivre à la salle de sport. Elle ne devrait pas tarder à arriver. On est vendredi soir, et je suis fatiguée de ma semaine de boulot. Si Caroline n'est pas là bientôt, je crois que je vais annuler. "DING DONG !" Tiens ! Pour une fois, elle est à l'heure. Je ne peux plus me défiler. Je prends mon sac et lui ouvre la porte.
- Salut Léa ! Eh bien ! C'est quoi ce survêt ? s'exclame-t-elle d'un air horrifié.
- Salut... Mais c'est mon survêt pour aller faire du sport. Pourquoi ?
- Ben... Il est gris, ample, enfin pas du tout sexy, quoi !
- Attends un peu Caro, t'avais quoi derrière la tête ?
- Euh... Rien ! Tu as pris de quoi te changer ? On pourrait aller boire un verre après ?
- Oui, si tu veux, mais pas trop tard. Je suis claquée.
La salle de sport est plutôt grande, avec un espace pour la Zumba et autres animations, un coin musculation, avec tous les instruments de torture. Il y a pas mal de monde, et autant de femmes que d'hommes. Je me sens mal à l'aise, comme toujours quand je me retrouve dans un endroit que je ne connais pas. Heureusement, Caroline est là pour me booster, avec son infatigable enthousiasme.
On passe par les vestiaires pour déposer nos sacs, et j'en profite pour quitter ma veste. Caroline me regarde bizarrement :
- Quoi ? J'ai une tache quelque part ?
- Non, non. C'est juste qu'il y a du mieux. Ce débardeur blanc te va super bien ! Et j'adore le côté légèrement transparent ! En plus, il te donne un meilleur teint. Tu sais quoi ? Tu devrais faire une queue-de-cheval, plutôt qu'une tresse.
- Quoi ? C'est transparent ? Oh non ! C'est pas vrai...
- Trop tard ma grande ! Aller ! En avant !
Je sais très bien pourquoi Caroline m'a trainée ici. Elle vient souvent pour se rincer l'œil, et elle espère me remettre sur les rails en me faisant rencontrer des hommes. Bon, un peu de courage Léa ! Concentre-toi sur le sport, et tout ira bien.
On va au fond de la salle, ce qui me convient très bien. Je m'installe et lève la tête. Les vélos sont placés devant des miroirs qui reflètent toute la pièce. L'endroit parfait pour la petite voyeuse qu'est Caroline. Je la regarde de mon air outré, et elle me répond avec un sourire et un clin d'œil !
Je pédale depuis dix minutes, et mes pensées divaguent tant l'exercice est monotone. Je me surprends à observer l'endroit à travers le reflet. Tous les appareils de sport sont tournés dans la même direction, ce qui donne une autre dimension à la salle. Tout le monde peut nous voir ! Je me raidis à cette idée, et rate ma pédale ! Merde ! J'espère que personne n'a remarqué. Derrière nous, il y a des tapis de course, des rameurs et un peu plus loin, les développés couchés, altères et autres appareils de musculations. Ce coin est principalement utilisé par des hommes, et je dirais des habitués au vu de leurs énormes muscles, alors que le reste de la salle est beaucoup plus mixte. Je me prends au jeu d'étudier les occupants du gymnase. Il y a des femmes trop bien maquillées pour faire du sport. Elles ne font presque pas d'efforts, de peur de faire couler leurs mascaras, et ceux qui les observent sont des bodybuilders, transpirant leurs machismes à grosses gouttes. Tous les autres semblent être là pour leur bien-être ou leur santé.
En promenant mon regard sur les rameurs, j'aperçois un jeune homme concentré sur ses exercices, des écouteurs dans les oreilles. Il est blond, ses cheveux lui tombent sur le front. Il a un T-shirt noir assez moulant et un pantalon gris clair. Le tissu dessine les contours d'une musculature fine. L'image est loin et je ne vois pas si bien que ça. Les lignes des pectoraux sont franches, mais je distingue à peine ses abdos.
Caroline m'arrête pour qu'on fasse une pause. Je prends le temps de faire quelques étirements en appui sur un banc. J'attrape ma bouteille d'eau pour boire plusieurs gorgées. Caroline me donne un petit coup dans les côtes, et voilà que je me renverse de l'eau dessus !
- Ah bien joué ! Je suis trempée maintenant !
- Ah oui ? ricane-t-elle sur un ton faussement coupable. Désolé ! Mais je crois que tu as tapé dans l'œil d'un beau blond !
- Mais non. Tu dis n'importe quoi. Passe-moi la serviette que je puisse éponger !
- Si je crois bien ! Il te suit des yeux depuis qu'on est descendu des vélos. Regarde, c'est le blond sur le rameur, avec un haut noir.
Non, c'est pas possible ! Celui que je trouvais mignon dans le miroir ? Je me retourne discrètement, et m'assois sur le banc pour boire un peu plus. En fait, les rameurs sont beaucoup plus près que je pensais. Il est toujours là, ramant la musique dans les oreilles. Il est plus que mignon. Je dirais qu'il est craquant avec sa coupe de cheveux style surfeur, et son bouc qui tire vers le blond foncé. Le voilà qui s'arrête ! Il se redresse pour boire et tourne la tête vers moi. Ses yeux bleus accrochent les miens quelques secondes, avant que je pivote vers Caroline, le feu aux joues.
J'ai le cœur qui bat fort ! Son regard a traversé mon âme et mon corps ! Je me sens toute drôle, à la fois paralysée par ma timidité, et excitée à l'idée qu'il m'ait remarquée ! Attends, respire à fond. Il t'a vu parce qu'il se sentait observé, c'est tout ! Caro me dévisage triomphante, un grand sourire aux lèvres :
- Tu vois je t'avais dit qu'il t'observait ! Il est super mignon ! J'en ferais bien mon quatre heures ! glousse t'elle. Ne me regarde pas comme ça, je te le laisse, tu en as bien plus besoin que moi ! Et la voilà qui remonte sur le vélo.
Après une heure de sport à essayer de ne pas épier ouvertement cet homme derrière moi, je suis Caroline pour retourner aux vestiaires. Elle fait exprès de passer juste à côté de lui, au tapis roulant. Il tourne la tête vers moi et descend de l'engin pour attraper sa bouteille d'eau. Il me lance un sourire qui me fait fondre. Je tente un faible bonjour, et le voilà que me répond d'une voix suave me remuant toute entière. Un timide sourire et je m'éclipse sous la douche.
L'eau chaude ruisselant sur ma peau me fait du bien. Elle délasse tous mes muscles et me détend. Je ferme les yeux pour passer la tête sous le jet, et son regard me revient. Mon ventre se crispe et je respire plus fort. C'est dingue l'effet qu'il peut me faire. Un simple regard et un bonjour, et tu es toute chamboulée. T'es pas sérieuse Léa ! Bon d'un autre côté, ça fait longtemps que j'attends qu'il se passe quelque chose. Caroline a eu raison de me traîner jusqu'ici. Je me sens un peu mieux.
Une fois changée avec un jean et une chemise légère, j'ose la queue-de-cheval. Caroline est devant le miroir en train de remettre ses boucles d'oreille.
- Alors, on se le prend ce verre ? Ils ont un bar de l'autre côté du bâtiment. On peut rester ici si ça te va ?
- Ok ça me va, mais ne traine pas trop. Je suis crevée, et j'aimerais pas tarder à rentrer.
- Oui, ça va ! Je suis prête, comment tu me trouves ?
Caroline est superbe avec ses cheveux crépus de métis au naturel, et ses grandes créoles argentées rehaussant son regard malicieux. Elle est habillée avec un haut largement décolleté, et un mini short. Son assurance a toujours forcé mon admiration.
En sortant des vestiaires, je consulte mon téléphone qui est farci d'alertes Facebook sans intérêt. Je le range dans ma poche et lorsque je relève la tête, il est là, planté devant moi, me dévorant des yeux. Je me sens rougir, mais je ne peux pas détacher mon regard du sien. Son parfum, un léger musc, me fait respirer un peu plus vite. Mon ventre se crispe délicieusement, et je lui souris sans pouvoir m'en empêcher. Caroline au secours ! Je ne sais plus quoi faire !
- Léa ? Tu viens ? On va boire un verre !
Ouf ! Merci Caro.
- Oui j'arrive. À bientôt vous ! lançais-je en regardant le bel inconnu dans les yeux.
Une fois au bar, Caroline me tire à une table et me demande :
- C'était quoi ça ?
- De quoi tu parles ?
- À bientôt vous ! dit-elle en m'imitant
- Ben quoi ?
- Mais enfin, Léa ! C'était du rentre-dedans ! Je ne suis pas sure de te reconnaître. Je ne t'ai jamais vu comme ça avant !
Mais oui ! C'était quoi ça ? Je me liquéfie sur ma chaise en sirotant mon diabolo cassis. À quoi je pensais ?
Annotations