Le gendre idéal

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Je suis seule à la salle de sport, pédalant sans aucun but, face au miroir qui me reflète un espace immense. Je pédale comme si je voulais fuir quelque chose ou quelqu'un. Je ressens comme un picotement derrière ma nuque. Il y a quelqu'un qui m'observe, sans que je puisse le voir dans la glace devant moi. J'hésite à pivoter. Il y a bien quelqu'un qui se rapproche de moi, mais je ne veux pas me retourner. J'attends avec une sorte d'espoir. Cette personne est maintenant juste au-dessus de mon épaule. Je peux sentir son souffle chaud sur ma peau. « Bonjour. » Cette voix masculine et suave à mon oreille, déverrouille mon esprit et libère mes mouvements. Je plonge dans ses yeux bleus. Je ne suis qu'à quelques centimètres de son visage, ce qui emballe mon petit cœur. Son parfum m'envahit, envoutant mes pensées.

Je suis assise sur le banc de la machine à poulie, pour muscler le dos. Je tire sur le câble, faisant monter et descendre les poids. Il s'est installé juste derrière moi, pour me guider dans l'exercice. Il a posé ses mains contre les miennes, m'aidant à chaque mouvement. Son torse entre en contact avec mon dos après chaque traction. Son bassin et ses cuisses sont collés à moi. J'ai chaud. Je me sens bouillir de l'intérieur.

Je suis épuisée par l'effort et par mes émotions. Je lâche la barre, et il capture mes mains dans les siennes. Il se redresse, quittant mon contact un peu trop vite, m'aidant à me relever, pour me conduire jusqu'aux vestiaires. On s'arrête dans le couloir, et il me plaque doucement contre le mur, posant ses mains de part et d'autre de ma tête. Je ne suis que des braises ardentes, attendant son baiser pour m'enflammer. J'ai le souffle court, mes yeux rivés aux siens. Je sens son visage se rapprocher du mien... BIP ! BIP ! BIP !

Il est sept heures du matin, et je donne une grande claque au réveil pour le faire taire. Bon sang! J'ai rêvé de ce bel inconnu ! Je suis tout essoufflée. Mais pourquoi ce réveil a-t-il sonné si tôt ? Frustré de ne pas connaître la suite de mon fantasme, je me résigne à me lever. Je file sous la douche. Ça m'aidera à me remettre les idées en place. J'enjambe le rebord de la baignoire après avoir quitté ma chemise de nuit. Au contact de l'eau fraiche, mon cerveau se réveille doucement. Les brumes de cette nuit ruissellent le long de mon corps, pour me préparer à cette journée.

Dans la cuisine, tout en buvant mon café, je pense à ce qu'il m'attend aujourd'hui. Mes parents m'ont demandé de les aider pour des travaux chez eux. Il faut refaire tout le salon selon ma mère, et mon père s'est plié à ses exigences. Mais je sais très bien qu'il ne se laissera pas faire jusqu'au bout du chantier. Je mange encore une tartine, je prends la vieille salopette et la chemise qui va avec et je pourrais partir.

Arrivée après trois quarts d'heure de route, je trouve ma mère en train de ranger des cadres photo dans un carton.

  • Bonjour Maman, Papa n'est pas là ?
  • Bonjour ma chérie. Il est allé chercher des vieux draps au grenier pour couvrir le buffet. On ne va pas pouvoir le mettre dans une autre pièce. J'ai choisi la couleur des murs. Gris et vert pastel qu'en dis-tu ?
  • Oui pourquoi pas... Je vais voir si Papa a besoin d'un coup de main.

Une fois au grenier, je vois mon père, des draps dans les mains et les cheveux pleins de toile d'araignée.

  • Bonjour Papa, tu te reconvertis en plumeau ?
  • Bonjour Léa, te fous pas de moi, ta mère avait rangé ça tout au fond d'un coffre, là ou le toit est le plus bas. Tiens prends ça, je m'occupe du reste.

Nous avons mis les draps en place et avons poncé murs et plafond pendant la matinée. Après midi, camouflage de la limite du plafond et des cadres de porte et fenêtre, et me voilà en train de peindre. C'est vraiment la partie la plus pénible. En haut d'un escabeau, la tête en l'air, si je n'ai pas un torticolis à la fin, je serai contente.

Tiens ! Me voilà au fond du seau. Je regarde ce qu'il reste à faire, il n'en manque pas beaucoup, mais ça ne suffira pas.

  • Papa ? Tu as un autre pot de peinture blanche ?
  • Oui, je vais le chercher. Tu sais qui j'ai croisé en allant acheter la peinture ?
  • Non, qui ça ?
  • Bastien ! Il m'a aidé à choisir tout ça. Tu sais, il n'a retrouvé personne pour le moment.
  • Ca veut dire quoi, ça ?
  • Ben... Il est célibataire... Et je pense que tu lui manques.

Je descends les quelques marches de l'escabeau, tout en essayant de garder mon calme.

  • Papa, c'est fini entre lui et moi ! Je ne changerais pas d'avis.
  • Écoute, c'est un gentil garçon, il a un bon métier, et tu es si triste depuis votre séparation... Maintenant de l'eau a coulé sous les ponts. Tu pourrais le revoir au moins une fois ?
  • Non, non et non ! Je sais bien que pour toi et Maman, il semblait être le gendre idéal. Mais c'est fini ! Il m'a menti et trompée ! Tu comprends ? Non, visiblement pas.

J'ai pas pu garder mon calme ! Il faut que je parte avant d'exploser davantage. Je pose pinceau et peinture avant d'ajouter :

  • Il ne reste pas grand chose à peindre. Je vous laisse finir tous les deux. Je reviendrais le weekend prochain pour vous aider.
  • Attends ! Léa !
  • Bonsoir Papa, bonsoir Maman.

Je remonte en voiture en claquant la portière. Mais c'est dingue ! Quand est-ce qu'ils vont comprendre ? Aller ! Je rentre, une bonne douche et ça ira mieux. Sur la route, je repense à ces cinq ans passés avec Bastien, et la joie éprouvée au début de notre relation, m'apparaît comme une perte de temps. Plus ou moins inconsciemment, j'appuie plus fort sur l'accélérateur. La vitesse apaise un peu ma colère. Il y a peu, j'aurais encore pleuré, mais plus aujourd'hui. Je crois que j'ai envie de passer à autre chose.

Une fois à l'appartement, je m'étale dans le canapé. Qu'est-ce que je vais faire de ma soirée ? J'attrape mon téléphone portable pour envoyer un message à Caroline : Salut, ça va depuis hier ? Dis, tu fais quoi ce soir ? La réponse ne se fait pas attendre. Hey ! Tu veux sortir ? Ya une soirée Jazz au bar dansant ? Hum... Pourquoi pas ? Ok viens me prendre à 21h. Voilà qui devrait me changer les idées. Je saute sous la douche, un petit repas vite fait et je dois trouver quoi me mettre pour la soirée. Cette perspective me fait me sentir un peu mieux.

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